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24/09/2020 | FRANCE | N°20BX00036

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 20BX00036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906910 du 6 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de

Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906910 du 6 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, Mme C... E..., représentée par Me Benamou-Levi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que le préfet de l'a pas mise à même de présenter ses observations avant de l'obliger à quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- cette décision est dépourvue de base légale en ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde, est illégale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'existe aucun risque de fuite ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde, est illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 17 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par Mme C... E... ne sont pas fondés.

Mme C... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., née le 26 décembre 1989, de nationalité guatémaltèque, est entrée en France, selon ses déclarations, le 30 août 2018. Le 2 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... E... relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :

2. L'arrêté du 2 décembre 2019 a été signé par Mme H... B..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 27 mars 2019, publié le 2 avril 2019 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme F... D..., directrice des migrations et de l'intégration et, en l'absence ou en cas d'empêchement, à Mme H... B..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions prises en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contenues dans l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

4. Il ressort notamment du procès-verbal du 2 décembre 2019 que Mme C... E... a été informée par les autorités de police, au cours de la procédure de retenue régie par l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Haute-Garonne pouvait prendre à son encontre une mesure d'éloignement du territoire français et a été mise à même de faire valoir ses observations sur ce point. Dans ces conditions, Mme C... E... n'a pas été privée de la garantie que constitue le droit d'être entendu. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie en raison de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu manque en fait et doit être écarté.

5. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a obligé Mme C... E... à quitter le territoire français, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

6. Il ne ressort ni de la motivation de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait négligé de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle de l'appelante avant de l'obliger à quitter le territoire français.

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme C... E..., ressortissante guatémaltèque, n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière en France. Elle entre dès lors dans le champ d'application de ces dispositions. Eu égard à son entrée récente en France et à l'absence de liens familiaux en France, les circonstances que Mme C... E... aurait été victime de violences conjugales dans son pays d'origine, qu'elle serait hébergée chez un ami et qu'elle n'aurait plus d'attache au Guatemala ne sauraient caractériser une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

8. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Il ne ressort ni de la motivation de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'appelante avant de lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... E... est entrée irrégulièrement sur le territoire français. En outre, si elle fait valoir être hébergée chez un ami, elle ne justifie pas d'une résidence stable et permanente en France. Par suite, elle entre dans le champ des a) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si Mme C... E... soutient que le préfet de la Haute-Garonne se serait mépris en estimant qu'il existe un risque de fuite de sa part, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui justifierait d'écarter la présomption instituée par ces dispositions. Par suite, en décidant de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

13. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé le pays à destination duquel Mme C... E... pourrait être reconduite, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

14. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

15. Si Mme A... E... soutient qu'elle a été victime de violences conjugales, la seule production de deux attestations de ses parents et de photos ne démontre pas qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de demander la protection des autorités guatémaltèques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

16. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à l'encontre de Mme C... E... une interdiction de retour sur le territoire d'un an, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

17. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

18. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... E... est entrée dernièrement en France le 30 août 2018 et n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation. En outre, elle ne justifie d'aucune attache familiale sur le territoire français et déclare que ses parents résident au Guatemala. Dès lors, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des critères fixés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

Nathalie Gay-SabourdyLe président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00036 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00036
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BENAMOU-LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-24;20bx00036 ?
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