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15/12/2020 | FRANCE | N°18BX00799

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 18BX00799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Camous a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté du 14 août 2015 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé le prélèvement et l'utilisation d'eau pour la consommation humaine, a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux de la source Costes et a instauré des périmètres de protection et des servitudes réglementaires au profit de la commune.

Par un jugement n° 1502109 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de P

au, après avoir ordonné une expertise judiciaire, a annulé l'article 6 de l'arrêté du pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Camous a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté du 14 août 2015 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé le prélèvement et l'utilisation d'eau pour la consommation humaine, a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux de la source Costes et a instauré des périmètres de protection et des servitudes réglementaires au profit de la commune.

Par un jugement n° 1502109 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau, après avoir ordonné une expertise judiciaire, a annulé l'article 6 de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 14 août 2015, a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 22 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la requête de la commune de Camous.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative en l'absence de réponse à la branche du moyen tiré de ce que la prescription de l'article 6 de l'arrêté attaqué vise à respecter la règlementation prévue aux articles R. 1321-55 et R. 1321-49 du code de la santé publique ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le tribunal a interprété de façon erronée l'article 6 de l'arrêté en litige ; en effet il a été pris afin de protéger la ressource en eau et lutter contre la pollution, sur le fondement des articles L. 214-3 II et L. 211-1 du code de l'environnement dans le but d'une gestion économe de l'eau et en vue du respect d'un débit maximum et minimum autorisé, en lien avec l'article 4 de l'arrêté ;

- en tout état de cause, la règlementation européenne (directive 67/548/CEE) et l'article D. 211-10 du code de l'environnement mais aussi l'arrêté du 27 juillet 2006 relatif aux rejets soumis à déclaration imposent de modifier le système de distribution d'eau dans sa configuration actuelle compte tenu que l'eau chlorée est déversée en cas de trop-plein du réservoir dans le milieu naturel créant une pollution par le chlore ; les prescriptions de l'article 8 de l'arrêté, qui ne sont pas en débat, sont à cet égard nécessaires et justifiées pour préserver la qualité de l'eau ;

- il s'en remet au mémoire de première instance pour le surplus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, la commune de Camous, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête d'appel du ministre, à la réformation du jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté précité, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- elle est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêté en litige qui fixe un débit minimum réservé devant être laissé à l'aval du captage de 0,02l/s dès lors qu'il disparaitra par infiltration par le sol et ne constituera pas un apport suffisant au milieu ; il n'est pas démontré qu'une dérogation à ce débit réservé au sens de l'article R. 214-111 du code de l'environnement n'est pas possible ; le rapport d'hydrogéologie de 2004 sur lequel s'appuie l'expert judiciaire est trop ancien, les débits ayant largement baissé depuis cette date ; le module du cours d'eau n'a pas été calculé alors qu'il s'agissait d'une recommandation de la direction départementale des territoires (DDT) ; l'écoulement de la source Costes est atypique au sens du code de l'environnement.

Par ordonnance du 28 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 23 septembre 2019 à 12 heures.

Le ministre de la transition écologique a produit un mémoire enregistré le 10 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- la directive 67/548/CEE du Conseil du 27 juin 1967 modifiée par la directive 2001/59 du 6 août 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ;

- l'arrêté du 9 août 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et de la ministre de l'écologie et du développement durable relatif aux niveaux à prendre en compte lors d'une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d'eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 4.1.3.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté du 27 juillet 2006 fixant les prescriptions générales applicables aux rejets soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 2.2.3.0 (1° b et 2° b) de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Camous, dont l'alimentation en eau potable était assurée par la source de Prat d'Ardoun, a sollicité l'autorisation de disposer de la source Costes comme seconde source d'alimentation en eau potable. Par arrêté du 14 août 2015, le préfet des Hautes-Pyrénées, en application tant de l'article L. 214-3 du code de l'environnement que de l'article L. 1321-7 du code de la santé publique, a autorisé le prélèvement et l'utilisation d'eau pour la consommation humaine et a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux de la source Costes ainsi que l'instauration de périmètres de protection autour du captage et des servitudes réglementaires au profit de la commune de Camous. La commune de Camous a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des articles 4 et 6 de cet arrêté.

2. Par un jugement du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau, après avoir ordonné une expertise judiciaire, a annulé l'article 6 de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 14 août 2015, a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat et rejeté le surplus de la demande. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement. Il doit être regardé comme demandant uniquement l'annulation des articles 1er à 3 du jugement qui seuls lui font grief. La commune de Camous conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que soutient le ministre de la transition écologique et solidaire, il ressort du jugement attaqué que pour répondre au moyen invoqué par la commune de Camous tiré de l'illégalité de l'article 6 de l'arrêté en litige au regard du respect de la règlementation en matière de qualité de l'eau, le tribunal a pris en compte les arguments du préfet des Hautes-Pyrénées relatifs notamment à l'objectif de cet article 6 de protection de la santé publique et au libre choix laissé au pétitionnaire pour mettre en oeuvre cet objectif dans le respect des articles R. 1321-55 et R. 1321-49 du code de santé publique. Par ailleurs, la contestation par le ministre, en appel, de l'appréciation portée par le tribunal sur la légalité de cette disposition relève du bien-fondé du jugement.

Sur les conclusions de l'appel principal :

4. Il résulte de l'instruction que la commune de Camous (65) comptait 25 habitants en 2008 pour une surface de 3,29 km2 et qu'elle était dotée, avant l'arrêté en litige, d'un système de distribution d'eau alimenté par une source unique, le Prat d'Ardoun. En raison du déficit chronique de ressource en eau destiné à la consommation humaine constaté, la commune de Camous a sollicité l'autorisation de prélever et d'utiliser l'eau captée depuis une seconde source, la source Costes. L'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 14 août 2015 autorise l'utilisation par la commune des eaux de la source Costes pour la consommation d'eau potable en instaurant les périmètres de protection et les servitudes règlementaires associées. Il prévoit ainsi la construction d'un captage selon les règles de l'art, équipé de deux compartiments, une chambre productrice récupérant les arrivées d'eau et une chambre de captage équipée de canalisations d'exhaure, de vidange et de trop-plein permettant la décantation des eaux, le rejet des eaux de vidange et de trop-plein étant prévu pour se faire à l'aval du périmètre immédiat. Il est prévu par l'article 4 de l'arrêté, un débit minimum à l'aval du captage de 0,02 l/s pour le maintien des conditions favorables à la vie biologique dans les cours d'eau directement et indirectement alimentés par le captage, et par l'article 5, la mise en place d'un compteur volumétrique au droit de l'installation de prélèvement. En outre, selon l'article 6, le réservoir de stockage doit être équipé d'un système de fermeture des canalisations d'alimentation, le rejet du trop-plein étant positionné à l'aval du périmètre de protection immédiate. L'article 8 prévoit un système de traitement de l'eau par chloration en aval des trop-pleins afin d'éviter tout impact sur le milieu naturel. Enfin, des périmètres de protection sont prévus.

5. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 4 août 2015 : " Des aménagements en amont du réseau de distribution d'eau potable seront à réaliser afin de ne prélever que la quantité d'eau nécessaire à la demande de consommation. Le réservoir de stockage devra être équipé d'un système de fermeture des canalisations d'alimentation. Ce système entrera en fonction chaque fois que le réservoir sera plein. Le réservoir étant ainsi aménagé, un seul trop plein est nécessaire, situé au niveau de l'ouvrage de prélèvement. Le rejet de ce trop-plein sera positionné à l'aval du périmètre de protection immédiate. La canalisation devra être équipée d'un dispositif évitant la remontée des petits animaux ou d'eaux parasites ".

6. Cet article prescrit la mise en place " d'aménagements en amont du réseau de distribution " pour limiter le prélèvement d'eau à la quantité nécessaire à la consommation de même que la mise en place d'un système de fermeture des canalisations d'alimentation du réservoir de stockage ainsi que d'un dispositif d'évitement de remontée des petits animaux ou d'eaux parasites.

7. Pour annuler les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté en litige, le tribunal a estimé que " le système actuel prévoit, à l'entrée du réservoir de stockage, une désinfection de l'eau au chlore et, à sa sortie, et un rejet du trop-plein d'eaux chlorées en milieu naturel ; que, contrairement à ce que soutient le préfet des Hautes-Pyrénées, si la fermeture du réservoir au moyen de vannes altimétriques ferait cesser tout rejet d'eau chlorée en milieu naturel en cas de trop-plein dudit réservoir, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit, par principe, le rejet des eaux chlorées en milieu naturel ; qu'au demeurant, il résulte du rapport d'analyse du 24 novembre 2016 réalisé par un laboratoire à la demande de la commune de Camous, que le chlore est entièrement dissous à une distance de 50 m en aval du trop-plein du réservoir ; qu'il résulte notamment de l'expertise rappelée au point 6 que le rejet de composés organohalogénés absorbables sur charbon actif par jour dans les eaux de surface après raccordement à la source Costes, dont le volume est de 5,5 g/j, est conforme à la valeur maximale autorisée de 7,5 g/j fixée par l'arrêté du 9 août 2006 susvisé ; que les services de l'agence régionale de santé ont d'ailleurs estimé que l'eau destinée à la consommation humaine de la commune de Camous était conforme aux exigences en vigueur par attestation du 14 septembre 2015 ; que, d'autre part, nonobstant l'existence de gré rouge dans la zone de captage, il ne résulte pas de l'expertise que des dépôts se déposent au fond du réservoir, eu égard à la circulation permanente de l'eau, à sa durée de stockage dans ce réservoir limitée à deux jours et au nettoyage annuel du réservoir par les services de la commune ; que, dans ces conditions et alors même qu'un tel dispositif serait susceptible d'améliorer la qualité de l'eau, le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pu légalement prescrire à la commune de Camous la mise en place de ce système de fermeture du réservoir. "

8. Pour contester ce jugement, le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que le tribunal s'est mépris sur l'interprétation de cette disposition qui trouve son fondement légal dans le II de l'article L. 214-3 du code de l'environnement et le 6° du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement visant à préserver les intérêts liés à une gestion économe de la ressource en eau et non comme l'a retenu le tribunal, dans le 2° du I de l'article L. 211-1 du même code visant, pour sa part, à préserver les intérêts liés à la protection des eaux et à la lutte contre toute pollution. Il répond ensuite " à toutes fins utiles " à l'argumentation du tribunal relative à la qualité de l'eau en soutenant que la règlementation européenne, et notamment la directive 67/548/CEE, prescrit d'éviter les rejets de chlore dans l'environnement et que l'article D. 211-10 du code de l'environnement prévoit des valeurs de rejet de chlore en eau douces très faibles et qu'enfin l'arrêté du 27 juillet 2006 reprend ces objectifs sanitaires de rejet d'un minimum de substances nocives dans le milieu naturel.

9. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :.../ 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ;/... 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau (...) II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population (...) ". L'article L. 1321-1 du code de la santé publique dispose que : " Toute personne qui offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, y compris la glace alimentaire, est tenue de s'assurer que cette eau est propre à la consommation (...) ". Selon l'article L. 1321-4 du même code : " I. - Toute personne publique ou privée responsable d'une production ou d'une distribution d'eau au public, en vue de l'alimentation humaine sous quelque forme que ce soit, qu'il s'agisse de réseaux publics ou de réseaux intérieurs, ainsi que toute personne privée responsable d'une distribution privée autorisée en application de l'article L. 1321-7 est tenue de : 1° Surveiller la qualité de l'eau qui fait l'objet de cette production ou de cette distribution (...) 4° N'employer que des produits et procédés de traitement de l'eau, de nettoyage et de désinfection des installations qui ne sont pas susceptibles d'altérer la qualité de l'eau distribuée ; 5° Respecter les règles de conception et d'hygiène applicables aux installations de production et de distribution (...) ".

10. D'une part, il résulte de l'instruction et en particulier du mémoire en défense produit par le préfet des Hautes-Pyrénées devant le tribunal que, contrairement à ce que soutient le ministre en appel, l'un des objectifs de l'article 6 de l'arrêté du 14 août 2015 est notamment d'éviter que le réservoir de stockage ne se trouve en situation de trop-plein et que l'eau stockée qui est chlorée ne se répande dans le milieu naturel. Or, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le rejet d'eau chlorée n'est interdit par aucun texte, et notamment pas par la directive 67/548/CEE du Conseil du 27 juin 1967. Il ne résulte au surplus d'aucun élément de l'instruction que les rejets du réservoir de l'installation seraient susceptibles de comporter une teneur en chlore de nature à nuire au milieu naturel et notamment à la qualité biologique du cours d'eau. Sont en revanche règlementés les rejets de composés organohalogénés dans le milieu naturel, l'arrêté ministériel du 9 août 2006 fixant la valeur maximale à 7,5 g/j. Mais en l'espèce, il résulte de l'instruction que le rejet de tels composés au niveau du réservoir de stockage est de 2,7 g par jour en moyenne et qu'il atteindra 5,5 g par jour après raccordement à la source Costes, soit un niveau inférieur au seuil maximal. Par ailleurs, le ministre ne peut utilement se prévaloir de l'article D. 211-10 du code de l'environnement qui ne s'applique qu'aux cours d'eaux classés salmonicoles et cyprinicoles désignés en application de la directive vie piscicole CEE n° 78/659 du 18 juillet 1978 qui concerne la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Enfin, l'arrêté du 27 juillet 2006 susvisé, qui au surplus ne fixe aucun seuil maximal de rejet d'eaux chlorées, ne peut être davantage utilement invoqué dès lors qu'il n'est applicable qu'aux rejets soumis à déclaration, ce qui n'est pas non plus le cas du rejet lié à la dérivation litigieuse.

11. En outre, il ressort de l'expertise judiciaire que dans la configuration actuelle, l'eau du réservoir de stockage circule en permanence avec un temps de transit de 2 jours maximum et ne provoque pas de dépôt au sein du réservoir des boues rouges observées au captage actuel, des purges régulières étant réalisées par la commune pour éliminer les dépôts dans les conduites. L'expert ajoute que la modification du système d'alimentation n'accentuera pas les dépôts ainsi constatés. D'ailleurs, les services de l'agence régionale de santé (ARS) ont estimé que l'eau destinée à la consommation humaine de la commune de Camous était conforme aux exigences en vigueur par attestation du 14 septembre 2015 renouvelée par attestation du 27 novembre 2017. Le ministre n'apporte aucun élément permettant de douter du bien-fondé de ces appréciations.

12. D'autre part, le ministre soutient que l'article 6 de l'arrêté du 14 août 2014 vise principalement à assurer l'objectif de gestion économe en eau prévu par le 2° du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et non la qualité de l'eau. Selon l'expert judiciaire, la mise en place d'un nouveau dispositif permettant notamment la gestion de marnage du réservoir engendrerait une amélioration par rapport à la situation actuelle par le maintien d'un écoulement par trop-plein plus important à l'amont de ce dispositif. Toutefois il ne résulte pas de l'expertise judiciaire ni d'aucune autre pièce que le dispositif de fermeture automatique du réservoir de stockage serait un élément essentiel et nécessaire pour atteindre l'objectif d'économie de la ressource en eau, en l'absence de toute donnée technique produite sur ce point et alors surtout que des dispositions visant à une gestion économe de la ressource en eau sont par ailleurs prévues par l'arrêté en litige telles que l'instauration d'un débit réservé et la mise en place de deux chambres au niveau du captage dont une est destinée au rejet du trop-plein en aval du captage visant à assurer le maintien de l'alimentation par la source Costes des cours d'eau environnants dont celui de l'Arrieu. Enfin cet objectif de gestion économe de la ressource en eau est également assuré par la mise en place d'un compteur d'eau qui permet notamment de détecter toute fuite et de gérer la consommation en eau.

13. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'éléments de l'instruction permettant de corroborer le caractère nécessaire du dispositif exigé à l'article 6 de l'arrêté contesté au regard de la protection des intérêts visés à l'article L. 211-1 précité du code de l'environnement, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'article 6 de l'arrêté du 14 août 2015.

Sur les conclusions incidentes de la commune de Camous tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté en litige :

14. Selon l'article 4 de l'arrêté en litige : " Le débit minimum [fixé à 0,02 litres par seconde], devra être laissé à 1'aval du captage et destiné au maintien des conditions favorables à la vie biologique dans les cours d'eau directement ou indirectement alimentés par le captage. ".

15. La commune de Camous réitère en appel sa contestation dirigée contre l'article 4 de l'arrêté du 14 août 2015 qui prévoit l'instauration d'un débit minimum de 0,02 litre par seconde au captage. Elle soutient que l'écoulement lié à la source Costes n'est pas un cours d'eau, que l'écoulement a un fonctionnement atypique et qu'il peut bénéficier d'une dérogation, que le débit réservé est trop important, qu'aucun module n'a été calculé, que les données prises en compte par l'expert sont trop anciennes et qu'il n'est pas démontré que l'augmentation de la pluviométrie a un impact sur le débit à la source.

16. Aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement : " I.- Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Pour les cours d'eau ou parties de cours d'eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde, ou pour les ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à la production d'électricité en période de pointe de consommation et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie, ce débit minimal ne doit pas être inférieur au vingtième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage évalué dans les mêmes conditions ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Toutefois, pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure (...) ". Aux termes de l'article R. 214-111 du même code : " Doit être regardé comme présentant un fonctionnement atypique au sens du I de l'article L. 214-18 le cours d'eau ou la section de cours d'eau entrant dans l'un des cas suivants: 1o Son lit mineur présente des caractéristiques géologiques qui sont à l'origine de la disparition d'une part importante des écoulements naturels à certaines périodes de l'année ; 2o Son aval immédiat, issu d'un barrage de classe A ou à usage hydroélectrique d'une puissance supérieure à vingt mégawatts, est noyé par le remous du plan d'eau d'un autre barrage de même nature; 3o Les espèces énumérées à l'article R. 214-108 en sont absentes. Dans le cas prévu au 3o, la fixation d'un débit minimal inférieur est toutefois subordonnée à la condition que ce débit n'ait pas pour conséquence de détériorer l'état du cours d'eau non atypique situé immédiatement à l'aval ". Au sens de ces dispositions, constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. Si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l'appui de la qualification de cours d'eau, l'absence d'une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification.

17. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise judiciaire, que l'exutoire de la source Costes répond aux trois critères tirés de la présence constante d'un lit naturel, d'un débit suffisant la majeure partie de l'année et d'une alimentation par la source Costes qui rejoint le ruisseau de l'Arrieu, permettant de le qualifier de cours d'eau, ainsi que l'a d'ailleurs retenu l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) dans un avis du 14 mars 2014 et ce quand bien même il n'est pas référencé comme tel dans l'inventaire du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays des Nestes et n'est pas retenu comme tel par l'expertise réalisée le 20 août 2018 par la commune au demeurant sans contradictoire. L'expert désigné par le tribunal estime en outre, selon la méthode développée par l'annexe 3 de la circulaire ministérielle du 5 juillet 2011 pour les bassins de petite taille, à 18,6 mètres cube par jour le module de la source Costes, à partir de mesures du débit de l'écoulement effectuées par le cabinet d'hydrogéologie Berre entre 2004 et 2006 relevant une moyenne de 0,631 m3 par heure, en l'absence de mesure qui tient compte de l'évolution de la pluviométrie et de l'altitude du bassin. A cet égard, cette méthode de calcul, quand bien même elle est fondée sur des valeurs anciennes, n'apparait pas dénuée de pertinence, dès lors qu'elle a été accompagnée d'une actualisation en fonction de l'évolution de la pluviométrie. Il ne résulte pas de l'instruction que les données dont la commune fait état, reposant sur des relevés de débits effectués uniquement durant l'été 2016 et sans contradictoire, permettraient une détermination du débit plus précise que celle résultant de l'expertise et que celle sur laquelle s'est fondée l'administration pour fixer le débit réservé. Dès lors, il y a lieu de retenir le module ainsi déterminé, qui corrobore celui pris en compte par l'administration.

18. En outre si la commune soutient que l'exutoire de la source Costes n'est pas visible sur une longueur de 25 mètres, correspondant à 20% de la longueur totale du cours d'eau, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions géologiques du secteur seraient à l'origine d'une disparition importante des écoulements naturels. Par ailleurs, la source Costes ne se situe pas en aval d'un barrage de classe A ou à usage hydroélectrique. Enfin ainsi que le relève l'expert judiciaire, l'ONEMA a constaté à deux reprises, dans un rapport du 14 mars 2014 et suite à une visite sur le terrain de ce dernier réalisée en février 2016 la présence d'icthyofaune notamment de larves d'invertébrés et de grenouilles qui sont au nombre des espèces visées à l'article R. 214-108 du code de l'environnement dont la présence traduit un rôle de réservoir biologique du cours d'eau concerné, dans le lit mineur du cours d'eau y compris au-dessus de la zone de disparition de l'écoulement constaté dans les zones d'éboulis. Dans ces conditions quand bien même l'expert diligenté par la commune, qui n'a pas procédé de manière contradictoire, n'a pas constaté, lors de son déplacement, la présence de grenouilles en aval de la source Costes en août 2018, le cours d'eau ne peut être qualifié d'atypique au sens des dispositions de l'article R. 214-111 du code de l'environnement.

19. Il résulte de ce qui précède qu'en fixant à l'article 4 de l'arrêté en litige le débit minimum à 18,6 mètres cube par jour soit 0,02 litre par seconde, le préfet des Hautes-Pyrénées a fait une exacte application de l'article L. 214-18 précité du code de l'environnement.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de l'appel incident de la commune de Camous, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'article 4 de l'arrêté en litige.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la commune de Camous au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire et les conclusions incidentes de la commune de Camous sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Camous présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et à la commune de Camous. Une copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX00799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00799
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-03 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAUVEZIN SOULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;18bx00799 ?
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