La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°18BX04024

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX04024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... J... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Rivedoux-Plage à lui verser la somme de 53 750,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une chute.

La caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime a demandé la condamnation de la commune de Rivedoux-Plage à lui verser la somme de 65 224,77 euros correspondant au montant des débours exposés pour la prise en charge de Mme J....

Par un jugement n° 1602335 du

25 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête de Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... J... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Rivedoux-Plage à lui verser la somme de 53 750,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une chute.

La caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime a demandé la condamnation de la commune de Rivedoux-Plage à lui verser la somme de 65 224,77 euros correspondant au montant des débours exposés pour la prise en charge de Mme J....

Par un jugement n° 1602335 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête de Mme J... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2016, Mme J..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Rivedoux-Plage à lui verser la somme globale de 58 100,52 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rivedoux-Plage une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé, contrairement à ce qui ressort des nombreuses attestations qu'elle a produites, que la dénivellation entre la plaque du réseau pluvial sur laquelle elle a chuté et la voie publique n'excédait pas trois centimètres et ne caractérisait pas un défaut d'entretien normal de la voie publique ;

- elle établit suffisamment le lien de causalité entre sa chute et la présence d'un ouvrage public et la dangerosité de celui-ci, qui excédait ce à quoi peuvent normalement s'attendre les usagers de la voie publique ;

- le rapport des services techniques de la ville est dépourvu de valeur probante ;

- il ne saurait lui être reproché un manque de réactivité dans la production des attestations ;

- la commune devait veiller au bon état de la chaussée en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- il y a lieu de réparer son préjudice à hauteur de :

o 4 350 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

o 960,52 euros au titre de l'assistance par tierce personne ;

o 3 950 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

o 10 000 euros au titre des souffrances endurées ;

o 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

o 18 840 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

o 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

o 10 000 euros au titre du préjudice professionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2019, la commune de Rivedoux-plage et la MMA Iard Assurances mutuelles, représentées par Me F..., concluent, à titre principal, au rejet de la requête de Mme J... et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à que les sommes demandées par la requérante soient réduites à de plus justes proportions.

Elles soutiennent que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est dirigée contre le refus d'indemnisation dont a été informée Mme J... par la société MMA, qui n'agissait qu'en son nom propre, cette décision n'ayant pas lié le contentieux indemnitaire à l'égard de la commune ;

- la décision par laquelle la société MMA a informé la requérante de son refus de l'indemniser est dépourvue de caractère administratif ;

- les attestations produites par la requérante ne permettent pas de confirmer les circonstances de l'accident ni le défaut d'entretien normal de la voie publique qui est reproché à la commune ;

- il y a lieu de retenir, pour exonérer totalement la commune de sa responsabilité, que Mme J... connaissait la configuration des lieux, que l'accident s'est produit en plein jour et que l'environnement immédiat de la plaque de réseau litigieuse devait conduire les usagers à être vigilants ;

- à supposer que la responsabilité de la commune soit regardée comme engagée, Mme J... ne saurait prétendre à une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire ou du déficit fonctionnel permanent, qui sont déjà couverts par le forfait d'indemnisation dont elle a bénéficié ;

- à titre subsidiaire, il ne saurait être alloué davantage que 3 634 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 euros au titre des souffrances endurées, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 15 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- les souffrances endurées pourront être indemnisées à hauteur de 6 000 euros et le préjudice esthétique temporaire à hauteur de 1 000 euros ;

- la réalité des préjudices professionnel et d'agrément allégués n'est pas établie.

Par un mémoire, enregistré le 23 avril 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, représentée par la SELARL Bardet et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2018 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Rivedoux-Plage et son assureur à lui verser la somme de " 536 294,06 euros " en remboursement de ses débours ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, sommes assorties des intérêts au taux légal " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir " et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Rivedoux-Plage et de son assureur une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée pour défaut d'entretien normal de la voie publique ;

- le maire de la commune a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en ne procédant pas aux travaux nécessaires alors que la dangerosité de la dénivellation entre le trottoir et la plaque d'égout avait été portée à sa connaissance avant l'accident de Mme J... ;

- le dommage de Mme J... présente un lien de causalité avec l'ouvrage public litigieux ;

- le montant de ses débours en lien avec l'accident s'élève à 70 049,22 euros en ce compris le capital de la rente d'accident du travail pour 31 554,46 euros.

Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la commune de Rivedoux-Plage et la MMA Iard Assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. Mme J..., auxiliaire de vie scolaire à l'école maternelle de Rivedoux-Plage, indique avoir été victime d'une chute le 9 décembre 2010 sur le territoire de cette commune, à la suite de laquelle elle a été transportée au centre hospitalier de La Rochelle où elle a été opérée, en urgence, d'une fracture supra condylienne de l'humérus gauche. Elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, qui a ordonné une expertise médicale le 16 avril 2015. L'expert a remis son rapport le 14 septembre 2015. Mme J... a sollicité, le 5 juillet 2016, l'indemnisation de ses préjudices auprès de la commune de Rivedoux-Plage. Par une lettre du 9 août 2016, l'assureur de la commune, la société MMA IARD Assurances mutuelles a rejeté sa demande. Mme J... relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rivedoux-Plage à la réparation de ses préjudices.

Sur la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public :

2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Le 9 décembre 2010, Mme J... a été victime d'une chute à l'entrée de l'impasse conduisant à l'école maternelle de Rivedoux-Plage. Eu égard notamment aux explications fournies par l'intéressée, corroborées par l'attestation du directeur de l'école s'étant immédiatement rendu sur les lieux de l'accident et par les différents témoignages produits au dossier signalant la présence d'une plaque d'égout en saillie de quelques centimètres par rapport au niveau du trottoir, le lien de causalité entre l'ouvrage public que constitue la plaque d'égout et la chute de la requérante peut être regardé comme établi.

4. Il résulte de l'instruction que la commune de Rivedoux-Plage a, dans les suites immédiates de l'accident de Mme J..., procédé à un remblaiement du dénivelé existant entre la chaussée et la plaque d'égout, remblaiement dont elle fait valoir qu'il a été entièrement retiré par les services de la commune lorsque ceux-ci sont venus procéder aux opérations de mesure de la dénivellation préexistante. Le rapport des services techniques de la commune indique que le dénivelé autour de la plaque était au maximum de trois centimètres et qu'il n'y avait pas d'arrête saillante autour de la plaque. Mme J... se prévaut, pour sa part, de nombreuses attestations établies longtemps après les faits, faisant état d'une hauteur de dénivellation variable allant de quelques centimètres à 7 centimètres au maximum.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites au dossier, que cette plaque d'égout était tout à fait visible par Mme J... qui, travaillant à proximité immédiate, connaissait parfaitement les lieux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la différence de faible niveau entre la chaussée et la plaque d'égout sur laquelle Mme J... a trébuché ne constituait pas un obstacle excédant ceux que les usagers de la voie publique peuvent normalement s'attendre à rencontrer sur leur trajet et contre lesquels ils doivent se prémunir en prenant les précautions nécessaires.

Sur la responsabilité de la commune du fait de l'exercice des pouvoirs de police du maire :

6. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d'assurer la sécurité des usagers de la voie publique et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

7. Si Mme J... et la CPAM soutiennent que le maire de Rivedoux-Plage a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en ne veillant pas au bon état des chaussées et trottoirs, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des éléments retenus au point 4 ci-dessus, que la plaque d'égout litigieuse était de nature à créer une situation particulièrement dangereuse pour la commodité du passage des piétons. La circonstance que la commune ait fait réaliser des travaux afin de remédier à cette dénivellation dans les suites immédiates de l'accident dont a été victime la requérante n'est pas, contrairement à ce que cette dernière soutient, de nature à établir une telle faute. Dans ces conditions, aucune faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait être retenue.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme J... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion et aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées, de même que les conclusions présentées par Mme J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme J... la somme que demandent la commune de Rivedoux-Plage et son assureur au titre des frais exposés pour le litige et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Rivedoux-Plage et son assureur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... J..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, à la commune de Rivedoux-Plage et à la MMA Iard Assurances mutuelles.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... E..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... D..., conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

La rapporteure,

Kolia D...

La présidente,

Catherine E...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 18BX04024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04024
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : GARGADENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx04024 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award