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22/09/2020 | FRANCE | N°19BX04390

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 19BX04390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour avec changement de statut.

Par un jugement n° 1800993 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. I..., représenté par Me A... M'B..., demande à la cour :

1°) de

l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour avec changement de statut.

Par un jugement n° 1800993 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. I..., représenté par Me A... M'B..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour avec changement de statut ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation sur sa vie privée et familiale et que par ailleurs en estimant que le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé sa décision, le tribunal a entaché son jugement d'illégalité ;

- eu égard à sa vie privée et familiale en France, le jugement et la décision du préfet sont entachés d'une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par mémoire enregistré le 27 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de M. I... ne sont pas fondés.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J... F...,

- et les observations de Me A... M'B..., représentant M. I....

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1986, est entré régulièrement en France le 24 août 2005. Il a tout d'abord bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an en qualité d'étudiant régulièrement renouvelée jusqu'au 14 octobre 2008. Il a ensuite bénéficié de cartes de séjour temporaires d'un an en qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française du 15 octobre 2008 au 14 octobre 2010 en raison de son mariage, le 4 octobre 2008 à Bordeaux, avec Mme C... E.... Toutefois, cette dernière a engagé une procédure de divorce et une ordonnance de non conciliation a été prononcée le 2 décembre 2010 par le tribunal de grande instance de Bordeaux. La communauté de vie étant rompue et l'intéressé ne pouvant ainsi bénéficier du renouvellement de sa carte de séjour au titre de la vie privée et familiale, il a sollicité le changement de son statut et son admission au séjour en qualité de salarié. M. I... a ainsi bénéficié d'un titre de séjour en qualité de salarié régulièrement renouvelé jusqu'au 5 juillet 2016. A cette date, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain ainsi qu'un changement de statut au profit d'un titre de séjour en qualité d'entrepreneur, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a été saisie et a rendu un avis défavorable le 25 octobre 2017. Puis, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre, le 29 décembre 2017, une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour. M. I... relève appel du jugement n° 1800993 du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 6 février 2020, M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à être admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Toulouse a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête introductive d'instance de M. I.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par le demandeur, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait insuffisamment motivée, qu'elle porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. I... ni à celui d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. Par suite, M. I... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, la décision attaquée vise notamment 1e 3° de l'article L. 313-10 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de l'accord franco-marocain, sur lesquels était fondée la demande de M. I.... Elle vise également l'article L. 313-14 du même code ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle rappelle les conditions d'entrée de l'intéressé sur le territoire national et détaille l'ensemble des titres de séjour dont il a bénéficié, et vise l'avis rendu le 25 octobre 2017 par la commission du titre de séjour. Par ailleurs, la décision expose clairement les motifs de rejet des demandes de renouvellement de titre de séjour en qualité de salarié et de changement de statut. Enfin, elle est motivée au regard des attaches personnelles de M. I... en France et dans son pays d'origine. Dès lors, en estimant que la décision en litige comportait les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qu'elle était, par suite, suffisamment motivée, les premiers juges, alors même que la décision ne mentionne pas de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation du requérant au regard de son travail en France, n'ont pas entaché d'illégalité leur décision.

5. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. I....

6. En troisième lieu, si M. I... fait valoir qu'il remplirait les conditions pour prétendre à l'obtention d'une carte de résident, il est constant que la décision attaquée fait suite à une demande de titre de séjour et non à une demande de carte de résident. Le moyen d'ailleurs non précisé est inopérant.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. I... est entré régulièrement en France en 2005 et y réside ainsi depuis quatorze ans à la date de la décision contestée. Cependant, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé s'est trouvé en situation de bigamie entre le 12 juillet 2011 et le 18 juillet 2014. En effet, M. I... s'est tout d'abord marié le 4 octobre 2008 à Bordeaux avec Mme C... E..., de nationalité française, puis le 12 juillet 2011 à Berkane au Maroc avec Mme D... G..., également de nationalité française alors que le divorce avec sa première épouse n'a été prononcé que le 18 juillet 2014. Si M. I... fait valoir que son mariage avec Mme G... a été annulé par le Tribunal de grande instance de Nantes le 9 novembre 2017, il est cependant constant que l'intéressé s'est trouvé dans une situation de bigamie de nature à remettre en cause son intégration républicaine et le bénéfice d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Enfin, il n'est pas contesté que M. I..., qui est divorcé, sans enfant, et qui ne dispose plus de contrat de travail depuis le 12 février 2014 et qui a épuisé ses droits au titre de l'aide au retour à l'emploi, conserve des attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, notamment ses parents, son frère et sa soeur. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 29 décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions, aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. I....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. I... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... I... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. J... F..., président-assesseur,

M Nicolas Normand, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Dominique F... Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04390
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : HADJ MHAMED

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;19bx04390 ?
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