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28/09/2020 | FRANCE | N°18BX01480,18BX01481

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 septembre 2020, 18BX01480,18BX01481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner La Poste à lui verser une somme globale de 33 889, 20 euros, d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle la Poste lui a infligé la sanction disciplinaire de l'avertissement, d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle La Poste lui a infligé la sanction du blâme, d'annuler la décision du 11 décembre 2015 par laquelle La Poste a prononcé sa suspension à titre conservatoire, d'annuler la décision du 8 avril 2016 p

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner La Poste à lui verser une somme globale de 33 889, 20 euros, d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle la Poste lui a infligé la sanction disciplinaire de l'avertissement, d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle La Poste lui a infligé la sanction du blâme, d'annuler la décision du 11 décembre 2015 par laquelle La Poste a prononcé sa suspension à titre conservatoire, d'annuler la décision du 8 avril 2016 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, et de constater 1'inexistence de la décision du 19 décembre 2014 le nommant sur l'emploi d'assistant comptable de niveau III.2.

Par un jugement n° 1500788,1501856,1501881,1501974,1600520,1700035 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n°18BX01480, le 11 avril 2018, le 16 septembre 2019, le 13 juillet 2020, le 7 août 2020 et le 10 août 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 février 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner La Poste à lui verser une somme globale de 33 889.20 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la discrimination syndicale ;

3°) d'enjoindre à La Poste de produire toutes les promotions syndicales de 2012 à 2014 des permanents syndicaux ;

4°) de mettre à la charge de La Poste, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû dans ses motifs retenir la discrimination syndicale qu'il a subie ; en effet La Poste a commis une faute en ne lui offrant pas une évolution de carrière conforme à son niveau de compétence et en le discriminant du fait de son statut de permanent syndical en méconnaissance de 1'accord d'entreprise du 11 juin 2009 et de la loi du 13 juillet 1983 ; il aurait dû être évalué sur ses acquis professionnels liés à son activité syndicale ; il a obtenu 1'ensemble des unités de certifications pour 1'accès au niveau III.3 et donc devait bénéficier d'une promotion automatique ; pour les années 2012, 2013 et 2014 et alors que 103 postes de niveau 111.3 ont été ouverts à la promotion ; La Poste aurait dû saisir la commission de suivi du différend qui l'opposait à M. C... en ce qui concerne l'application de l'accord du 11 juin 2009 ainsi que cela est prévu à l'article 4.4 ;

- il a subi un préjudice matériel et financier, résultant de la comparaison entre les revenus au niveau III.3 et les revenus au niveau III.2, estimé à 3 889,20 euros ; il a subi un préjudice moral estimé à 30 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 juin 2019 et le 7 août 2020, La Poste, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison du défaut d'élément nouveau invoqué par M. C... qui se borne à reprendre ses moyens et arguments de première instance ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18BX01481, le 11 avril 2018 et le 28 juillet 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 février 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions a fins d'annulation des décisions du 4 novembre 2015, du 20 novembre 2015, du 11 décembre 2015 et du 8 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle La Poste lui a infligé la sanction disciplinaire de l'avertissement ;

3°) d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle La Poste lui a infligé la sanction du blâme ;

4°) d'annuler la décision du 11 décembre 2015 par laquelle La Poste a prononcé sa suspension à titre conservatoire ;

5°) d'annuler la décision du 8 avril 2016 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois ;

6°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire des sanctions était incompétent en méconnaissance de 1'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- les sanctions sont illégales pour être entachées d'impartialité car M. B... qui l'a nommé sur le poste d'assistant comptable est également le rédacteur du rapport d'enquête et des sanctions prises à son encontre.

En ce qui concerne la décision du 4 novembre 2015 :

- la sanction était prescrite en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- la sanction n'est pas justifiée puisqu'il assistait et représentait des salariés dans le cadre de son action syndicale et a systématiquement informé La Poste de ses absences.

En ce qui concerne la décision du 20 novembre 2015 :

- la sanction n'est pas justifiée puisqu'il assistait et représentait des salariés dans le cadre de son action syndicale et a systématiquement informé La Poste de ses absences et n'a pas perturbé la réunion du 6 octobre 2015.

En ce qui concerne la décision du 11 décembre 2015 :

- le motif de la suspension repose sur des faits imprécis et inexacts ;

- il s'agit d'une sanction disciplinaire déguisée ;

- les faits qui lui sont reprochés auraient dû être pris en compte lors des sanctions et non servir de fondement à une décision de suspension de fonction et cela l'a privé de la possibilité de faire valoir ses observations sur ce point.

En ce qui concerne la décision du 8 avril 2016 :

- la sanction était prescrite en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; il n'a pas pu prendre connaissance du rapport qui saisit de son cas le conseil de discipline ; il a pu constater, lors de la consultation de son dossier, que manquaient le rapport et les annexes ;

- les témoignages produits au dossier sont douteux ;

- les griefs de manque délibéré de qualité de travail et d'insubordination ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, La Poste, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison du défaut d'élément nouveau invoqué par M. C... qui se borne à reprendre ses moyens et arguments de première instance ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de M. C... et de Me F..., représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, M. C... a été recruté par La Poste en 1977, titularisé au grade d'agent d'exploitation du service général en 1978, promu au grade de contrôleur en 1991, reclassifié dans le grade d'agent technique de niveau 2 en 1993, promu au grade d'agent de maitrise en 2004 puis de cadre professionnel en 2009, et enfin promu sur un poste de niveau III.2 en 2011. De 2012 à 2014, M. C... a présenté sa candidature, sans succès, sur des postes de niveau III.3 ouverts dans le cadre de la reconnaissance des acquis professionnels. Estimant que son employeur avait commis une faute en ne retenant pas ses candidatures, M. C... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'absence de promotion au niveau III.3. Par sa requête n° 18BX01480, il relève appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. D'autre part, de 1997 jusqu'au mois d'octobre 2014, M. C... bénéficiait d'une décharge totale d'activité pour l'exercice de ses mandats de représentant syndical. Toutefois, à la suite du retrait de ses mandats par son organisation syndicale, il a réintégré La Poste sur un emploi d'assistant comptable au centre financier de Limoges par une décision du 19 décembre 2014. M. C... a ensuite été destinataire de décisions du 4 novembre 2015 prononçant à son encontre la sanction d'avertissement, puis du 20 novembre 2015 prononçant à son encontre la sanction de blâme, du 11 décembre 2015 prononçant sa suspension de fonctions et enfin d'une décision du 8 avril 2016 prononçant son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 6 mois. M. C... a contesté ces 4 décisions devant le tribunal administratif de Limoges. Par sa requête n° 18BX01481 il relève appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

3. Les requêtes n° 18BX01480 et n° 18BX01481 ont trait à la situation d'un même agent et sont dirigés contre des décisions prises par une même autorité. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.

Sur la demande indemnitaire de M. C... :

4. Aux termes de l'article 6 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales (...) ". Selon le chapitre II de l'accord relatif à l'évolution professionnelle des permanents syndicaux du 11 juin 2009, dans son chapitre II : " Les permanents syndicaux bénéficient, dans les mêmes conditions que les autres postiers, de l'ensemble des dispositifs de promotion prévus par l'accord relatif à la Promotion à La Poste du 6juin 2006, réserve faîte des adaptations rendues nécessaires par l'exercice d'une activité syndicale à titre permanent. ". L'article 2.1 de cet accord précise que : " Dans le cadre de la reconnaissance des acquis professionnels (RAP), l'évaluation des compétences exercées devra permettre la reconnaissance des compétences acquises et mises en oeuvre notamment dans l'exercice de l'activité syndicale. Elle sera réalisée afin d'en garantir la neutralité, par des experts en matière de sélection. Les compétences à évaluer seront identifiées sur les bases des référentiels de compétence utilisés pour l'ensemble des postiers. En l'absence de rattachement managérial direct, une instance nationale composée de représentants des métiers de la Poste et de la Direction des Ressources humaines et des Relations sociales aura compétence pour examiner l'ensemble des candidatures et délivrer un avis destiné aux jurys de sélection des dispositifs concernés. ". Enfin l'article 4.4 de cet accord prévoit que : " Tout différend concernant l'application du présent accord est soumis pour examen à la commission de suivi. ".

5. M. C..., promu sur un poste de niveau III.2 en 2011, a présenté sa candidature à plusieurs reprises sur des postes de niveau III.3 proposés à la promotion par la voie de la Reconnaissance des Acquis Professionnels (RAP). Toutefois M. C... n'a pas été admis par le jury aux postes convoités, au motif qu'eu égard au nombre de postes offerts et aux compétences des autres candidats, sa candidature ne pouvait être retenue. Pour demander la condamnation de La Poste à l'indemniser de ses préjudices résultant de ce refus de le promouvoir, M. C... fait valoir que sa candidature aurait dû être retenue en application des accords des 6 juin 2006 et 11 juin 2009 conclus entre La Poste et les organismes syndicaux, et qu'il a été victime de discrimination syndicale.

6. En premier lieu, il résulte de la combinaison des accords précités, ainsi que l'a décidé à, bon droit le tribunal administratif de Limoges, que les permanents syndicaux ne bénéficient pas d'un droit à une promotion automatique dès l'obtention des unités de certifications. Ainsi, l'accord du 11 juin 2009 a seulement pour objet de rétablir l'égalité entre les permanents syndicaux et les autres agents de La Poste, dans le cadre des promotions notamment par la voie de la reconnaissance des acquis professionnels, en prévoyant que seraient prises en compte dans l'évaluation des intéressés, les compétences acquises dans l'exercice de l'activité syndicale et en mettant en place une instance particulière pour l'examen des candidatures. En l'espèce, M. C... ne peut soutenir que ses compétences acquises en matière syndicale n'ont pas été correctement appréciées dès lors que le directeur du développement social de la direction des ressources humaines et des relations sociales a transmis au jury des avis favorables à ses candidatures. En outre, si M. C... fait valoir qu'il remplissait les conditions lui permettant d'être promu aux postes de niveau III.3, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier ses états de service, son aptitude et ses mérites comparés à ceux de ses collègues promus. Enfin, si M. C... soutient que la commission de suivi prévue par l'accord du 11 juin 2009 aurait dû être saisie en application de l'article 4.4, il n'invoque aucun différend sur lequel cette commission devait être saisie.

7. En second lieu, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction, qu'alors que M. C... était permanent syndical de la CFTC depuis l'année 1997, il a été promu au grade d'agent de maîtrise, par tableau d'avancement, en 2004, puis au grade de cadre professionnel, par liste d'aptitude, en 2009 et enfin cadre de niveau III.2 en mai 2011. En outre, et ainsi d'ailleurs que l'admet M. C..., des permanents syndicaux ont fait l'objet de promotions par la voie de la reconnaissance des acquis professionnels. Par suite, M. C... ne peut être regardé comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à l'égalité de traitement et une discrimination syndicale.

9. Il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de faute commise par La Poste, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à l'indemniser des préjudices subis par l'absence de promotion.

Sur la légalité des décisions des 4 novembre 2015, 20 novembre 2015, 11 décembre 2015 et 8 avril 2016 :

10. En premier lieu, M. C... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

11. En deuxième lieu, M. C... soutient, sans plus de précision, que M. B... qui a prononcé son affectation au poste d'assistant comptable serait également le rédacteur des décisions contestées et aurait " délaissé le contradictoire ", et qu'ainsi il aurait méconnu le principe d'impartialité. Toutefois, en s'abstenant d'assortir ses propos de toute précision, le requérant ne met pas le juge en mesure d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe :/- l'avertissement ;/ - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ;/ - l'abaissement d'échelon ;/ - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ;/ - le déplacement d'office. / Troisième groupe :/ - la rétrogradation ;/- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans./ Quatrième groupe :/- la mise à la retraite d'office ;/- la révocation./(...) ". 1'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat dispose que : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. 1 Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés ". L'article 2 de ce décret dispose que : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ". Son article 4 dispose que : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception(...) ". Enfin aux termes de son article 5 : " ( ...) Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance( .. ) ".

En ce qui concerne la décision du 4 novembre 2015 portant la sanction d'avertissement pour absences injustifiées :

13. D'une part, si M. C... soutient que la décision prononçant à son encontre un avertissement, porte sur des faits prescrits en vertu de l'article L. 1332-4 du code du travail selon lequel au-delà d'un délai de deux mois, aucun fait fautif ne peut donner lieu à poursuites disciplinaires, ces dispositions ne sont pas applicables aux agents publics, fonctionnaires de La Poste et ne peuvent donc pas être utilement invoquées par le requérant.

14. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. En l'espèce, il est constant que M. C..., qui n'était plus permanent syndical depuis que son organisation syndicale lui avait retiré l'ensemble de ses mandats et avait prononcé son exclusion, était absent du service les 2 juillet et 11 septembre 2015. S'il soutient que ces absences correspondaient à son action syndicale et qu'aux cours de ces journées, il assistait des salariés de La Poste devant des juridictions, il ressort des pièces du dossier que son employeur ne l'avait pas autorisé à s'absenter pour ce motif et lui avait d'ailleurs indiqué, dans un courrier du 26 août 2015, que s'il entendait persister dans sa demande il lui appartenait de déposer une demande de congé. Dans ces conditions, M. C... était en situation d'absences irrégulières les 2 juillet et 11 septembre 2015 et ces faits fautifs étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la réitération des faits et à leur nature, en prononçant à l'encontre de M. C..., un avertissement, sanction la plus faible du premier groupe de sanctions prévues par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 précitées, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée.

En ce qui concerne la décision du 20 novembre 2015 portant la sanction de blâme pour absences injustifiées :

15. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu infliger un blâme en raison d'absences irrégulières le 21 septembre 2015 et le 12 octobre 2015 et pour avoir perturbé une réunion le 6 octobre 2015. En l'espèce, il est constant que M. C..., qui n'avait plus à ces dates de mandat syndical, était absent du service aux dates indiquées ci-dessus et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait demandé à sa hiérarchie de lui accorder un congé, la seule circonstance qu'il ait informé celle-ci de son intention de s'absenter ne le dispensait pas de solliciter un tel congé. D'une part, si M. C... soutient que ces absences correspondaient à son action syndicale et qu'aux cours de ces journées, il assistait des salariés de La Poste devant des juridictions, il ressort des pièces du dossier que son employeur ne l'avait pas autorisé à s'absenter pour ce motif et lui avait d'ailleurs indiqué, dans un courrier du 26 août 2015, que s'il entendait persister dans sa demande il lui appartenait de déposer une demande de congé. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages précis et concordants de participants, que lors de la réunion du service comptabilité le 6 octobre 2015, M. C... a dû être rappelé à l'ordre à plusieurs reprises et que devant ses interventions déplacées, il lui a été demandé de quitter la salle. M. C... s'est alors levé et s'est adressé avec agressivité à l'une de ses collègues. Dans ces conditions, les faits fautifs qui doivent être regardés comme établis, étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la réitération des faits et à leur nature, en prononçant à l'encontre de M. C..., un blâme, sanction du premier groupe de sanctions prévues par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 précitées, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée.

En ce qui concerne la décision du 11 décembre 2015 de suspension à titre conservatoire :

16. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que par la décision contestée du 11 décembre 2015, M. C... a été suspendu de ses fonctions au motif des propos et attitude agressifs et déplacés à de multiples reprises à l'encontre de sa hiérarchie et de ses collègues, ayant entrainé un malaise grave et persistant dans le service.

18. En premier lieu, la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service qui ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. De ce fait, elle n'a pas à être motivée et n'a pas davantage à être précédée de la communication à l'agent concerné de son dossier et d'une procédure contradictoire. Par suite, M. C... ne saurait utilement soutenir que la décision contestée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

19. En second lieu, la mesure de suspension peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. M. C... fait valoir que le motif qui fonde sa suspension est imprécis et que les faits invoqués ne sont pas établis. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages circonstanciés et concordants de plusieurs collègues de M. C..., que celui-ci avait une attitude agressive, dénigrante et perturbante et que les propos qu'il a tenus ont fragilisé les agents dans le service. Par suite, La Poste n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1983 en prenant à l'encontre de M. C... la mesure de suspension en cause, laquelle n'avait pas le caractère d'une sanction déguisée contrairement à ce qu'il soutient et ainsi qu'il a été dit au point précédent.

En ce qui concerne la décision du 8 avril 2016 d'exclusion temporaire de fonctions :

20. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 8 avril 2016 la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de six mois a été prise à l'encontre de M. C..., aux motifs de propos déplacés et sexistes envers ses collègues, propos agressifs envers sa hiérarchie, manque délibéré de qualité dans le travail, insubordination et non-respect de l'article 20 du règlement intérieur de La Poste.

21. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 13, les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail selon lequel au-delà d'un délai de deux mois, aucun fait fautif ne peut donner lieu à poursuites disciplinaires, ne sont pas applicables aux agents publics, fonctionnaires de La Poste et ne peuvent donc pas être utilement invoquées par le requérant.

22. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir, sans plus de précision, qu'il a été " sanctionné deux fois et que la notion non bis in idem doit lui être reconnue ", M. C... ne met pas le juge en mesure d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen.

23. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été invité par courrier du 12 février 2016 à consulter le dossier d'enquête ainsi que son dossier personnel. Et il ressort du procès-verbal de communication que le requérant est venu consulter son dossier le 18 février 2016, lequel comportait, d'après le bordereau de pièces jointes, le rapport d'enquête et ses annexes, au nombre de huit, et qu'une copie des pièces demandées lui a été remise. S'il soutient que le dossier qu'il a consulté était incomplet, il ne l'établit pas dès lors en outre qu'il a produit devant le tribunal administratif de Limoges les pièces dont il soutenait qu'elles étaient absentes de son dossier. Enfin, il n'établit pas que le rapport par lequel son autorité hiérarchique a saisi le conseil de discipline et qui a été lu en cours de séance aurait été différent du rapport de l'enquêteur qui figurait dans le dossier qu'il a consulté. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire n'apparaît pas fondé et doit être écarté.

24. En dernier lieu, et ainsi que l'ont décidé les juges de première instance, il ressort des pièces du dossier et notamment de plusieurs témoignages et documents concordants que M. C..., qui avait été permanent syndical depuis 1997, et était affecté depuis le mois de janvier 2015 dans le service de comptabilité du centre financier de la Poste, a eu une attitude pour le moins désagréable à 1'égard de certaines de ses collègues, notamment féminines, a refusé de se rendre à la formation " exploitation comptable " en octobre 2015, a également tenu des propos désobligeants à l'égard de sa hiérarchie, en indiquant notamment à propos des membres de la cellule des ressources humaines "ils ne sont pas encore crevés à côté", a émis des commentaires sexistes sur ses collègues féminines en suggérant qu'il y avait assez de " boudins " dans le service. En outre, il ressort également des différents témoignages que M. C..., ne s'investissait que moyennement dans son travail traitant ses affaires personnelles sur son temps de travail, a créé une souffrance au travail qui a nécessité pour les agents du service le recours à un assistant social et au médecin du travail. Dans ces conditions, l'exactitude matérielle des faits reprochés au requérant est établie et eu égard à la nature des faits, leur multiplicité, leur gravité, ils justifiaient le prononcé d'une sanction disciplinaire. Enfin, la décision contestée d'exclusion pour une durée de six mois, sanction appartenant au troisième groupe de sanctions prévues par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 n'apparaît pas disproportionnée au regard de la gravité des faits commis.

25. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par La Poste, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 4 novembre 2015, 20 novembre 2015, 11 décembre 2015 et 8 avril 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas dans les présentes instances la partie perdante, les sommes demandées par M. C..., au titre des frais liés à l'instance. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme totale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : M. C... versera à la Poste une somme totale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne G... Le président,

Dominique NAVESLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 18BX01480, 18BX01481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01480,18BX01481
Date de la décision : 28/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Droit syndical.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BENAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-28;18bx01480.18bx01481 ?
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