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10/12/2020 | FRANCE | N°19BX00257

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19BX00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 15 mars 2016 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Vienne en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande tendant au retrait de certaines pièces figurant dans son dossier individuel et de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1601011 du 4 décembre 2018, le tribunal admin

istratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 15 mars 2016 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Vienne en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande tendant au retrait de certaines pièces figurant dans son dossier individuel et de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1601011 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2019 et 25 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 15 mars 2016 de l'inspecteur d'académie de la Haute-Vienne en tant qu'elle refuse de retirer de son dossier administratif les pièces VII 17 d à g, VII 16 a à f, VII 18, VII 19 et VII 27 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de la Haute-Vienne de faire retirer ces pièces de son dossier administratif ainsi que le rapport sur sa manière de servir ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport sur sa manière de servir, non signé et non notifié, et les pièces afférentes, ne résultent d'aucun constat objectif ni procédé objectif, ne lui sont pas opposables et n'ont pas à figurer dans son dossier individuel ; elle n'a pas été mise à même de s'expliquer et de se défendre préalablement à la rédaction de ce rapport ;

- les pièces dont elle a demandé le retrait présentent un caractère diffamatoire et injurieux ;

- elle a subi un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeur des écoles, a été affectée en qualité de directrice de l'école maternelle Kergomard à Panazol à compter du mois de septembre 2010. Le 8 janvier 2016, Mme C... a sollicité le retrait de son dossier administratif des pièces VII 27, VII 19, VII 18, VII 17 et VII 16. Par lettre du 22 janvier 2016, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Vienne a demandé la communication de la liste détaillée des documents que Mme C... souhaitait voir retirer ainsi que les motifs de droit qui s'opposeraient à leur maintien dans son dossier administratif. Le 19 février 2016, le conseil de Mme C... a réitéré sa demande de retrait des pièces. Par une lettre du 15 mars 2016, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de Haute-Vienne a procédé au retrait des pièces 17 a, b et c et a rejeté la demande de retrait des autres pièces du dossier individuel de Mme C.... Par un courrier du 18 mai 2016, Mme C... a formé un recours gracieux tendant au retrait des pièces, au bénéfice de la protection fonctionnelle et, à défaut, au versement d'une somme de 2 000 euros et de la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice professionnel et psychologique. Ce recours a été rejeté par courrier du 26 mai 2016. Mme C... relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 mars 2016 et ses conclusions indemnitaires.

Sur la légalité de la décision du 15 mars 2016 :

2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique : " Le dossier individuel de l'agent public est composé des documents qui intéressent sa situation administrative, notamment ceux qui permettent de suivre son évolution professionnelle. Le dossier individuel est unique. Il est tenu dans les conditions fixées par l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 (...) ". L'article 13 de ce décret dispose que : " L'agent adresse toute demande de rectification, de retrait ou d'ajout d'un document à l'autorité administrative (...), soit lors de la consultation, soit ultérieurement. (...) ".

3. En premier lieu, ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'impose à l'administration de mettre à même un fonctionnaire de présenter des observations préalablement au versement de pièces dans son dossier individuel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

4. En second lieu, il résulte des dispositions précitées que le dossier individuel d'un fonctionnaire ne peut légalement contenir que des documents nécessaires à la gestion administrative de sa carrière. Saisie d'une demande en ce sens, l'administration doit retirer de ce dossier les pièces qui font état des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé, ainsi que celles dont le contenu présente un caractère injurieux ou diffamatoire.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a demandé le retrait de son dossier individuel de plusieurs courriers émanant de l'inspection académique, du maire de Panazol, de syndicats et de parents d'élèves ainsi que d'un rapport d'inspection daté du 15 mai 2015. Ces documents concordants font état de difficultés relationnelles avec les enseignants de l'école et avec les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ainsi que de comportements inappropriés de Mme C... en tant que directrice, notamment de différences de traitement entre les parents d'élèves, de " sautes d'humeur " ou d'" excès d'autorité " envers le personnel de l'école. La seule production d'un témoignage d'un professeur d'école portant une appréciation quant à la manière de servir de Mme C... en sa qualité de directrice d'école et d'un courrier du médecin des personnels du rectorat mentionnant qu'" elle se dit diffamée, outragée, victime d'une entreprise déstabilisante ", ne suffit pas à caractériser l'inexactitude matérielle des faits reprochés. Ainsi, ces courriers et le rapport d'inspection, au contenu convergent et dont il n'est pas établi qu'ils seraient injurieux ou diffamatoires, ne contiennent aucune des mentions prohibées par les dispositions législatives précitées et sont au nombre des pièces intéressant la situation administrative de Mme C.... Par suite, ils pouvaient légalement figurer au dossier de l'intéressée. Les circonstances que le dossier aurait été numéroté différemment et que des pièces auraient été ajoutées entre la consultation du 5 juin 2015 et celle du 25 novembre 2015 et qu'il aurait été classé " dans la plus grande discontinuité " chronologique n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision refusant le retrait des pièces du dossier. L'absence d'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme C... est également sans incidence sur la légalité de la décision contestée, de même que l'absence de signature portée au rapport d'inspection du 15 mai 2015. Dès lors, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Vienne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de retirer les pièces VII 27, VII 19, VII 18, VII 17 d à f et VII 16 du dossier de Mme C....

Sur les conclusions indemnitaires :

6. La décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de Haute-Vienne a refusé de procéder au retrait de pièces du dossier de Mme C... n'étant entachée d'aucune illégalité fautive, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par l'appelante.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera transmise, pour information, au recteur de l'académie de Limoges.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

Mme D..., premier conseiller,

Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

D...Le président,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00257
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Communication du dossier.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : GILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-10;19bx00257 ?
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