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10/07/2020 | FRANCE | N°19BX02519

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 juillet 2020, 19BX02519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Euro Immo Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1800768 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2019, la société Euro Immo Caraïbes, représentée par Me A..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 14 mars 2019 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Euro Immo Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1800768 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2019, la société Euro Immo Caraïbes, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 14 mars 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau du 14 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Capesterre-Belle-Eau une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier soumis à enquête publique ne comportait pas les schémas des réseaux d'eau et d'assainissement existants, ni les autres informations exigées par l'article R. 151-53 du code de l'urbanisme ;

- le dossier soumis à enquête publique ne comportait pas les avis des personnes publiques consultées au cours de l'élaboration du plan ;

- la commune, qui avait arrêté son projet avant même l'enquête publique, n'a pas tenu compte de l'avis du public ni des remarques du commissaire enquêteur ;

- le rapport de présentation n'explique pas les choix ayant conduit à priver la zone industrielle et artisanale de plus de 8 hectares en modifiant le classement de la parcelle lui appartenant ;

- dès lors qu'elle n'expose pas la méthode concernant sa mise en oeuvre, l'évaluation environnementale est insuffisante ;

- en classant en zone agricole la parcelle cadastrée AK n° 216, précédemment classée en zone industrielle et artisanale, les auteurs du plan en litige ont commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 3 octobre 2019, la commune de Capesterre-Belle-Eau, représentée par la SCP Herald, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, de la délibération du 14 juin 2018 en tant seulement qu'elle classe la parcelle cadastrée AK n° 216 en zone agricole, et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2020 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) a prescrit, en dernier lieu le 10 novembre 2011, la révision du plan d'occupation des sols de la commune et sa transformation en plan local d'urbanisme. Par délibération du 14 juin 2018, il a approuvé ce plan. La société Euro Immo Caraïbes relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, applicable au litige : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par (...) le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis recueillis en application des articles L. 121-5, L. 123-8, L. 123-9, et, le cas échéant, du premier alinéa de l'article L. 123-6 ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 123-9 du même code : " (...) le conseil municipal arrête le projet de plan local d'urbanisme. Celui-ci est alors soumis pour avis aux personnes publiques associées à son élaboration (...) Ces personnes et cette commission donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan ; à défaut, ces avis sont réputés favorables ". Aux termes de l'article R. 123-17 du même code : " Conformément à l'article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, le plan local d'urbanisme ne peut être approuvé qu'après avis de la chambre d'agriculture de l'Institut national de l'origine et de la qualité dans les zones d'appellation d'origine contrôlée et, le cas échéant, du Centre national de la propriété forestière lorsqu'il prévoit une réduction des espaces agricoles ou forestiers. Il en va de même en cas de révision. Ces avis sont rendus dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En l'absence de réponse à l'issue de ce délai, l'avis est réputé favorable ". Aux termes de l'article R. 123-14 du même code : " Les annexes comprennent à titre informatif également : (...) 3° Les schémas des réseaux d'eau et d'assainissement (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport du commissaire enquêteur, que le dossier soumis à enquête publique comportait l'ensemble des avis rendus par les personnes publiques associées ainsi que les lettres de transmission du dossier adressées à celles qui n'ont pas répondu dans le délai fixé par les dispositions citées au point précédent des articles R. 153-4 et R. 153-6 du code de l'urbanisme. D'autre part, il en ressort également que figuraient en annexes les périmètres de protection des captages d'eau potable et les schémas d'évacuation des eaux usées et pluviales. Enfin, le rapport de présentation, qui faisait partie du dossier soumis à enquête publique, consacre une de ses parties aux captages et au réseau d'eau potable et comporte une carte du réseau d'eau potable. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique ne comportait ni les avis des personnes associées ni les schémas des réseaux d'eau et d'assainissement existants doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme : " Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal ".

5. Le projet de plan local d'urbanisme arrêté a été soumis à enquête publique conformément aux dispositions, citées au point 5, du premier alinéa de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme. Le commissaire enquêteur a recueilli les observations du dirigeant de la société requérante qui a ainsi pu faire part de son projet de construction de logements sur la parcelle lui appartenant et de son opposition au classement de celle-ci en zone agricole. Ces observations, analysées par le commissaire enquêteur, ont été portées à la connaissance de la commune qui a été invitée à y répondre. La commune n'était tenue ni par les demandes formulées par la requérante au cours de l'enquête publique, ni par les remarques et recommandations du commissaire enquêteur, lequel a, au demeurant rendu un avis favorable assorti de trois recommandations d'ordre général. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de prise en compte des résultats de l'enquête publique doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 ou, dans les communes d'outre-mer, le 26 septembre 2018. Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 123-2 du même code, applicable au litige en vertu de l'article L. 174-3 : " En cas de modification, de révision ou de mise en compatibilité dans les cas prévus aux articles R. 123-23-1, R. 123-23-2, R. 123-23-3 et R. 123-23-4, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés ".

7. Alors que la société requérante se borne à alléguer qu'il est écrit en termes généraux et peu circonstanciés, il ressort du rapport de présentation du plan en litige qu'il procède à une analyse des modes d'occupation des sols et à une étude des différents quartiers et réalise un bilan du plan d'occupation des sols. Il justifie, au regard de ce diagnostic, les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et les choix retenus pour le zonage et le règlement. La parcelle appartenant à la société requérante apparaît sur les différents documents graphiques inclus dans le rapport de présentation, en particulier le plan rappelant le zonage du plan d'occupation des sols et celui du nouveau zonage. Si le rapport de présentation n'expose pas les raisons ayant spécialement motivé le changement de zonage de la parcelle en litige, alors que les explications requises par les dispositions précitées n'exigent pas la motivation du changement de zonage de chaque parcelle, il ne ressort des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des autres développements du rapport, ni que cette circonstance, ait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ni qu'elle ait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Dès lors, le moyen tiré du caractère insuffisant du rapport de présentation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, l'autorité environnementale a relevé que l'évaluation environnementale du plan en litige comportait quelques erreurs et insuffisances, notamment concernant l'exposé de la méthode employée. Toutefois, et eu égard notamment à la présence de l'avis très circonstancié de la mission régionale d'autorité environnementale au dossier soumis à l'enquête publique et aux autres développements du rapport de présentation, en particulier concernant les sites historiques, il ne ressort des pièces du dossier ni que ces erreurs et insuffisances aient eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ni qu'elles aient été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Dans ces conditions, et dès lors que la société requérante se borne à soutenir, sans aucune autre précision, qu'elle est insuffisante, le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation environnementale doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, applicable au litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, et leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige, cadastrée AK n° 216, d'une superficie de 8ha, est située au nord du bourg dont elle est séparée par la confluence de la rivière Pérou et de la Grande rivière de Capesterre. Elle appartient à une zone naturelle et agricole et est soumise à des risques de mouvement de terrains et d'inondation. Il ressort des photos aériennes des années 2004, 2010, 2013 et 2017 produites par la commune que si elle est à l'état de friche à la date du plan en litige, elle a fait auparavant l'objet d'une exploitation agricole pour sa majeure partie et a supporté l'exploitation d'une centrale à béton sur environ 20 % de sa superficie. La circonstance que la parcelle serait polluée par l'exploitation de l'ancienne centrale à béton ainsi que par l'usage de chlordécone, lequel au demeurant est nécessairement lié à son exploitation agricole passée, n'est pas par elle-même de nature à lui ôter tout potentiel agricole. Les orientations du projet d'aménagement et de développement durables ont notamment pour objet de préserver et valoriser les espaces naturels et agricoles et de structurer et hiérarchiser le territoire, en privilégiant l'urbanisation du bourg et des pôles secondaires et en limitant l'étalement urbain sur les pôles ruraux. Le précédent classement de la parcelle en zone UY artisanale et industrielle est sans incidence sur la légalité de son classement en zone agricole. Dès lors, en classant la parcelle en litige en zone agricole, les auteurs du plan n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Euro Immo caraïbes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Capesterre-Belle-Eau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Euro Immo Caraïbes une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Capesterre-Belle-Eau en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Euro Immo Caraïbes est rejetée.

Article 2 : La société Euro Immo Caraïbes versera à la commune de Capesterre-Belle-Eau une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Immo Caraïbes et à la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... D..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Brigitte D... La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX02519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02519
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : HATCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;19bx02519 ?
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