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10/07/2020 | FRANCE | N°18BX02887

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 10 juillet 2020, 18BX02887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. R... K..., Mme J... K..., M. H... K..., M. C... K..., M. A... K..., M. L... K..., Mme T..., Mme G... E... et M. Q... P... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement

la société SNCF Réseau et la commune de Grisolles à leur verser la somme de 1 400 000 euros en réparation des préjudices résultant du décès de M. I... K... à la suite de la collision entre le véhicule de celui-ci et un poteau caténaire.

Par un jugement n° 1602447 du 31 mai 2018, le tribun

al administratif de Toulouse

a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. R... K..., Mme J... K..., M. H... K..., M. C... K..., M. A... K..., M. L... K..., Mme T..., Mme G... E... et M. Q... P... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement

la société SNCF Réseau et la commune de Grisolles à leur verser la somme de 1 400 000 euros en réparation des préjudices résultant du décès de M. I... K... à la suite de la collision entre le véhicule de celui-ci et un poteau caténaire.

Par un jugement n° 1602447 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse

a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2018, M. R... K..., Mme J... K..., M. H... K..., M. C... K..., M. A... K..., M. L... K..., Mme T..., Mme G... E... et M. Q... P..., représentés par Me N..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 mai 2018 ;

2°) de condamner solidairement la société SNCF Réseau et la commune de Grisolles

à leur verser la somme totale de 1 300 000 euros en réparation des préjudices résultant

pour chacun d'eux du décès de M. I... K... à la suite de la collision entre le véhicule

de celui-ci et un poteau caténaire ;

3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- l'accident dont a été victime M. I... K... révèle un défaut d'entretien normal

de l'ouvrage routier en raison du mauvais état de la chaussée, de l'insuffisante signalisation

du risque de verglas, de l'affaissement de la chaussée, d'un virage dangereux non signalé, et de l'absence de glissière de sécurité séparant la route de la voie ferrée ; un précédent accident avait eu lieu à cet endroit ; l'ouvrage était de surcroît exceptionnellement dangereux du fait de sa proximité avec la voie ferrée ;

- la responsabilité de SNCF Réseau est également engagée en raison de la présence d'une caténaire qui n'était pas sécurisée par une glissière et de la présence du ballast que le véhicule a percuté violemment ;

- le préjudice moral et la douleur de chacun des membres de la famille devront être justement réparés à hauteur de de 200 000 euros pour chacun des parents, de 150 000 euros pour chacun des quatre frères et de 100 000 euros pour chacun des trois grands-parents de

M. I... K....

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2018, la société SNCF Réseau, représentée par Me M..., conclut à l'irrecevabilité de la requête d'appel, subsidiairement au rejet de la demande, et à ce que soit mis à la charge des requérants le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable faute d'être accompagnée de la décision attaquée ;

- elle est également irrecevable en raison de son absence de motivation et de toute critique du jugement de première instance ;

- au fond, les causes de l'accident résident dans la présence de verglas et un défaut de maîtrise du véhicule en raison d'une vitesse excessive, causes étrangères à la société SNCF Réseau ;

- le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ferroviaire n'est pas établi alors que la faute de la victime est totalement exonératoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2018, la commune de Grisolles, représenté par Me S..., conclut :

- 1°) au rejet de la requête des consorts K... pour irrecevabilité et, à titre subsidiaire, au rejet au fond de celle-ci ;

- 2°) à ce que soit mis à la charge des requérants le paiement de la somme

de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, par méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1

du code de justice administrative et en raison de son absence de motivation, au visa de

l'article R. 411-1 du même code ;

- en toute hypothèse, la responsabilité de la commune n'est pas engagée en l'absence

de lien entre le dommage subi et l'ouvrage public, lequel était au demeurant parfaitement entretenu ;

- la faute de la victime est de surcroît totalement exonératoire ;

- l'ouvrage ne présentait pas de caractère exceptionnellement dangereux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. O... F...,

- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 janvier 2013 aux alentours de 9 heures, M. I... K..., qui circulait en automobile rue de la Paix, sur le territoire de la commune de Grisolles (Tarn-et-Garonne),

en agglomération, a été victime d'un accident entraînant son décès. Son véhicule est sorti de la route, a franchi un talus, a traversé une double voie ferrée et s'est encastré dans un poteau caténaire se trouvant du côté opposé à la rue. M. R... K..., Mme J... K...,

M. H... K..., M. C... K..., M. A... K..., M. L... K..., Mme T..., Mme G... E... et M. Q... P..., parents, frères et grands-parents de la victime,

ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement la société SNCF Réseau, venant aux droits de Réseau Ferré de France, et la commune de Grisolles à leur verser une indemnité globale de 1 400 000 euros, en réparation du préjudice moral qu'ils ont subis

du fait du décès de M. I... K.... Ils relèvent appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes et sollicitent, en appel,

la condamnation solidaire de SNCF Réseau et de la commune de Grisolles à leur verser

une indemnité ramenée à 1 300 000 euros.

Sur la responsabilité :

2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice, et d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage public et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'il n'y a pas de défaut d'entretien, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.

En ce qui concerne la commune de Grisolles :

3. D'une part, si les requérants persistent à soutenir en appel que l'accident dont a été victime M. I... K... est la conséquence du caractère exceptionnellement dangereux de la voierie, les seules circonstances que la rue de la Paix à Grisolles est parallèle à une voie ferrée et qu'aucun dispositif de séparation continue ou de protection n'est prévu ne sauraient suffire à établir que les usagers de cette voie, dont la vitesse est limitée à 50 km/h en agglomération, seraient exposés à des risques présentant un caractère exceptionnel de gravité, ou que le léger virage en amont de l'accident aurait présenté un danger particulier. Il ne résulte pas de l'instruction que cette rue, relativement rectiligne, serait particulièrement accidentogène, aucun autre accident n'ayant été signalé de manière récente.

4. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction, en particulier des photographies produites par les requérants en première instance, que le revêtement de la voierie aurait présenté le jour de l'accident des défectuosités caractérisant un défaut d'entretien normal. Si les requérants soutiennent qu'une " déformation en creux " de la voierie aurait favorisé la formation d'une plaque de verglas, cela ne ressort d'aucune pièce. Il résulte en revanche des témoignages des gendarmes et des pompiers s'étant rendus sur les lieux que l'intégralité de la chaussée était verglacée. La présence de verglas sur la voierie, qui constitue un aléa auquel les usagers de la voie publique peuvent normalement s'attendre au mois de janvier, n'excédait pas les risques ordinaires contre lesquels ils doivent se prémunir en toutes circonstances en prenant toutes précautions utiles, notamment en adoptant une vitesse adaptée aux conditions climatiques. L'absence de mesure de signalisation spécifique ou de condamnation de la rue, alors que le verglas s'était formé alors que l'accident s'est produit à 9 h 15 du matin, ne saurait en conséquence être regardée comme constitutive d'un défaut d'entretien normal de la voie publique. Enfin, il n'est pas contesté que M. I... K..., qui connaissait les lieux, ne pouvait ignorer la présence de verglas, alors qu'il l'avait signalée peu de temps auparavant à sa mère. Au demeurant, il résulte également des procès-verbaux de gendarmerie et de l'enquête judiciaire, ainsi que de l'expertise judiciaire, que M. I... K... roulait à une vitesse excessive en agglomération dans une portion limitée à 50 km/h, assurément supérieure à 70 km/h selon les calculs précis réalisés par l'expert, qu'un panneau rappelait la limite de vitesse et que, par ailleurs, le pneu avant gauche du véhicule était usé à 100 %. De plus, la victime, qui résidait à proximité, avait une parfaite connaissance des lieux et savait, ainsi qu'il a été dit, que la chaussée était glissante, n'a pas adapté sa conduite aux conditions météorologiques, ce qui lui a fait perdre la maîtrise de son véhicule. L'intéressé a ainsi commis une grave faute d'imprudence, de nature à exonérer de toute responsabilité la commune de Grisolles.

5. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la commune de Grisolles n'était pas engagée en l'absence de caractère exceptionnellement dangereux de l'ouvrage et de tout défaut d'entretien de la voierie.

En ce qui concerne SNCF Réseau :

6. Si les requérants continuent à se prévaloir du fait que SNCF Réseau est responsable de l'entretien du poteau caténaire situé de l'autre côté de la voie ferrée, à près de 35 mètres de la sortie de route du véhicule de M. I... K..., contre lequel ce dernier est venu s'encastrer, cet ouvrage, ainsi que l'ont pertinemment relevé les premiers juges, n'a pas été à l'origine de l'accident et n'en constitue pas la cause directe. Au surplus, alors que la voie ferrée et la route sont séparées par un remblai et que la zone ne présentait pas par elle-même, du fait de sa configuration, un danger particulier, l'absence de clôture n'est pas de nature à révéler en l'espèce un défaut d'entretien normal de la voie ferrée, aucune disposition n'imposant une telle séparation en l'absence de danger. Enfin, les requérants ne sauraient utilement rechercher la responsabilité contractuelle de la société SNCF Réseau devant la juridiction administrative, alors que la victime n'avait pas la qualité d'usager du service de transport ferroviaire qui constitue un service public industriel et commercial.

7. Au demeurant, et ainsi qu'il a été dit au point 4, l'imprudence fautive du conducteur est, en toute hypothèse, de nature à exonérer de toute responsabilité la société SNCF Réseau.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation de SNCF Réseau et de la commune de Grisolles.

Sur les frais relatifs au litige :

9. Les consorts K..., qui sont la partie perdante, ne sont pas fondés à demander l'allocation d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à leur charge au titre des frais exposés par SNCF Réseau et par la commune de Grisolles à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts K... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. R... K..., Mme J... K..., M. H... K..., M. C... K..., M. A... K..., M. L... K..., Mme T..., Mme G... E..., M. Q... P..., à SNCF Réseau et à la commune de Grisolles.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B... D..., présidente,

M. O... F..., premier conseiller,

Mme U..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Anne D...

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02887
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : BARTHET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;18bx02887 ?
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