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16/11/2020 | FRANCE | N°20BX02209

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 novembre 2020, 20BX02209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000496 du 17 juin 2020 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande de M. D... dans un délai d'un mois.
>Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000496 du 17 juin 2020 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande de M. D... dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 21 août 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour d'annuler ce jugement en date du 17 juin 2020 et a ce qu'il soit mis à la charge de M. D... la somme de 800 euros au profit de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle était en situation de compétence liée pour refuser la demande de titre de séjour de M. D..., sa demande de titre étant incomplète en raison de la transmission de documents d'identité contrefaits et de l'absence de production ultérieure régulière ;

- elle pouvait refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. D... en raison du caractère frauduleux de sa demande ;

- s'il bénéficie d'un contrat temporaire jeune majeur, qu'il a suivi une formation en ASSAP puis un BEP et s'il a été pris en charge par les services de l'Etat, c'est en abusant les services de l'Etat sur son âge et son identité ;

- M. D... ne peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas présenté de demande sur ce fondement et sa situation personnelle ne correspond pas à des considérations humanitaires ni ne justifie de motifs exceptionnels ;

- sa décision n'est ni entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a pour fondement une décision de refus de séjour légale et ne porte pas une atteinte au droit à la vie privée et familiale de M. D...

- la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière.

Par deux mémoires enregistrés les 7 août 2020 et 25 septembre 2020, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un vice de procédure ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 111-6 et de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile dès lors qu'il était mineur au moment de son entrée sur le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il entrait dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et ne pouvait donc pas se voir opposer une obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des précédentes décisions ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. D... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me E... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de la Gironde relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de bordeaux a annulé son arrêté du 2 janvier 2020 pris à l'encontre de M. D..., ressortissant ivoirien né le 11 février 2000 Daola, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 janvier 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le titre de séjour sollicité à M. D..., la préfète de la Gironde s'est fondée sur le caractère frauduleux de la demande de M. D... présentée à l'appui de documents falsifiés, ainsi que sur le caractère incomplet de sa demande.

4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret susvisé n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

7. La préfète de la Gironde fait valoir que les services de la police aux frontières ont estimé que l'extrait du registre des actes d'état civil et le certificat de nationalité du requérant ne sont pas recevables au motif qu'ils ne sont pas accompagnés d'une attestation de rétablissement d'un acte qui n'est pas produit et que M. D... n'a pas été en mesure de produire cette attestation à la suite de la demande de la préfète en date du 18 octobre 2018, et, par ailleurs, que l'attestation d'identité était contrefaite. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que sur le fondement de ces mêmes actes, M. D... s'est vu délivrer un certificat de nationalité ivoirienne établi le 12 octobre 2015, ainsi qu'un passeport biométrique émis le 22 janvier 2019 permettant d'établir la réalité son identité dont il s'est toujours prévalue. Dans ces conditions, alors que la préfète de la Gironde n'a pas saisi les autorités ivoiriennes, ainsi que le prévoit l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, l'absence d'authenticité des documents d'état civil produits par M. D..., dont l'âge n'est pas sérieusement remis en cause, n'est pas établie. Dès lors, la préfète de la Gironde ne pouvait pas légalement, au motif qu'elle était incomplète, considérer que la demande de titre de séjour présentée par M. D... était irrecevable. Par suite, la préfète de la Gironde qui n'était pas en situation de compétence liée pour refuser la délivrance du titre de séjour, s'est fondée sur des faits matériellement inexacts pour refuser de délivrer un titre de séjour au requérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé pour ce motif l'arrêté du 2 janvier 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions de M. D... à fin d'injonction :

9. M. D... réitère en appel ses conclusions à fin d'injonction faites dans sa demande. Il ressort des termes du jugement dont il est relevé appel que le premier juge a déjà satisfait ces conclusions. Il n'y a donc pas lieu de prononcer une nouvelle fois cette injonction.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me E..., avocat de M. D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. En revanche ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les conclusions de la préfète de la Gironde présentées sur ce fondement soient accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me E... avocat de M. D..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., au ministre de l'intérieur et à Me E.... Copie en sera transmise à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Dominique A..., président,

Mme C... B..., présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

La présidente assesseure,

Karine B...

Le président,

Dominique A...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02209
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : DE VERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;20bx02209 ?
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