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17/12/2020 | FRANCE | N°18BX03375

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2020, 18BX03375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 refusant de lui attribuer l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de ses affectations successives à Saint-Denis et au Port.

Par un jugement n° 1700676 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'article 2 de l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 par lequel un refus d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté a é

té opposé à Mme A... au titre de son affectation au Port, a enjoint à l'administration ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 refusant de lui attribuer l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de ses affectations successives à Saint-Denis et au Port.

Par un jugement n° 1700676 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'article 2 de l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 par lequel un refus d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté a été opposé à Mme A... au titre de son affectation au Port, a enjoint à l'administration de procéder à la régularisation de la situation de Mme A... et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 5 juillet 2018 en tant qu'il a annulé l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2017 et qu'il a enjoint à l'administration de régulariser la situation de Mme A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2017 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le refus d'octroyer à Mme A... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ne pouvait être fondé sur la seule circonstance que la circonscription de sécurité publique du Port n'apparaissait pas dans la " liste des circonscriptions de police éligibles à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er janvier 1995 au 16 décembre 2015 " annexée à la directive ministérielle du 9 mars 2016 ; la méthode employée pour prendre la directive du 9 mars 2016 était fondée sur des paramètres permettant de déterminer un niveau moyen de délinquance correspondant à l'indice zéro et de classer les circonscriptions de sécurité publique ayant un indice supérieur à zéro dans la liste des circonscriptions éligibles à l'avantage spécifique d'ancienneté ; pour son affectation à la circonscription de sécurité publique du Port du 10 janvier 2005 au 16 décembre 2015, Mme A... ne pouvait prétendre à l'avantage spécifique d'ancienneté, cette circonscription ne figurant pas dans la liste des circonscriptions éligibles.

Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la régularisation de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et financier, à défaut à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 12 000 euros dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen développé par le ministre n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 60 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, notamment son article 11 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du ministre des finances et des comptes publics, du ministre de l'intérieur, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., fonctionnaire de police, a été affectée à la direction départementale de la sécurité publique de Saint-Denis, à La Réunion, du 1er septembre 2002 au 9 janvier 2005 et à la circonscription de sécurité publique du Port à compter du 10 janvier 2005. Par une demande du 22 janvier 2015, elle a demandé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de ces deux affectations. Par un jugement n° 1500846 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur cette demande et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les droits à l'avantage spécifique d'ancienneté dont se prévalait Mme A... au titre de ses affectations dans les circonscriptions du Port et de Saint-Denis. Par un arrêté du 10 juillet 2017, le préfet de La Réunion lui a refusé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté. Le ministre doit être regardé comme relevant appel du jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il a annulé l'article 2 de l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 refusant à Mme A... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la circonscription de sécurité publique du Port et qu'il a enjoint à l'administration de procéder à la régularisation de sa situation.

Sur la légalité de l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2017 :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : / 1° En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) ".

3. Si l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, énumère cent soixante et une circonscriptions de police parmi lesquelles figure la circonscription de sécurité publique du Port à La Réunion, aucun texte ne fixe la liste des circonscriptions éligibles à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015. Toutefois, afin de déterminer si la circonscription de sécurité publique du Port pouvait être regardée comme une circonscription où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, le préfet de La Réunion a fondé son appréciation sur les critères et la méthodologie qui ont été mis en oeuvre pour élaborer l'arrêté du 3 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier que la méthode retenue par le préfet de La Réunion s'appuie sur le calcul d'un indice moyen de délinquance à partir des statistiques des faits recensés en matière de délinquance de voie publique, violences crapuleuses, outrages ou violences à dépositaires de l'autorité et violences urbaines, corrigé pour tenir compte, le cas échéant, du classement du territoire comme quartier prioritaire au sens des décrets du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou comme zone de sécurité prioritaire au sens de la circulaire du 30 juillet 2012 du ministre de l'intérieur relative à la mise en oeuvre des zones de sécurité prioritaires. L'indice ainsi calculé de la circonscription de sécurité publique du Port étant inférieur à la moyenne nationale pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, le préfet de La Réunion a considéré qu'elle n'était pas éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté et a refusé le bénéfice de cet avantage à Mme A... pour la période du 10 janvier 2005 au 16 décembre 2015. Pour contester cette méthode, Mme A... se borne à soutenir que les chiffres utilisés pour réaliser les bases statistiques auraient dû être consolidés sur la période allant de 2005 à 2015 et non uniquement sur trois années consécutives 2012, 2013, 2014. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la prise en compte des variations conjoncturelles sur ces dix années auraient modifié l'appréciation de l'administration quant au caractère éligible de la circonscription de sécurité publique du Port à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période antérieure au 3 décembre 2015. Par ailleurs, Mme A... fait valoir que la circonscription de sécurité publique du Port a toujours été reconnue comme zone urbaine sensible depuis 1996. Cependant, les zones urbaines sensibles créées par l'article 42 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou les quartiers prioritaires qui les ont remplacées à compter du 1er janvier 2015, en application de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, ont été définis, pour les premières, à partir de critères privilégiant les problèmes d'habitat et de déséquilibre entre habitat et emploi et, pour les seconds, en se fondant sur un écart de développement économique et social, sans que les questions de sécurité ne soient déterminantes. En outre, la présence dans la circonscription d'un quartier prioritaire ou celle d'une zone de sécurité prioritaire a été prise en compte dans le calcul de l'indice moyen de délinquance. Par suite, le ministre, qui ne se limite pas, contrairement à ce soutient l'intimée, à invoquer la directive du 9 mars 2016 mais apporte suffisamment d'éléments en appel permettant de ne pas retenir la circonscription de sécurité publique du Port comme éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté au cours des années 2005 à 2015, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires fixant le régime de l'avantage spécifique d'ancienneté pour annuler l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2017.

4. Aucun autre moyen n'a été invoqué devant le tribunal administratif de La Réunion par Mme A... à l'appui de sa demande, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'article 2 de l'arrêté du préfet de La Réunion du 10 juillet 2017 refusant à Mme A... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de l'affectation à la circonscription de sécurité publique du Port pour la période du 10 janvier 2005 au 16 décembre 2015 et lui a enjoint de procéder à la régularisation de la situation de Mme A....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de La Réunion et qui rejette la demande de Mme A..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'administration de régulariser sa situation doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 3 que l'Etat n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Mme A....

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1700676 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de La Réunion sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de La Réunion tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2017 et ses conclusions à fin d'injonction sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le rapporteur,

D...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne à la ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03375
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Police - Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : NAVARRO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;18bx03375 ?
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