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01/12/2020 | FRANCE | N°18BX03427

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 décembre 2020, 18BX03427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 20 septembre 2016 délivré par le maire de la commune d'Argenton l'Eglise.

Par un jugement n° 1602491 du 13 juillet 2018 le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce certificat.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 septembre 2018 et 29 septembre 2020, la commune d'Argenton l'Eglise, représentée par Me C..., demande à la cour :
r>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2018 ;

2°) de mett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 20 septembre 2016 délivré par le maire de la commune d'Argenton l'Eglise.

Par un jugement n° 1602491 du 13 juillet 2018 le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce certificat.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 septembre 2018 et 29 septembre 2020, la commune d'Argenton l'Eglise, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2018 ;

2°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la demande de première instance était recevable alors qu'elle ne contenait l'exposé d'aucune conclusion ni de moyens, en violation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la requête n'était pas accompagnée de la décision attaquée ;

- le tribunal ne pouvait retenir l'erreur de fait du maire tirée de ce qu'il a considéré à tort que le raccordement au réseau électrique n'était pas réalisable, alors que ce moyen n'a pas été soulevé par M. D... ;

- le certificat attaqué qui ne se rattache pas à une opération telle que visée au b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, ne fait pas grief ;

- en l'absence de mention de l'opération projetée, le certificat négatif n'avait pas à contenir la motivation exigée par l'article R. 410-14 du code de l'urbanisme ; en visant l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, la commune a entendu rappeler que toute construction nouvelle y est exclue ; l'arrêté est suffisamment motivé ;

- les travaux de raccordement du terrain de M. D... ne sont pas envisagés par la commune qui en outre n'est pas en mesure d'indiquer les délais de réalisation de tels travaux ;

- l'attestation de la société Gérédis concernant l'extension du réseau ne crée aucun droit au profit de M. D... et n'emporte aucune obligation pour la commune ;

- le maire n'avait pas à émettre d'avis favorable alors qu'il n'existe aucun projet de construction, que le terrain n'est desservi par aucun réseau d'électricité et d'eau potable et qu'il n'existe aucun projet de raccordement prévu et organisé par la commune ;

- il n'appartenait pas au maire d'indiquer les informations prévues au titre du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme alors que la demande de M. D... a été présentée au titre du b) du même article.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mai 2020 et 8 octobre 2020, M. D..., représenté par Me A..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à la condamnation de la commune d'Argenton l'Eglise à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 octobre 2020 à 12 heures.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2020.

Par une lettre du 16 octobre 2020 la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires, qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et comme telles irrecevables.

Une réponse au moyen d'ordre public a été enregistrée, le 20 octobre 2020, pour la commune d'Argenton l'Eglise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sarac-Deleigne, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a déposé le 28 juillet 2016, une demande de certificat d'urbanisme sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme en vue du raccordement au réseau électrique de sa parcelle cadastrée 026 section ZE n° 33, située à Bagneux au 603 rue des Caves, sur le territoire de la commune d'Argenton l'Eglise (Deux-Sèvres). Par une décision du 20 septembre 2016, le maire de la commune d'Argenton l'Eglise a délivré à M. D..., au nom de la commune, un certificat d'urbanisme négatif. La commune d'Argenton l'Eglise relève appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce certificat.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La commune d'Argenton l'Eglise soutient que le tribunal administratif a méconnu l'étendue de son pouvoir en fondant son jugement sur un moyen d'erreur de fait qui n'était pas soulevé. Toutefois, en faisant état dans sa demande d'un précédent certificat d'urbanisme lui ayant indiqué un possible raccordement, le tribunal a pu, à bon droit, regarder le requérant comme ayant entendu ainsi soutenir que le motif tiré de l'impossibilité d'un raccordement était erroné. Par suite, le tribunal administratif qui n'a pas soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Il ressort de la demande du 8 novembre 2016 présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers qu'il a entendu " formuler une requête pour réviser la position du maire d'Argenton l'Eglise qui a refusé sa demande de raccordement au réseau électrique par décision du 20 septembre 2016 " et a sollicité du tribunal qu' " nouvel examen de son dossier soit instruit et fasse infléchir la décision de la commune " au motif que cette décision est totalement contraire à celle qui a été prise le 25 novembre 2014 alors qu'aucun élément n'était de nature à justifier un tel revirement. Il a également indiqué que la construction existante sur son terrain, dont il envisageait le raccordement, avait été régulièrement édifiée. Le requérant ayant fait état dans sa demande d'une précédente décision du maire indiquant que le raccordement de sa propriété était possible, le tribunal a pu, à bon droit regarder le requérant comme ayant ainsi entendu soutenir que le motif titré de l'impossibilité de raccordement était entaché d'erreur de fait. Ainsi, la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers, qui doit être regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2016, contient un exposé suffisamment motivé des faits et des moyens. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 précité.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la commune requérante, le certificat d'urbanisme négatif du 20 septembre 2016 attaqué était joint à la demande de première instance enregistrée le 8 novembre 2016.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".

7. Eu égard aux effets qu'ils sont susceptibles d'avoir pour leurs destinataires et pour les tiers intéressés, les certificats d'urbanisme délivrés sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme doivent être regardés, que la demande à laquelle ils répondent ait ou non précisé une opération particulière, comme des décisions administratives susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Argenton l'Eglise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté les fins de non-recevoir qu'elle a opposées à la demande de première instance.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

9. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. (...). ".

10. La décision contestée du 20 septembre 2016 est fondée sur le triple motif qu'aucune construction n'est projetée, que le terrain nécessite des travaux d'extension du réseau en électricité et en eau potable et que l'autorité compétente qui n'envisage pas la réalisation de ces travaux de desserte n'est pas en mesure de préciser dans quel délai ces travaux doivent être exécutés.

11. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. D... a sollicité un certificat d'urbanisme pour un raccordement au réseau électrique de son terrain en vue de desservir une construction existante, édifiée régulièrement, ne nécessitant pas d'autorisation. Par suite, il ne pouvait se voir opposer ni l'absence de construction envisagée ni les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme applicables uniquement aux constructions nécessitant une demande d'autorisation ou une déclaration préalable.

12. Il ressort également des pièces du dossier, notamment d'un avis favorable du maire du 28 juillet 2016 émis dans le cadre de l'instruction du certificat d'urbanisme en litige, d'une décision du conseil municipal de février 2015 par laquelle la commune ne s'oppose pas au raccordement ainsi qu'aux travaux nécessaires au raccordement et d'un courrier du 28 juillet 2016 du maire adressé à l'opérateur Gérédis l'autorisant à procéder aux travaux de raccordement, que la parcelle de M. D... était raccordable au réseau électrique par " un branchement électrique " unique à la charge du pétitionnaire, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait nécessité une extension ou un renforcement desdits réseaux à la date de cette dernière décision. Par suite, le maire d'Argenton l'Eglise ne pouvait, sans commettre d'erreur de fait, refuser à M. D... la délivrance du certificat d'urbanisme qu'il sollicitait aux motifs de l'absence de desserte du terrain par les différents réseaux et de l'absence de volonté de la collectivité compétente de réaliser ces travaux.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Argenton l'Eglise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le certificat négatif du 20 septembre 2016.

Sur les conclusions indemnitaires de M. D... :

14. M. D..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la cour par la voie de l'appel incident, de condamner la commune d'Argenton l'Eglise à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité de la décision contestée. Toutefois, ces conclusions indemnitaires ont été formulées pour la première fois en appel. Elles présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à la commune d'Argenton l'Eglise la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Argenton l'Eglise le versement à Me A..., avocat de M. D..., d'une somme de 1 000 euros, ce versement entrainant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Argenton l'Eglise est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes à fin d'indemnisation présentées par M. D... sont rejetées.

Article 3 : La commune d'Argenton l'Eglise versera à Me A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Me A... et à la commune d'Argenton l'Eglise.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

La présidente,

Elisabeth B... La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX03427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03427
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BAFFOU DALLET TEILLET-JARRY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;18bx03427 ?
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