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13/10/2020 | FRANCE | N°20BX01277

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 octobre 2020, 20BX01277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°1906263,1906264 du 17 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal ad

ministratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°1906263,1906264 du 17 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés, les 6 avril 2020 et 7 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2020 en tant qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant son état de santé, qui a apprécié différemment la disponibilité du traitement en Géorgie entre juin 2020 et novembre 2020 alors même que son état de santé ne s'est pas amélioré et que son traitement n'a pas été modifié ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° dès lors que la poursuite des soins psychiatriques en ambulatoire s'avère impossible en Géorgie ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit aussi bien sur le fondement de l'article L. 313-11 7° que sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne représente aucune menace pour l'ordre public et qu'elle n'a pas déjà fait l'objet d'une mesure de reconduite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet au mémoire déposé en première instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... F...,

- et les observations de Me D..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants géorgiens, nés en 1990 et 1989, sont entrés en France en septembre 2016 selon leurs déclarations et ont sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de Gironde le 27 octobre 2016. Leurs demandes ont été rejetées par décisions du 8 mars 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées par décisions du 27 juin 2018 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Mme C... a alors sollicité le 16 juillet 2018 un titre de séjour " étranger malade " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés pris le 9 décembre 2019, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 1906263, 1906264 du 17 février 2020, après avoir joint la requête de Mme C... à celle de son époux, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il la concerne.

Sur la légalité des décisions portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait crue liée par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.

4. Pour refuser à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète de la Gironde s'est notamment fondée sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 novembre 2019 qui précise que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Ainsi que l'a jugé le premier juge, ni l'attestation rédigée par un praticien hospitalier en date du 5 juillet 2018 faisant état de ce que la requérante présente une pathologie pour laquelle l'arrêt des soins présenterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni la production d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 28 août 2018, qui évoque en termes généraux la situation médicale de la Géorgie, ne sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins sur la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Le changement de position sur cette question du collège des médecins par rapport à un précédent avis émis sur le cas de l'intéressée n'est pas davantage révélateur d'une erreur d'appréciation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". L'article L.313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

6. Si Mme C... fait valoir qu'elle réside depuis 2016 en France où sont nés ses trois enfants et qu'elle ne représente pas une menace à l'ordre public, toutefois, et en dépit du soutien dont bénéficie la famille de la part de leurs voisins, de parents d'élèves et autres membres d'associations, elle ne peut être regardée, compte tenu de ses conditions de séjour, et en l'absence de lien d'une intensité particulière avec la France, comme y ayant établi le centre de ses intérêts privés et familiaux. La circonstance que Mme C... justifie d'une période d'emploi de quatre mois en 2019 ainsi que d'une promesse d'embauche ne saurait suffire à établir une intégration socio-professionnelle particulièrement notable, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet avec son époux d'une condamnation pénale avec sursis pour faits de vol en réunion en novembre 2017. Si Mme C... fait part de sa volonté de se séparer de son époux en raison des violences conjugales subies, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... serait isolée dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et sa fratrie. Par ailleurs, elle ne fait état d'aucun obstacle à la poursuite de la scolarité de ses enfants en Géorgie. Si elle soutient que sa pathologie nécessite un accompagnement et des soins, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'elle peut bénéficier de ce suivi médical dans son pays d'origine.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas au nombre des étrangers devant se voir attribuer un titre de séjour de plein droit en application du 7° de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. Le refus de séjour qui lui a été opposé n'est, par suite, pas entaché de méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 de ce code. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas davantage porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

9. En l'espèce, la décision prononçant à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour de deux ans, qui vise les dispositions précitées, est suffisamment motivée en fait par la référence à la menace qu'elle représente pour l'ordre public, détaillée par la mention de la condamnation dont elle a fait l'objet, et par la référence à ses attaches familiales en Géorgie et à l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... qui réside en France depuis 2016, a été condamnée le 29 novembre 2017 par le tribunal correctionnel de Bordeaux à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion. Eu égard à l'ensemble de sa situation et à la menace pour l'ordre public caractérisant un tel comportement, la circonstance qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement ne suffit pas à faire regarder l'interdiction de retour d'une durée de deux ans comme entachée de méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

Birsen F...Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°20BX01277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01277
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CHAVEROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;20bx01277 ?
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