La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2020 | FRANCE | N°20BX00185

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 20BX00185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901814 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 10 janvi

er 2020 et le 16 juin 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901814 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 10 janvier 2020 et le 16 juin 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Vienne du 17 septembre 2019 ;

3°) de lui accorder si besoin l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié aux deux pathologies dont il souffre ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne comprend pas suffisamment le français et a besoin d'un interprète dans le cadre de ses démarches juridictionnelles ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 9 avril 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 22 mai 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe, né le 15 février 1986, est entré en France le 8 janvier 2018 pour y déposer une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 juillet 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2019. Le 19 mars 2019, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2020. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la demande d'interprète :

3. Les dispositions de l'article R. 776-23 du code de justice administrative, qui instituent au profit de l'étranger qui ne parle pas suffisamment la langue française la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un interprète lors de l'audience afin de présenter des observations orales, ne sont applicables qu'aux seuls recours dirigés contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du même code, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence. Le requérant ne peut donc utilement invoquer ces dispositions, à supposer qu'il ait entendu s'en prévaloir. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que les circonstances de l'espèce rendent utile la désignation d'un interprète dans la présente instance.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) "

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort de l'avis émis le 2 juillet 2019, que le collège de médecins de l'OFII, que le préfet a consulté avant de prendre sa décision, a estimé que l'état de santé de l'appelant nécessitait une prise en charge médicale, que ce défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et enfin que pour sa prise en charge, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

7. L'appelant fait valoir qu'il souffre de troubles post-traumatiques associés à un syndrome anxiodépressif, qui serait en lien avec des évènements violents qu'il a subis en Russie, ainsi que d'un diabète très difficile à réguler et qu'il ne peut être soigné par un traitement approprié pour ces deux pathologies dans son pays d'origine. A cet égard il ressort des attestations médicales produites que son état de santé nécessite un suivi psychiatrique et que son diabète nécessite également un suivi ininterrompu. Toutefois, d'une part, sur le plan psychiatrique, ni le certificat médico-légal du 12 octobre 2018 que produit M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de corroborer la réalité des actes de maltraitance allégués. En outre à les supposer établis, les éléments produits, purement descriptifs, ne permettent pas de constater l'existence d'un lien entre ces actes et la pathologie de l'intéressé tel qu'il ferait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier effectivement dans son pays de la continuité des soins psychiatriques que son état de santé nécessite. D'autre part, s'agissant de la prise en charge de son diabète, les pièces qu'il produit, notamment les attestations de sa mère et de son épouse indiquant qu'il souffre depuis son enfance d'un diabète difficilement contrôlable, de même que l'attestation d'un médecin officiant en Tchétchénie faisant état des importantes carences en matière d'offre médicale pour le traitement du diabète ainsi qu'un certificat établi le 18 décembre 2019 relatif à une consultation dans un hôpital russe réalisée en juin 2017, si elles décrivent précisément les caractéristiques de sa pathologie et les conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'entraînerait l'interruption de sa prise en charge, ne permettent pas d'estimer que les soins nécessaires seraient indisponibles en Russie. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause la décision du préfet éclairée par l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En second lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. M. B... soutient que le préfet de la Haute-Vienne a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, alors que sa demande de titre de séjour n'a été présentée que sur le fondement des dispositions du 11° de l'article précité et que le préfet n'a pas examiné à titre gracieux s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur un autre fondement, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision portant fixation du pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX00185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00185
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET AVOC'ARENES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;20bx00185 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award