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08/12/2020 | FRANCE | N°18BX02575

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 décembre 2020, 18BX02575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de Ribérac Sud et son assureur la société Groupama centre Atlantique à lui verser la somme de 135 033,50 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de ses plants de vigne en mai et juin 2013, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1702415 du 2 mai 2018 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémenta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de Ribérac Sud et son assureur la société Groupama centre Atlantique à lui verser la somme de 135 033,50 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de ses plants de vigne en mai et juin 2013, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1702415 du 2 mai 2018 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 29 juin et 22 octobre 2018, le 13 juin 2019 et 24 septembre 2020, M. B..., représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2018 ;

2°) de condamner solidairement, au besoin après expertise, l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de Ribérac Sud et son assureur la société Groupama centre Atlantique à lui verser la somme de 135 033,50 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de ses plants de vigne en mai et juin 2013, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre les dépens à la charge solidaire de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et de la société Groupama centre Atlantique ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et de la société Groupama centre Atlantique la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie être propriétaire de la parcelle cadastrée ZC0036 sise à Saint-Antoine de Cumond, Petit Bersac, Nougerol qui est desservie par l'ASA, exploitant de ces parcelles, et être à l'origine des plantations ayant subi des dégâts ; il demande donc l'indemnisation de préjudices qu'il a subis personnellement et justifie d'un intérêt à le faire ;

- il n'y aucune raison de mettre l'assureur de l'ASA de Ribérac hors de la cause ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les dysfonctionnements ont débuté dès avril 2013 ; les dommages ne résident donc pas dans un foudroiement des installations le 1er mai 2013 ;

- l'ASA de Ribérac a commis plusieurs fautes au titre de son obligation de maintien du système d'irrigation et de fourniture d'eau d'irrigation ; en raison d'un manque de diligence flagrant, les équipements n'ont pas été entretenus régulièrement jusqu'en 2015; ce manque de diligence entre le 2 avril, dès la mise en route de la station, et le 4 mai 2013 est également à l'origine de la lenteur des réparations ;

- l'ASA de Ribérac ne peut s'abriter derrière les dispositions du règlement intérieur dès lors que ce dernier n'était pas applicable à la date des faits ; le règlement intérieur du syndicat intercommunal ne prévoyait, pour sa part, la possibilité d'organiser des tours de restriction d'accès qu'en cas de diminution de la ressource en eau ; la responsabilité de l'ASA ne peut être écartée si elle a commis une faute ;

- le lien de causalité entre les dysfonctionnements du réseau d'irrigation et les pertes subies n'était pas contesté en 2013 lors des réunions d'expertise ; l'ASA est mal fondée à soutenir aujourd'hui que les pertes subies trouvent leur origine dans une maladie ou d'autres causes dès lors qu'il est impossible de procéder à une vérification ;

- à supposer que les installations auraient été endommagées par l'orage du 1er mai, aucun élément du dossier ne permet de regarder ces intempéries comme pouvant être qualifiées d'évènement de force majeure susceptible de décharger l'ASA de sa responsabilité d'autant que les dysfonctionnements sont intervenus dès le 2 avril à la mise en route de l'installation ;

- il n'a commis aucune faute ; il ne pouvait retarder la mise en terre de ses boutures ; il ne pouvait mettre en place un système alternatif d'irrigation au goutte à goutte ; la quantité d'eau disponible est importante mais la continuité est également primordiale dès lors que les plants ne supportent pas le manque d'eau même passager ;

- il a subi des préjudices financiers déjà évalués à la somme de 135 033,50 euros ; le représentant de l'assureur de l'ASA a validé ce montant qui correspond à la perte subie sur les 200 000 boutures n'ayant pu être alimentées correctement en eau ;

- il a également subi des préjudices résultant de la perte de clientèle et de la perte du fonds de roulement constitué par le produit des ventes non réalisées ; il a également dû modifier son activité et faire des plantations en pots et se prémunir des futurs dysfonctionnements en acquérant un dispositif d'irrigation personnel ;

- l'assureur de l'ASA ne peut refuser de l'indemniser en se prévalant du règlement intérieur prévoyant une exclusion de garantie des adhérents qui n'a été validée qu'en décembre 2013 postérieurement au sinistre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août et 26 octobre 2018 et les 7 et 15 septembre 2020, l'Association Syndicale Autorisée (ASA) d'irrigation de Ribérac Sud et la société Groupama centre Atlantique, représentées par Me A..., demandent à la cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter à la somme de 80 202,06 euros le montant des préjudices subis par M. B... et de fixer à 50 % la part de responsabilité de l'ASA et de débouter M. B... de l'ensemble de ses demandes vis-à-vis de Groupama ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de M. B... chacune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- M. B... ne justifie d'aucun intérêt à agir dès lors qu'il est impossible de déterminer le lieu du dommage et l'existence d'un préjudice ;

- sur les 200 000 plants dont fait état M. B..., 65 000 ont été plantés par Mme H... B... qui n'est pas adhérente de l'ASA ;

- la parcelle était exploitée par le GFA de Nougerol et non par le requérant ;

- le groupe Groupama doit être mis hors de cause ; les garanties du contrat ne concernent pas les dommages subis par les adhérents ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses missions et il appartient au requérant d'établir le contraire ; les dysfonctionnements en litige trouvent leur origine dans le foudroiement des installations le 1er mai 2013 ; la panne a été détectée le lendemain et la société prestataire contractée le 3 mai ; le 7 mai des réparations provisoires ont été mises en place ; le devis est arrivé le 16 mai 2013, il a été validé le lendemain et les réparations ont été finalisées le 2 juin 2013 suite à l'arrivée des pièces ;

- les installations ont fonctionné entre avril et mai 2013 ; les allégations contraires du requérant sont sans incidence dès lors que les plants servant de support aux prétentions du requérant n'ont été mis en terre que le 24 mai 2013 ;

- le lien de causalité est insuffisamment établi dès lors que selon l'expert, l'exploitation de M. B... a disposé de suffisamment d'eau sur la période ; aucun élément ne permet de déterminer la qualité des plants ni l'absence de maladie ou d'autres causes à leur détérioration ;

- à supposer les fautes commises, il y a eu faute de M. B... qui a procédé à la plantation le 24 mai 2013 en ayant connaissance des dysfonctionnements du système depuis le 1er mai 2013 ; il aurait pu procéder différemment ou organiser un système alternatif assurant l'irrigation de ses plans dès lors qu'il dispose d'un lac de rétention destiné à cet usage ;

- M. B... n'apporte pas la preuve du préjudice dont il demande réparation ; il se fonde sur une évaluation de 135 033,50 euros qui ressort d'une estimation qui aurait été établie entre assureurs mais qui n'a pas été validée ; l'expert BOUDY considère que le pourcentage normal de reprise des plants est de 60 à 65% et de 75%, base sur laquelle les plaignants calculent leur préjudice ; M. B... ne justifie pas de l'achat des plants ni des éléments justifiant de leur valeur ;

- seules les plantations mises en oeuvre par M. B..., soit 146 200 plants, seraient à considérer et non celles de Mme B..., soit 65 000 plants ; selon la réclamation du requérant et ses déclarations à FRANCE AGRIMER, le préjudice qu'il aurait personnellement subi ne serait que de 91 659,50 euros ; en retenant un pourcentage moyen réel de reprise de 62,5 %, et non celui de 75 % retenu par M. B..., le préjudice réellement subi serait de 80 202,06 euros ;

- la demande d'expertise est inutile en l'espèce.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture d'instruction a été reportée en dernier lieu au 9 octobre 2020 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006- 504 du 3 mai 2006 ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... F...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant M. B... et de Me A..., représentant l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et Groupama centre Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., pépiniériste viticole membre de l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de Ribérac Sud, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement cette association et son assureur, la société Groupama centre Atlantique, à lui verser la somme de 135 033,50 euros en réparation de ses préjudices résultant de la perte de ses plants de vigne en mai et juin 2013. Par jugement du 2 mai 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par la présente requête, M. B... demande à la Cour d'annuler ce jugement et de condamner solidairement l'ASA de Ribérac Sud et la société Groupama centre Atlantique à lui verser la somme de 135 033,50 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de ses plants de vigne en mai et juin 2013, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Sur la faute :

2. M. B... soutient qu'en raison des négligences de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud dans l'exécution de ses missions d'entretien et de maintien du système d'irrigation, et notamment de la station de pompage, il a perdu une grande partie des plants de vigne mis en terre entre le 21 et le 24 mai 2013 sur sa parcelle située à Saint-Antoine de Cumond, Petit Bersac, Nougerol, et cadastrée sous le n° ZC00036.

3. En premier lieu, ainsi que le fait valoir en défense l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud, l'existence, à la supposer établie, de dysfonctionnements du système d'irrigation entre le 2 avril et le 1er mai 2013 ne présente aucun lien de causalité avec les pertes de plantations invoquées par M. B... dès lors qu'il ressort de ses propres déclarations que les plants n'ont été mis en terre qu'à compter du 21 mai 2013. De même, M. B... qui au demeurant n'apporte aucun élément probant, n'est pas fondé à invoquer au soutien de ses conclusions indemnitaires que l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud serait globalement négligente dans l'exécution de ses missions d'entretien et de maintien du système d'irrigation.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction que suite à la fulguration des installations de la station de pompage du système d'irrigation le 1er mai 2013, la société Delage est intervenue à la demande de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud dès le 3 mai 2013 et a constaté la nécessité de remplacer plusieurs éléments de l'installation électrique et notamment les variateurs électriques de vitesse. Elle a alors procédé à l'installation d'un système de démarrage provisoire pour le maintien du réseau en pression le 7 mai, et a émis un devis d'un montant de 31 951,69 euros le 16 mai 2013. Suite à la validation de ce devis par l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud le 17 mai 2013, les installations ont été définitivement réparées le 2 juin 2013 dès réception des nouveaux variateurs. La seule circonstance qu'un prestataire autre que la société Delage aurait déclaré, sans avoir visité les installations, pouvoir assurer le remplacement de ces variateurs dans un délai de trois ou quatre jours ne permet pas d'établir que la durée des réparations proposées par la société Delage était anormalement longue et que l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud aurait commis une faute en ne recherchant pas, une fois le devis effectué, le concours d'un autre prestataire. Contrairement à ce que soutient le requérant, c'est donc sans retard que les réparations du système d'irrigation ont été mises en oeuvre. L'instabilité du système provisoire mis en place le 3 mai 2013, qui impliquait des réarmements réguliers de l'armoire électrique, n'est de nature à établir ni l'existence d'une faute de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud, alors qu'il n'est pas contesté qu'un système de surveillance a été mis en place et que des agents de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud ont systématiquement répondu aux signalements de M. B..., ni l'impossibilité pour celui-ci de procéder à une irrigation satisfaisante des plants de vigne qu'il a cependant décidé de mettre en terre à compter du 21 mai 2013. Par suite, et alors au surplus qu'il ne résulte pas de l'instruction que la perte des plants de vigne ne serait liée qu'à un manque d'irrigation, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'ASA d'irrigation a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions indemnitaires ni de recourir à une expertise, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur les frais exposés :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et de la société Groupama centre Atlantique, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et la société Groupama centre Atlantique et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'ASA d'irrigation de Ribérac Sud et la société Groupama centre Atlantique, prises ensemble, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B..., à l'association syndicale autorisée d'irrigation de Ribérac Sud et à la société Groupama centre Atlantique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... D..., présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. G... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

La présidente,

Evelyne D... La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX02575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02575
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Associations syndicales - Questions propres aux différentes catégories d'associations syndicales - Associations syndicales d'irrigation.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute simple.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP MONEGER ASSIER BELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;18bx02575 ?
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