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22/10/2020 | FRANCE | N°18BX04531

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 18BX04531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 12 mai 2016 par laquelle le maire de Barry d'Islemade a implicitement refusé d'autoriser le raccordement définitif de son habitation aux réseaux d'eau et d'électricité.

Par un jugement n° 1603131 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, Mme E..., représentée par Me F..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 octobre 2018 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 12 mai 2016 par laquelle le maire de Barry d'Islemade a implicitement refusé d'autoriser le raccordement définitif de son habitation aux réseaux d'eau et d'électricité.

Par un jugement n° 1603131 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 12 mai 2016 par laquelle le maire de Barry d'Islemade a implicitement refusé d'autoriser le raccordement définitif de son habitation aux réseaux d'eau et d'électricité ;

3°) d'enjoindre au maire de Barry d'Islemade d'autoriser le raccordement aux réseaux publics d'équipements existants, notamment aux réseaux d'adduction d'eau, de distribution d'énergie électrique et d'assainissement indispensables au dispositif mis en place, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Barry d'Islemade le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît son droit d'accès à l'eau et à l'assainissement garanti par les conventions internationales, notamment par l'article 25 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et l'article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, la commune de Barry d'Islemade, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E... le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... est propriétaire d'une parcelle cadastrée 790 A et 790 B, située au lieu-dit " Ticol Haut " sur le territoire de la commune de Barry d'Islemade (Tarn-et-Garonne). Le maire de la commune lui a délivré, le 21 juin 2011, un certificat d'urbanisme négatif pour la construction d'une maison à usage d'habitation sur cette parcelle. Le compagnon de Mme E... a néanmoins entrepris d'y construire, sans autorisation, un bâtiment d'une emprise d'environ 60 m². Mme E... et ce dernier ayant poursuivi les travaux en dépit d'un arrêté interruptif de travaux du 18 mars 2013, le tribunal de grande instance de Montauban les a condamnés au paiement d'une amende d'un montant de 500 euros chacun par jugement correctionnel rendu le 14 janvier 2014. Par une lettre du 10 mars 2016, reçue le 12 mars, Mme E... a sollicité du maire de Barry d'Islemade le raccordement définitif de son habitation aux réseaux d'eau et d'électricité. Par une décision implicite née le 12 mai 2016, le maire a rejeté sa demande. Mme E... relève appel du jugement du 22 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, l'appelante se borne à reprendre en appel le moyen tiré du défaut de motivation entachant la décision implicite litigieuse, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ".

5. La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constitue le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour s'opposer au raccordement de l'habitation de Mme E... aux réseaux d'eau et d'électricité, le maire de Barry d'Islemade s'est fondé sur l'absence d'autorisation préalable de la construction de cette habitation. Il n'est pas contesté que l'intéressée a été informée par le maire de la commune, avant même d'acquérir la parcelle en cause, que celle-ci était classée en zone agricole, faisant ainsi obstacle à ce qu'une habitation y soit construite. En outre, l'appelante a persisté dans la construction de la maison d'habitation en dépit d'un arrêté interruptif de travaux et de sa condamnation au paiement d'une amende. Si Mme E... a présenté une demande de relogement en 2011 puis en 2012, cette circonstance ne peut suffire à retenir que son choix d'établir sa résidence sur la parcelle en cause ait été dicté par des motifs impérieux dont l'importance excèderait celle imposant aux administrés de se conformer au respect des règles d'urbanisme, alors, au demeurant, que son concubin n'envisageait un relogement que dans une maison individuelle située sur le territoire de la commune. Dans ces conditions, et alors même que Mme E... fait valoir la présence de ses enfants, l'état de santé de son concubin ainsi que son approvisionnement en eau par un puit et en électricité par un groupe électrogène, le maire n'a pas, par son refus d'autoriser un raccordement définitif aux réseaux d'eau et d'électricité, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 n'est pas au nombre des textes diplomatiques ratifiés par la France dans les conditions fixées à l'article 55 de la Constitution. Ainsi, la requérante ne saurait utilement invoquer cette déclaration pour contester la légalité de la décision litigieuse. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, Mme E... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le maire de Barry d'Islemade aurait méconnu son droit d'accès à l'eau et à l'assainissement qui serait garanti par les stipulations de l'article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le " protocole Eau et santé relatif à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eaux transfrontaliers et des lacs internationaux ".

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

9. Il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme que demande la commune de Barry d'Islemade au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Barry d'Islemade en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et à la commune de Barry d'Islemade.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX04531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04531
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-06 Police. Polices spéciales. Police de l'utilisation des sols.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET LUC FIORINA - JEAN MATSITSILA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;18bx04531 ?
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