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22/09/2020 | FRANCE | N°19BX04723

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 19BX04723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901642 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 16 décembre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901642 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée en violation de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il remplit les conditions posées par cet article ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en violation de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale dans la mesure où elle est justifiée par la décision illégale du même jour portant refus de renouvellement d'un titre de séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard du 10° de l'article L. 511-4 du ceseda ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée en raison de l'absence totale d'indication sur les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine tant en raison de son état de santé qu'en raison des persécutions dont il fait l'objet ;

- elle est dépourvue de base légale dans la mesure où elle est justifiée par la décision illégale du même jour portant refus de renouvellement d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus pour son état de santé et des persécutions dont il fait l'objet en Russie ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du du 27 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né le 6 mars 1978, à Khassaviourt (Russie), est entré en France, selon ses déclarations, le 17 octobre 2009, de manière irrégulière. Sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 13 avril 2012. Le 14 juin 2012, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été accordé du 23 juillet 2012 au 22 juillet 2013. En revanche, sa demande présentée le 20 octobre 2014 tendant à la délivrance de ce même titre de séjour a été rejetée le 10 août 2015. Le 30 novembre 2017, il a sollicité de nouveau un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Cette demande a été rejetée, après un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 11 août 2018, par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 28 février 2019, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le refus de séjour rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement et précise les circonstances de fait propres à la situation de M. E... notamment sa date d'entrée en France, les conditions de son séjour, les principaux aspects de sa vie privée et familiale, la date de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'avis du collège de médecins de l'OFII le concernant et enfin il mentionne qu'il ne remplit pas les conditions pour la délivrance de ce titre de séjour. Dès lors, cette décision qui n'avait pas à mentionner la demande de réexamen au titre de l'asile présentée par M. E..., comporte les éléments de droit et de fait propres à la situation de l'appelant qui ont fondé l'appréciation portée par le préfet. Et il ressort de la motivation de la décision contestée que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen réel et sérieux de la situation du requérant doivent être écartés.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

4. Dans son avis du 11 août 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à M. E... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis précité. Si le certificat médical du Dr Vincent, médecin psychiatre, du 25 mars 2015, qui le suivait en consultation médicale rapprochée dans le cadre de sa prise en charge par l'équipe mobile en psychiatrie du centre hospitalier de la Chartreuse à Dijon à partir de décembre 2013, fait mention d'un état de stress traumatique sévère, il n'est pas contemporain de l'arrêté attaqué. L'attestation médicale du Dr Laurencin, médecin généraliste, du 26 mars 2019, selon laquelle le requérant souffre d'un syndrome post-traumatique avec un risque de suicide en cas de retour dans son pays d'origine ne saurait à elle seule infirmer les constatations du collège des médecins de l'OFII figurant dans l'avis précité du 11 août 2018. Le requérant n'établit pas davantage que son état de santé a évolué défavorablement depuis l'avis rendu le 20 octobre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant au requérant un titre de séjour. Il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour.

7. En deuxième lieu, dès lors que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. E... est elle-même motivée et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette dernière décision se confond avec celle de la décision relative au séjour. En l'espèce et ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est suffisamment motivée en droit comme en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En troisième lieu, à supposer même que M. E... réside sur le territoire national de manière habituelle depuis 10 ans, son séjour n'a été régulier que sur la période courant du 23 juillet 2012 au 22 juillet 2013 et il est constant qu'il est célibataire et sans enfant. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle doit être écarté.

9. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, faute d'avoir établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi, soulevé par voie d'exception, ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, la décision contestée vise l'article L. 511-1 I dernier alinéa du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. E... de nationalité russe " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vu, notamment le rejet de demande d'admission au bénéfice de l'asile ". La motivation adoptée par le préfet, qui a ainsi énoncé les éléments de droit et de fait sur lesquels il a fondé sa décision, doit être regardée comme suffisante.

12. En troisième lieu, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, le défaut de soins de M. E... en cas de retour en Russie, pays dont il a la nationalité, ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa personne. Ce constat n'est pas remis en cause par la production du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 8 septembre 2015 intitulé " Tchétchénie : système de santé et traitement des maladies et troubles psychiques ".

13. En quatrième lieu, M. E... soutient que son retour en Russie, et plus particulièrement en Tchétchénie, l'exposerait à des traitements humains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il encourt des risques de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays en raison des opinions qui lui sont imputées par les autorités qui le considèrent comme un combattant et, à tout le moins, un soutien des combattants. Il fait valoir que sa seconde demande de réexamen de sa demande d'asile du 22 février 2018, en cours d'instruction, va certainement prospérer dès lors que, postérieurement au rejet de sa première demande de réexamen le 8 novembre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile, ses frères Arsen et Alimpacha ont obtenu le 16 juin 2014, par décision de la même Cour, la reconnaissance de la qualité de réfugié et que les autorités tchéchènes s'acharnent contre lui et les membres de sa famille considérés comme proches du mouvement indépendantiste tchétchène. Pour écarter ce moyen les premiers juges ont relevé qu'il " ressort du récit du requérant et de ceux de ses deux frères devant la Cour nationale du droit d'asile que les persécutions dont il se dit victime ne sont pas liées à celles subies par ses frères dont la Cour a admis l'existence. En effet, le requérant a indiqué devant la Cour avoir dû fuir son pays d'origine non pas en raison des activités supposées de son frère Alimpacha mais en raison de ses relations avec un jeune homme originaire de Tchétchénie, dénommé Salman, qui aurait participé aux combats contre les forces armées russes. Dans leurs récits devant la Cour, ses frères Arsen et Alimpacha, qui expliquent qu'ils ont pris la fuite vers la France à la suite d'un attentat perpétré le 14 janvier 2011 contre un café à proximité du domicile d'Arsen et que ce dernier a été arrêté le 23 février 2011 à la suite d'une perquisition, ne font mention à aucun moment de persécutions subies par le requérant, ni de son implication dans les événements susrelatés qui les ont conduits à prendre la fuite. Ainsi, la circonstance que deux de ses frères ont obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié au regard de persécutions pour lesquelles il n'est pas établi qu'elles ont également été subies par le requérant ne permet pas d'établir la réalité des persécutions dont il s'estime victime. Par ailleurs, il ne démontre pas être personnellement exposé à un risque pour sa vie, en tant que membre de la famille d'une personne considérée par les autorités comme terroriste, par la reproduction d'extraits du rapport d'une organisation non gouvernementale sur la situation des droits humains en Tchétchénie. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus par le tribunal.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 28 février 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. C... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Nicolas D...Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04723
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;19bx04723 ?
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