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03/11/2020 | FRANCE | N°18BX04067

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 18BX04067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime les a mis en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de l'article R. 214-6 du code de l'environnement pour les travaux qu'ils ont réalisés sur certaines parcelles ou de déposer un projet de remise en état du site sur lequel ces travaux ont été effectués.

Par un jugement n°1700427 du 11 octobre 2018 le tribunal a rejet

leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire présenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime les a mis en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de l'article R. 214-6 du code de l'environnement pour les travaux qu'ils ont réalisés sur certaines parcelles ou de déposer un projet de remise en état du site sur lequel ces travaux ont été effectués.

Par un jugement n°1700427 du 11 octobre 2018 le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire présentés le 28 novembre 2018 et le 4 décembre 2019, M. et Mme E... B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1700427 du 11 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 décembre 2016 ;

3°) de constater que la parcelle AN n° 112 a été entièrement remise en état ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- comme l'a relevé le tribunal correctionnel dans son jugement du 6 décembre 2018, la parcelle n°112 a été entièrement remise en état ; l'arrêté en litige est donc privé d'objet en tant qu'il porte sur cette parcelle ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement en vertu desquelles la réalisation d'opérations simultanées ou successives faisant apparaître un découpage artificiel de l'opération impose la soumission de ces opérations, qui constituent un ensemble unique, au régime d'autorisation ou de déclaration obligatoire ; ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er mars 2017, en vertu de l'article 17 du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ; elles sont postérieures à l'arrêté en litige ; le tribunal a commis une erreur de droit en en faisant application ;

- en tout état de cause, il n'existe pas d'opération unique comme l'a jugé à tort le tribunal administratif ; la première partie des travaux a été réalisée entre 1997 et 2001 soit bien antérieurement à la réalisation des travaux de 2016 qui ont conduit le préfet à édicter la mise en demeure en litige ; en aucun cas, le remblaiement réalisé en 2016 ne s'inscrit dans la continuité des travaux d'assèchement antérieurs ; ces derniers avaient pour objectif de permettre l'exploitation agricole de parcelles d'un seul tenant ; les travaux de 2016 n'ont pas la même ampleur et ont poursuivi une finalité différente ;

- ainsi, les travaux litigieux ont concerné un dépôt de terres sur une superficie inférieure à un hectare prévu par la rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement annexée à l'article R. 214-6 du code de l'environnement ; de tels travaux étaient, au mieux, soumis au régime de la déclaration ;

- l'arrêté en litige a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu en matière pénale le 23 octobre 2006 par la Cour d'appel de Poitiers, lequel a exclu toute possibilité de condamner M. B... à une remise en état des lieux ; cette autorité revêtait un caractère absolu ; la cour d'appel a justifié sa décision par l'impossibilité pour M. B... de remettre les lieux en état ; les faits qui ont conduit le juge pénal à cette conclusion s'imposent au juge administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2019, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 22 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire de la parcelle cadastrée section AN n° 112, située sur le territoire de la commune de Bords au lieu-dit " La Viennerie " en zone Natura 2000 " Basse vallée de la Charente ", dans un secteur constitué de prairies humides. Les inspecteurs de l'environnement de la direction départementale des territoires et de la mer de la Charente-Maritime ont constaté, lors d'une visite sur place effectuée le 13 septembre 2016, que M. B... avait remblayé sa parcelle sur une superficie d'environ 1 700 m2. Les inspecteurs ont établi un rapport en manquement le 7 novembre 2016 dans lequel ils ont estimé que cette action était de même nature et concernait le même milieu aquatique que les travaux entrepris par M. B... entre 1997 et 2001. Sur la base du rapport en manquement, le préfet de la Charente-Maritime a pris, le 21 décembre 2016, un arrêté mettant en demeure M. B... de régulariser sa situation dans un délai de six mois, soit en déposant un dossier de demande d'autorisation conforme aux dispositions de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, soit en fournissant un projet de remise en état du site. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016. Ils relèvent appel du jugement rendu le 11 octobre 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur le non-lieu à statuer :

2. Les travaux de remblaiement que M. B... a réalisés en 2015 sur la parcelle AN n°112 lui ont valu d'être poursuivi devant le tribunal correctionnel de Saintes du chef de l'infraction d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique. Dans son jugement du 6 décembre 2018, le tribunal a constaté que M. B... avait procédé à la remise en état de la parcelle. Il appartient à la cour de tenir compte de cet élément de fait constaté par le juge pénal et de juger, en conséquence, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme B... dirigées contre les dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'elles lui prescrivent de déposer en préfecture un dossier de remise en état de la parcelle AN n° 112.

Sur le surplus des conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 décembre 2016 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque (...) des travaux (...) ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement (...) ou de la déclaration requis en application du présent code (...) l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) ". L'article R. 214-1 du même code définit dans le tableau qui lui est annexé la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6. Selon cette nomenclature, sont soumises à autorisation les opérations suivantes : " 3.3.1.0. Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais, la zone asséchée ou mise en eau étant : (...) 1° supérieure ou égale à 1 ha (A) ; 2° Supérieure à 0,1 ha, mais inférieure à 1 ha (D)... ". Aux termes de l'article R. 214-42 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date du présent arrêt, issue du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 et applicable en l'espèce s'agissant de la définition des critères qui déterminent l'application des règles de fond qui régissent les interventions relevant, selon les cas, du régime de la déclaration ou de celui de l'autorisation : " Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d'activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d'autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive. Lorsque la réalisation d'opérations simultanées ou successives fait apparaître que le découpage qui a été opéré a eu pour effet de soustraire un projet aux dispositions de l'alinéa précédent, le préfet fait application de l'article L. 171-7 (...) ".

5. Pour déterminer si les ouvrages, installations, travaux ou activités sont soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, l'administration est tenue d'inviter le pétitionnaire à présenter une demande unique pour le ou les projets formant ensemble une seule et même opération, dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique.

6. Il résulte de l'instruction qu'entre 1997 et 2001, M. B... a fait procéder sans autorisation à des travaux de drainage et d'assèchement sur un ensemble foncier de 9,2 hectares situé en zone humide protégée, ce qui lui a valu une condamnation à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une amende de 18 000 euros prononcée par la cour d'appel de Poitiers dans un arrêt du 23 octobre 2006. En 2015, M. B... a fait procéder, sur la parcelle AN n°112, à des travaux de remblaiement sur une superficie de 1 700 m2 environ selon les constatations effectuées par l'inspecteur de l'environnement dans son rapport en manquement du 7 novembre 2016. La parcelle AN n°112 est au nombre de celles qui avaient fait l'objet des travaux d'assèchement réalisés antérieurement ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Poitiers dans l'arrêt du 23 octobre 2006 et, au demeurant, l'inspecteur de l'environnement dans son rapport du 7 novembre 2016.

7. Selon M. B... ces interventions successives ne constituent pas une opération unique au sens des dispositions de l'article R. 214-42 du code de l'environnement dès lors qu'elles ont poursuivi une finalité différente, les travaux d'assèchement terminés en 2001 ayant eu pour but de permettre le développement d'une exploitation en maïs irrigué tandis que les remblaiements effectués en 2015 avaient servi à supprimer des irrégularités du sol pour faciliter l'entretien de la parcelle.

8. Les considérations invoquées par M. B... sont toutefois inopérantes dès lors que les travaux entrepris entre 1997 et 2001 l'ont été par lui, même si c'était dans le cadre d'une exploitation agricole à responsabilité limitée et qu'à eux seuls, ils portaient sur une superficie supérieure à un hectare, ce qui impliquait le dépôt d'une demande d'autorisation. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions législatives et réglementaires citées aux points 2 et 3 que le préfet a mis en demeure M. B... de régulariser sa situation en présentant un dossier de demande d'autorisation pour ce qui concerne les parcelles autres que la parcelle cadastrée AN n° 112.

9. En deuxième lieu, l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 21 décembre 2016 permet à M. B... de régulariser la situation en déposant un projet de remise en état du site au lieu de déposer une demande d'autorisation. Dans son arrêt du 23 octobre 2006, la cour d'appel de Poitiers a réformé le jugement du tribunal correctionnel de Saintes du 23 mars 2006 en tant qu'il avait ordonné la remise en état des lieux au motif qu'un rapport d'expertise a évalué, respectivement, à trente ans et à cinquante ans le délai de remise en état des prairies et du bocage. La cour en a déduit qu'une " remise en état de cette envergure nécessite pour son exécution des moyens et délais qui dépassent ceux prévus par l'article L. 216-9 du code rural ". Ce faisant, la cour d'appel de Poitiers s'est livrée à une appréciation et non à une constatation d'un fait qui, seule, s'impose à l'autorité administrative ainsi qu'au juge administratif lorsqu'elle est le support nécessaire du dispositif de la décision du juge pénal. Par suite, en prescrivant, d'ailleurs à titre alternatif, à M. B... de déposer un dossier de remise en état, le préfet n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 23 octobre 2006.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande d'annulation des prescriptions de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'elles portent sur les parcelles autres que la parcelle cadastrée AN n°112.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. L'Etat ne peut être regardé comme la partie perdante à l'instance d'appel. Par voie de conséquence, les conclusions de M. et Mme B... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 21 décembre 2016 en tant qu'il prescrit à M. B... de remettre en état la parcelle AN n°112.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n°18BX04067 est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... B... et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX04067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04067
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27 Eaux.

Eaux - Travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET LARROUY-CASTERA ET CADIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;18bx04067 ?
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