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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX04288

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX04288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1900666 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 20 novemb

re 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1900666 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 20 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 21 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer un récépissé dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et témoigne d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle n'est pas entrée irrégulièrement en France ;

- à la date à laquelle l'arrêté en litige lui a été notifié, elle était en situation régulière et pouvait se pourvoir en cassation contre la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; le préfet ne pouvait donc se fonder sur les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2020 à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante serbe née le 16 mars 1980, est entrée en France le 14 mai 2015 selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande tendant à l'annulation de cette décision, le préfet de la Corrèze, par arrêté du 21 mars 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. En premier lieu, il appartenait à Mme B..., tant au cours de l'instruction de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée qu'après la décision du 26 juin 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile selon la procédure accélérée prévue par l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou après la décision du 12 mars 2019 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait porté à la connaissance du préfet des éléments de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il n'est pas même allégué que Mme B... aurait été empêchée de faire valoir tout élément utile auprès des services préfectoraux. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que son droit d'être entendue aurait été méconnu doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de Mme B..., en particulier le 6° du I de l'article L. 511-1. L'arrêté précise les conditions de son entrée et de son séjour en France et la circonstance que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet de la Corrèze précise que l'intéressée est célibataire et sans enfant et qu'elle ne remplit pas les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé en droit et en fait la décision par laquelle il lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen complet de la situation de Mme B... telle qu'elle avait été portée à sa connaissance avant de prendre l'arrêté en litige.

5. En troisième lieu, si Mme B... soutient qu'elle est entrée régulièrement en France dès lors qu'elle bénéficiait d'un titre de séjour en Italie, elle ne produit toutefois aucune pièce pour l'établir.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Conformément au II de l'article 71 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, les présentes dispositions s'appliquent aux décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de ladite loi.

7. Il résulte de ces dispositions que Mme B... ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français dès la lecture en audience publique, le 12 mars 2019, de la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié, quand bien même cette décision ne lui avait pas encore été notifiée et qu'elle disposait de la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat contre cette décision. Dans ces conditions, le préfet de la Corrèze pouvait se fonder sur les dispositions, citées au point 2, du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre une décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme B... est entrée en France le 14 mai 2015 selon ses déclarations, à l'âge de 35 ans. Ainsi qu'il a été dit, sa demande d'asile a été rejetée. Elle est célibataire et sans enfant. Si elle se prévaut de la présence en France de son père et de sa fratrie, elle n'établit pas l'intensité de ses liens avec eux. Dans ces conditions, en faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Il n'a pas davantage entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Ainsi qu'il a été dit, la demande d'asile de Mme B... a été rejetée. Si elle soutient qu'elle serait exposée à des persécutions dans son pays d'origine, cela n'est établi par aucune pièce du dossier. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait méconnu les stipulations citées au point précédent ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D.... Copie sera transmise au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

La présidente,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX04288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04288
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : AKAKPOVIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx04288 ?
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