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22/10/2020 | FRANCE | N°20BX02568

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 20BX02568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1902826 du 30 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il oblig

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1902826 du 30 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1902826 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2020, le préfet du Tarn demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juillet 2020 ;

2°) et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse dirigée contre l'arrêté du 10 avril 2019 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

Il soutient que :

- la décision litigieuse ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;

- la décision litigieuse n'est pas entachée d'un défaut de motivation ;

- l'intéressé n'entrait pas dans les cas où est requis l'avis de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne remplissait notamment pas les conditions posées par le 6° de l'article L. 313-11 du même code ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'une erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1983, est entré en France au cours de l'année 2008 après s'être marié le 3 août 2007 en Espagne avec une ressortissante française. Ce mariage, non transcrit sur les registres français d'état civil, a été dissous par un jugement de divorce prononcé par le tribunal de Cartagena (Espagne) le 22 juillet 2013. De cette union est née, le 10 février 2009, une fille que l'intéressé a reconnue le 9 juin 2009. Un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français lui a été délivré le 14 mars 2012, puis lui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 10 décembre 2016. Par un arrêté du 24 février 2017, le préfet du Tarn a refusé de renouveler ce titre et a obligé M. A... à quitter le territoire français. Le recours exercé par ce dernier contre ces décisions a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 février 2018, confirmé par un arrêt de la présente cour du 22 novembre 2018. M. A... s'est néanmoins maintenu irrégulièrement en France et a saisi de nouveau le préfet d'une demande de titre de séjour le 25 janvier 2019. Par un arrêté du 10 avril 2019 le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. Par un jugement du 30 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, puis, par un jugement du 17 juillet 2020, le tribunal a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet du Tarn relève appel de ce dernier jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que la séparation conjugale est intervenue lors de la grossesse de l'ex-épouse de M. A.... Par un jugement du 13 novembre 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Castres a décidé que M. A... et son ex-épouse exerceraient conjointement l'autorité parentale sur leur fille, que l'intéressé disposerait d'un droit de visite et d'hébergement pendant la moitié des vacances de Noël, de Pâques et d'été, et qu'il serait dispensé de contribution à l'entretien de son enfant en raison de son impécuniosité. Par un arrêt du 19 mars 2015, la cour d'appel de Toulouse a réservé le droit d'accueil de M. A... et a confirmé pour le reste ce jugement. Si l'intéressé fait valoir qu'il a toujours manifesté sa volonté de tisser des liens avec sa fille et que sa mère a fait obstacle au développement d'une relation avec celle-ci en l'empêchant d'exercer son droit de garde et en déménageant sans lui communiquer son adresse, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'entre l'année 2015 et l'été 2017, M. A... aurait entrepris une quelconque démarche afin de rencontrer sa fille avec laquelle il n'a eu de fait aucun contact durant toute cette période où il a notamment séjourné de longs mois au Maroc, de sorte qu'il n'est pas démontré que l'absence de toute relation avec sa fille au cours de cette période serait exclusivement imputable aux difficultés auxquelles il se serait heurté en raison de l'attitude de la mère de l'enfant. Si par un jugement du 14 juin 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Albi a attribué à M. A... un droit de visite dans un lieu neutre et médiatisé à raison de deux demi-journées mensuelles pendant six mois et que l'intéressé a versé spontanément à la mère de l'enfant une somme de 50 euros à sept reprises, il ne ressort pas des pièces du dossier que les visites de M. A... à sa fille auraient perduré au-delà du 15 décembre 2018. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A... s'est depuis remarié au Maroc et y a une seconde fille dont l'intérêt est également d'être auprès de son père. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, par sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, laquelle n'emporte pas par elle-même mesure d'éloignement, méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. M. A... ne fait en outre valoir aucun obstacle à ce que, en dépit de la décision litigieuse, sa fille puisse continuer à le rencontrer, notamment lors de vacances scolaires. Par suite, le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler la décision du 10 avril 2019 par laquelle il a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

5. En premier lieu, la décision litigieuse vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de M. A..., notamment l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur sa fille, et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de l'admettre au séjour. Ces indications étaient suffisantes pour lui permettre de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté alors même que n'est notamment pas mentionnée la présence en France de la soeur du requérant chez qui il est hébergé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de la décision litigieuse, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation particulière de M. A....

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

7. Ainsi qu'il a déjà été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au cours de la période allant de l'année 2015 à l'été 2017, M. A... aurait entrepris une quelconque démarche afin de rencontrer sa fille avec laquelle il n'a eu de fait aucun contact durant cette période où il a notamment séjourné de longs mois au Maroc. La seule circonstance que M. A... ait spontanément versé à sept reprises, au cours de la période allant de mai 2017 à février 2018, une somme de 50 euros à la mère de sa fille et qu'il ait rencontré cette dernière dans un espace médiatisé à dix reprises au cours de la période allant de juillet à décembre 2018, ne peut suffire à caractériser une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis au moins deux ans à la date de la décision litigieuse du 10 avril 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qui ont été développés aux points 3 et 7 ci-dessus et alors qu'il n'est notamment pas contesté que M. A... s'est remarié au Maroc et y a une seconde fille, de même que ses parents et des membres de sa fratrie, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et méconnaîtrait ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, même si deux soeurs de l'intéressé, dont l'une qui l'héberge, résident régulièrement en France.

9. En quatrième et dernier lieu, le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. M. A... n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, le préfet n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne consultant pas au préalable la commission du titre de séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 10 avril 2019 en tant qu'il porte rejet de la demande de titre de séjour de M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse dirigée contre l'arrêté du préfet du Tarn du 10 avril 2019 en tant qu'il porte refus de titre de séjour est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02568
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;20bx02568 ?
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