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30/11/2020 | FRANCE | N°20BX01412

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 novembre 2020, 20BX01412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 de la préfète de la Gironde portant transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1905735 du 9 décembre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 décembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 de la préfète de la Gironde portant transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1905735 du 9 décembre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 décembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'OFPRA et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit dès lors qu'il relevait du d) de l'article 18-1 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et non du b) de cet article puisque sa demande d'asile présentée en Italie a été rejetée ;

- cette décision méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que le résumé de son entretien individuel est incomplet, celui-ci ne mentionnant pas que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités italiennes, et qu'il a duré seulement huit minutes ;

- cette décision méconnaît les dispositions combinées de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. F....

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. F... a été admis dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant nigérian, né le 23 août 1990 à Bamako, entré en France, selon ses déclarations, le 10 mai 2019 relève appel du jugement du 9 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2019 de la préfète de la Gironde décidant son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. F... ayant été déclaré en fuite, le délai de son transfert aux autorités italiennes a été prolongé jusqu'au 11 juin 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...)

/ 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a bénéficié d'un entretien individuel dont le compte rendu mentionne les éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale, et notamment ses demandes d'asiles présentées antérieurement en Italie, que cet entretien signé par l'intéressé précise qu'il a été conduit en anglais, langue qu'il a déclarée comprendre, et fait état de ce qu'il a également déclaré comprendre les informations relatives aux déroulements de la procédure applicable à sa demande d'asile, et qu'il pouvait présenter par tout moyen et à tout moment des observations concernant une éventuelle décision de transfert vers l'Italie. Si M. F... fait valoir que cet entretien ne mentionne pas que sa demande d'asile aurait été rejetée en Italie et qu'il aurait fait l'objet d'une mesure d'éloignement de la part des autorités italiennes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait porté à la connaissance de l'administration de telles informations lors de cet entretien. Enfin, la seule circonstance tenant à ce que son entretien individuel a duré huit minutes n'est pas, en soi, de nature à établir que les conditions dans lesquelles il a été mené auraient méconnu les garanties prévues par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert aurait méconnu l'article 5 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que " l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...)

/ 2. (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE ".

5. D'une part, en vertu de ces dispositions l'Etat responsable est tenu de reprendre en charge le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen ainsi que le ressortissant d'un pays tiers dont la demande a été rejetée. Par suite, la seule circonstance que les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de

M. F... sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement précité, alors que la demande d'asile présentée par M. F... en Italie a été rejetée et qu'il relève ainsi du d) de cet article, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que les dispositions de cet article ne créent des obligations que pour le seul Etat membre responsable et que la procédure ainsi suivie par les autorités françaises n'a privé M. F... d'aucune garantie.

6. D'autre part, M. F... soutient que la décision de transfert est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors qu'elle se fonde sur le b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 alors qu'il relevait du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement, sa demande d'asile présentée en Italie ayant été rejetée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... aurait porté à la connaissance de la préfète que sa demande d'asile aurait été rejetée en Italie. En effet, si M. F... produit une lettre adressée à la préfète de la Gironde dans laquelle il indique avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire édictée par les autorités italiennes postérieurement au dépôt de sa demande d'asile en Italie, ce document n'est toutefois ni daté ni accompagné de la preuve de son envoi ou de sa réception par l'administration. Par ailleurs, il est constant que la préfète, pour prendre la décision contestée, s'est fondée sur les éléments figurant sur la fiche décadactylaire Eurodac contenant les empreintes de l'intéressé ainsi que les déclarations de ce dernier lors de son entretien individuel en date du 6 juin 2019, desquels, il ressort effectivement que M. F... avait sollicité l'asile en Italie. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation.

7. En dernier lieu, aux termes du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution :

" La République peut conclure avec les États européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...). ".

8. Si M. F... fait valoir que sa demande d'asile en Italie aurait été rejetée et que la secte Ogboni au Nigéria fait pression pour qu'il la rejoigne, et que cette appartenance serait héréditaire dès lors que son père en avait fait partie jusqu'à son décès. Il est toutefois constant que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, et partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La circonstance que les autorités italiennes auraient déjà rejeté la demande d'asile de

M. F... et aurait pris à son encontre une mesure d'éloignement ne fait nullement obstacle à la reprise en charge du requérant par les autorités italiennes, alors qu'aucun élément du dossier ne laisse à penser que la demande d'asile de M. F... dans ce pays n'aurait pas été instruite dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile, et que ces autorités restent compétentes pour examiner une nouvelle demande d'asile de l'intéressé, présentée le cas échéant sur la base de nouveaux éléments communiqués par ce dernier. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, en décidant de ne pas user de la faculté d'examen de la demande de protection que lui offre l'article 17 précité du règlement

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2019 de la préfète de la Gironde portant transfert aux autorités italiennes. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Dominique B..., président,

Mme E... D..., présidente assesseure

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.

La présidente assesseure,

Karine D...

Le président,

Dominique B...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01412
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;20bx01412 ?
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