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01/12/2020 | FRANCE | N°18BX04242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 01 décembre 2020, 18BX04242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Patrick E... et Mme Patricia E... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la commune de Javerdat et l'Etat à leur verser une indemnité de 41 413,55 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013 déclarant d'intérêt général les travaux de rétablissement des écoulements des eaux de ruissellement dans le village du Pic, et de l'exécution de travaux publics sur leur parcelle B 960.



Par un jugement n° 1601041 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Patrick E... et Mme Patricia E... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la commune de Javerdat et l'Etat à leur verser une indemnité de 41 413,55 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013 déclarant d'intérêt général les travaux de rétablissement des écoulements des eaux de ruissellement dans le village du Pic, et de l'exécution de travaux publics sur leur parcelle B 960.

Par un jugement n° 1601041 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 décembre 2018, le 8 novembre 2019 et le 13 octobre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 11 octobre 2018 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Javerdat et l'Etat à leur verser la somme de 41 413,55 euros en réparation de leurs préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Javerdat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- ils sont recevables à demander la réparation des préjudices nés du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013, quand bien même celui-ci a disparu de l'ordonnancement juridique après avoir été annulé par le tribunal administratif de Limoges et dès lors que la responsabilité de la commune de Javerdat est aussi engagée du fait de la réalisation de travaux publics sans droit ni titre ;

- ainsi que le tribunal administratif de Limoges en a décidé dans un jugement du 15 octobre 2015, l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013 a été édicté au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucune enquête publique n'a été réalisée, en méconnaissance des articles L. 211-7 et R. 214-89 du code de l'environnement, et que la condition d'existence d'un péril imminent pour se dispenser d'une telle enquête prévue par l'article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime n'était pas caractérisée en l'espèce ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un tel vice de procédure a nécessairement exercé une influence sur le sens de la décision, qui n'aurait pas pu être légalement prise ;

- l'arrêté du 16 janvier 2013 est également entaché d'une erreur de droit et d'une erreur dans la qualification juridique des faits dès lors que la création d'un réseau de canalisation d'eaux de ruissellement sur leur propriété entraîne une servitude publique sur leur fonds, qui était jusque-là inexistante, et que l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime n'a pas été respecté dès lors que les canalisations ne sont pas souterraines et qu'aucune indemnité ne leur a été versée ;

- la convention d'engagement de cession de servitudes signée le 7 janvier 2012 est irrégulière dès lors que cet engagement n'a pas été ratifié par un acte notarié soumis à l'enregistrement et publicité foncière, comme il avait été prévu, et que Mme E... ne l'a pas signée et y a manifesté son opposition ; le maire de la commune a d'ailleurs reconnu la caducité d'une telle convention ; dans ces conditions, la réalisation des travaux a porté atteinte à leur droit de propriété et l'ouvrage, qui a été réalisé sans droit ni titre, constitue une emprise irrégulière ;

- l'intérêt général, relatif dans les circonstances de l'espèce où l'impasse ne dessert que deux maisons dont la leur, ne saurait suffire à justifier l'atteinte à leur droit de propriété et la réalisation des travaux, qui ne présentent pas un caractère temporaire contrairement à ce qu'a fait valoir le préfet de la Haute-Vienne ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de l'illégalité de l'arrêté du 16 janvier 2013 et celle de la commune du fait de la maîtrise d'ouvrage des travaux réalisés sur leur parcelle ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le transfert de la compétence voirie à la communauté de communes Porte Océane du Limousin au 1er janvier 2016 exonérait la commune de sa responsabilité pour des travaux réalisés antérieurement, alors que la commune est restée propriétaire des voies dont elle est le maître d'ouvrage, que le président de la communauté de communes a indiqué que le maire de la commune de Javerdat détient des pouvoirs de police spéciale en matière de voirie et que la convention signée le 7 janvier 2012 désigne clairement la commune comme maître d'ouvrage ; l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Limoges dans le litige opposant M. et Mme E... à leurs voisins et à la commune de Javerdat a indiqué que cette dernière est gestionnaire de la voirie et des eaux pluviales en provenant ;

- ces travaux leur ont causé un préjudice anormal et spécial, dès lors que tous les végétaux sur 60 mètres de long et 3 mètres de large ont été arrachés, détruisant dans sa totalité la partie droite d'un jardin botanique aménagé pendant 20 ans ; une rigole a été creusée à la pelleteuse et le caniveau n'a cependant pas été posé ;

- ils n'ont commis aucune faute susceptible de minorer la réparation de leur préjudice ;

- leurs préjudices seront réparés par le versement de 36 413,55 euros au titre des dégâts matériels et 5 000 euros au titre de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 octobre 2019 et le 9 décembre 2019, la commune de Javerdat, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des époux E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de M. et Mme E... était irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre la commune, dès lors qu'après avoir admis par convention la nécessité des travaux, ils étaient sans intérêt pour agir ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la validité de la convention signée entre la commune et les époux E... le 7 janvier 2012 et la dimension d'intérêt général des travaux réalisés ;

- si une enquête publique avait été réalisée, la même décision aurait été légalement prise ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions dirigées contre la commune étaient mal dirigées ;

- il existait une situation de danger imminent justifiant la réalisation des travaux ;

- les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir compte tenu de la convention qu'ils ont signée le 7 janvier 2012 ;

- M. et Mme E... ne justifient pas de la réalité de leur préjudice ; ils ont eux-mêmes comblé la rigole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle renvoie aux écritures du préfet en première instance et soutient en outre que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la servitude en cause trouve son fondement dans la convention régulièrement conclue entre les époux E... et la commune de Javerdat ;

- même au terme d'une procédure régulière, le préfet aurait pris la même décision ;

- la circonstance que l'absence d'enquête publique préalablement à l'arrêté préfectoral litigieux ait privé le public d'une garantie est dépourvue d'incidence en l'espèce ;

- les préjudices dont se prévalent les requérants trouvent leur cause dans la convention qu'ils ont eux-mêmes signée le 7 janvier 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la demande du maire de la commune de Javerdat, le préfet de la Haute-Vienne a, par un arrêté du 16 janvier 2013, déclaré d'intérêt général les travaux de rétablissement des écoulements des eaux de ruissellement au sein du village du Pic, situé sur le territoire de cette commune, et institué les servitudes nécessaires à leur exécution. Le tribunal administratif de Limoges, saisi par M. et Mme E..., propriétaires de l'une des parcelles concernées par les travaux, a annulé cet arrêté préfectoral par un jugement n° 1300447 du 15 octobre 2015. M. et Mme E... relèvent appel du jugement n° 1601041 du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Javerdat et de l'Etat à leur verser la somme de 41 413,55 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 16 janvier 2013 et de l'exécution de travaux publics sur leur parcelle.

Sur la recevabilité de la demande :

2. La circonstance que l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 16 janvier 2013 ait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2015 ne prive pas M. et Mme E... de la possibilité de former un recours indemnitaire pour obtenir réparation des préjudices qui en sont résultés. La fin de non-recevoir opposée à cet égard par l'Etat ne peut qu'être écartée.

3. La circonstance que M. et Mme E... auraient amiablement consenti à la réalisation des travaux litigieux, ce dont justifierait une convention signée le 7 janvier 2012, est seulement susceptible de faire obstacle à la caractérisation d'un lien de causalité entre l'arrêté du 16 janvier 2013 et les préjudices dont les intéressés se prévalent, mais ne saurait les priver d'un intérêt pour demander la condamnation de la commune de Javerdat à la réparation de leurs préjudices. La fin de non-recevoir opposée par la commune en ce sens doit être écartée.

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Par un jugement n° 1300447 du 15 octobre 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 16 janvier 2013 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a déclaré d'intérêt général les travaux de rétablissement des écoulements des eaux de ruissellement dans le village du Pic sur le territoire de la commune de Javerdat au motif qu'il n'avait pas été précédé de la réalisation d'une enquête publique. Le dispositif de ce jugement ainsi que les motifs qui en sont le support nécessaire sont revêtus de l'autorité absolue de la chose jugée. M. et Mme E... sont, par suite, fondés à soutenir que l'arrêté du 16 janvier 2013 est illégal du fait du vice de procédure qui l'entache.

5. Aux termes de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable : " I. -Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales sont habilités à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant : (...) / 4° La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols ; (...) ". Aux termes de l'article L. 151-37 du code de rural et de la pêche maritime : " Le programme des travaux à réaliser est arrêté par la ou les personnes morales concernées. Il prévoit la répartition des dépenses de premier établissement, d'exploitation et d'entretien des ouvrages entre la ou les personnes morales et les personnes mentionnées à l'article L. 151-36. Les bases générales de cette répartition sont fixées compte tenu de la mesure dans laquelle chacune a rendu les travaux nécessaires ou y trouve un intérêt. Le programme définit, en outre, les modalités de l'entretien ou de l'exploitation des ouvrages qui peuvent être confiés à une association syndicale autorisée à créer. Le programme des travaux est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / L'enquête publique mentionnée à l'alinéa précédent vaut enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des opérations, acquisitions ou expropriations éventuellement nécessaires à la réalisation des travaux. / Le caractère d'intérêt général ou d'urgence des travaux ainsi que, s'il y a lieu, l'utilité publique des opérations, acquisitions ou expropriations nécessaires à leur réalisation sont prononcés par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. (...) ". L'article L. 151-37-1 du même code dispose : " Il peut être institué une servitude de passage permettant l'exécution des travaux ainsi que l'exploitation et l'entretien des ouvrages. Le projet d'institution de servitude est soumis à une enquête publique réalisée conformément au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Les propriétaires ou occupants des terrains grevés de cette servitude de passage ont droit à une indemnité proportionnée au dommage qu'ils subissent, calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer l'exécution des travaux et l'existence des ouvrages ou installations pour lesquels cette servitude a été instituée. Les contestations relatives à cette indemnité sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. ".

6. Les requérants soutiennent que l'arrêté du 16 janvier 2013 était également entaché d'une erreur de droit et de qualification juridique des faits en ce qu'il portait atteinte à leur droit de propriété en instaurant, sans respecter la procédure et les conditions légales, une servitude publique sur leur fonds qui n'en était pas préalablement grevé, alors qu'ils n'y avaient pas consenti. Il résulte de l'instruction que, par une " convention d'engagement de cession de servitudes " signée le 7 janvier 2012, M. E... s'était engagé à céder à la commune un droit de passage et un droit d'occupation temporaire sur la parcelle cadastrée B 960 afin que soient réalisées des canalisations pour recueillir les eaux pluviales ainsi que les ouvrages annexes faisant partie du projet sur une bande de terrain d'une largeur de trois mètres, d'une longueur de soixante mètres et d'une superficie de cent quatre-vingts mètres carrés. M. et Mme E... se prévalent, pour la première fois en appel, de la nullité d'une telle convention au motif qu'elle n'a pas été signée par Mme E... qui a, le 12 juillet 2012, explicitement fait part de son opposition à la réalisation des travaux prévus par ce document. Dans ces conditions, alors qu'il résulte effectivement de l'instruction que seul M. E... a signé la convention le 7 janvier 2012 et qu'en vertu de l'article 1424 du code civil les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles dépendant de la communauté, M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la servitude instituée sur leur terrain par l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013 l'avait légalement été en vertu d'un accord amiable et non en application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime.

7. M. et Mme E... ne peuvent utilement faire valoir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime en ce qu'il ne prévoit pas la réalisation d'une canalisation souterraine, cet arrêté n'étant pas fondé sur de telles dispositions mais sur les articles L. 211-7 du code de l'environnement et L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime.

8. Par ailleurs, la circonstance qu'il n'ait pas été versé à M. et Mme E... l'indemnité à laquelle ils avaient droit en application de l'article L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime, dont le juge judiciaire est seul compétent pour connaître, ne constitue pas un motif supplémentaire d'illégalité de l'arrêté du 16 janvier 2013 qui a instauré la servitude litigieuse dont les requérants seraient fondés à se prévaloir à l'appui de leur recours indemnitaire .

9. Enfin, il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E..., que les travaux litigieux étaient commandés par l'intérêt général compte tenu des inondations causées par l'absence de réseau efficient d'évacuation des eaux pluviales dans la zone concernée et des nombreux désagréments qui en résultent pour les riverains. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2013 serait entaché d'une autre illégalité que celle indiquée au point 4.

10. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

11. M. et Mme E... soutiennent avoir été tenus à l'écart des réflexions de l'administration visant à canaliser les eaux de ruissellement sur leur propriété et qu'une enquête publique aurait permis d'établir l'inutilité des travaux envisagés. Il résulte toutefois de l'instruction que M. et Mme E... ont participé à une réunion organisée à ce sujet le 24 avril 2010 par la maire de la commune de Javerdat. Ils ont également participé à une réunion le 8 juin 2011 organisée à la demande de l'assureur de propriétaires voisins, à laquelle étaient notamment présents la maire de la commune, un agent de ses services techniques ainsi qu'un représentant de la communauté de communes, et au cours de laquelle a notamment été évoquée la possibilité de recréer une rigole d'écoulement des eaux par la pose d'une cunette en béton préfabriquée traversant transversalement la propriété de M. et Mme E... en prenant pour origine le point bas de la voie communale et en se dirigeant vers le ruisseau. Enfin, M. et Mme E... ne peuvent sérieusement prétendre ignorer la nature des travaux envisagés sur leur parcelle dès lors que M. E... a signé, le 7 janvier 2012, une convention d'engagement de cession de servitudes pour leur réalisation et que son épouse a indiqué, par un courrier du 12 juillet 2012, être opposée à la réalisation des travaux envisagés. Dans ces conditions, les requérants n'ont pas été privés d'une chance de convaincre l'autorité responsable de l'inopportunité des travaux publics en cause et ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la même décision aurait légalement pu être prise par le préfet de la Haute-Vienne ni, par suite, à demander la condamnation de l'Etat.

Sur la responsabilité de la commune :

12. M. et Mme E... soutiennent que la responsabilité de la commune de Javerdat est engagée en sa qualité de maître d'ouvrage des équipements concernés par les travaux du fait de l'illégalité de l'arrêté du 16 janvier 2013 du préfet de la Haute-Vienne. Par une attestation du 12 avril 2017, le président de la communauté de communes Porte Océane du Limousin, résultat de la fusion le 1er janvier 2016 de la communauté de communes Vienne Glane et de la communauté de communes Pays de la Météorite, doit être regardé comme indiquant sa qualité de maître d'ouvrage de la voie publique concernée dès lors que la commune de Javerdat a transféré à la communauté de communes la compétence relative à l'entretien des voies communales situées au-delà des panneaux d'entrée d'agglomération. Il résulte de l'instruction que tel est le cas du village du Pic où résident les requérants. Par une attestation du 23 mai 2017, la maire de la commune de Javerdat a également indiqué que les travaux ont été effectués sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes. Toutefois, la commune de Javerdat n'a pas produit, en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour, la délibération portant transfert à la communauté de communes de la compétence voirie et, le cas échéant, eaux pluviales. Dans ces conditions, alors d'une part, que l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Limoges dans un litige opposant la commune de Javerdat ainsi que M. et Mme E... à des voisins de ces derniers a indiqué, dans un rapport produit pour la première fois en appel, que la commune est gestionnaire de la voirie et des eaux pluviales qui en proviennent et, d'autre part, que le transfert de compétence allégué par la commune ne résulte pas de l'instruction, il y a lieu de retenir, contrairement aux premiers juges, que la commune de Javerdat est la personne publique responsable des travaux pour lesquels M. et Mme E... demandent à être indemnisés.

13. Il y a lieu de statuer sur les conclusions indemnitaires de la demande de M. et Mme E... en tant qu'elle est dirigée contre la commune de Javerdat par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les préjudices :

14. Les préjudices dont M. et Mme E... demandent réparation, constitués par les frais de remise en état de leur parcelle et un préjudice moral, sont en lien avec l'exécution des travaux publics commencés en 2013 et non avec les inondations causées par la mauvaise évacuation de l'eau sur leur terrain. Dans ces conditions, la commune de Javerdat ne saurait utilement faire valoir que les requérants ont commis une faute faisant obstacle à leur indemnisation en obstruant eux-mêmes la rigole traversant leur parcelle.

15. Les requérants exposent, sans être précisément contredits par la commune de Javerdat qui se borne à faire valoir que le préjudice allégué ne repose sur aucun élément, que les travaux débutés en 2013 ont endommagé deux de leurs parcelles compte tenu de la circulation d'engins de chantiers, de l'arrachage de végétaux sur 180 m2, notamment d'une haie de thuyas et de la dépose des clôtures situées en bord de route. Ils justifient, par la production d'un devis, que l'évacuation de la terre végétale souillée, la remise en forme des surfaces, la réparation du parking et le remplacement de la clôture s'élèvent à 8 700 euros. Il y a lieu d'ajouter à ce montant la somme de 1 050 euros correspondant au prix de quinze thuyas dont les requérants justifient par la production d'un devis d'un pépiniériste à hauteur de 900 euros, majoré du coût du terreau et de la main d'oeuvre nécessaires à leur plantation.

16. En revanche, les quelques photographies produites par les requérants n'étant pas de nature à démontrer la quantité ni l'espèce des végétaux qui auraient été arrachés, ils ne sont pas fondés à solliciter la somme de 20 000 euros correspondant, dans le devis de remise en état de leur jardin, à la plantation de 45 arbres ou arbustes vivaces d'environ 20 ans d'âge ni le remplacement des autres essences mentionnées dans le devis du pépiniériste produit à l'instance.

17. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les requérants du fait des troubles dans leurs conditions d'existence, dont il est justifié, s'agissant de Mme E..., par la production d'un certificat médical, en leur allouant à ce titre une somme de 2 000 euros.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... sont seulement fondés à demander que la commune de Javerdat leur verse la somme de 11 750 euros en réparation de leurs préjudices.

Sur les frais liés au litige :

19. M. et Mme E... ne justifient pas avoir exposé de frais au titre de dépens pour la présente instance. Les conclusions présentées à ce titre ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés pour la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Javerdat est condamnée à verser à M. et Mme E... la somme de 11 750 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1601041 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Javerdat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick E..., à Mme Patricia E..., au ministre de la transition écologique et solidaire et à la commune de Javerdat.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme K... G..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... F..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

La rapporteure,

Kolia F...

La présidente,

Catherine G...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04242
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET HENRY - CHARTIER-PREVOST - PLAS - GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;18bx04242 ?
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