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22/12/2020 | FRANCE | N°20BX02299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 décembre 2020, 20BX02299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000511 du 17 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, M. C... A..., représenté par Me

B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000511 du 17 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 21 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. C... A... soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la nécessité d'un recours à un interprète n'est pas démontrée ;

- le préfet a méconnu l'obligation d'information de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas mentionné s'il sait lire la langue qu'il a déclarée comprendre et qu'il n'est pas établi qu'à l'occasion de l'entretien individuel, au cours duquel il n'était pas assisté d'un avocat et qui n'a duré que douze minutes, toutes les informations lui aient été communiquées correctement de manière orale ;

- l'arrêté de transfert méconnaît les dispositions des articles 3.2 et 17.1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que le préfet ne s'est pas enquis des conditions d'accueil du pays de transfert pour éviter le risque de l'exposer à un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le préfet, qui s'est abstenu d'apprécier la possibilité de faire usage de la clause dérogatoire, n'a en outre pas pris en compte les observations sur sa situation personnelle qu'il avait formulées.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C... A... ne sont pas fondés.

M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant somalien né en 1994, est entré sur le territoire français le 29 septembre 2019, selon ses déclarations, et a déposé une demande d'asile le 11 octobre 2019 auprès du préfet de police. Après avoir constaté, à la suite de la consultation du fichier Eurodac, que les empreintes digitales de M. C... A... avaient été relevées par les autorités suédoises en dernier lieu le 28 juin 2017 lors d'une précédente demande d'asile dans ce pays, le préfet de police a adressé à la Suède, le 15 octobre 2019, une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. C... A.... Une décision explicite d'acceptation des autorités suédoises est intervenue le 17 octobre 2019. Par un arrêté du 21 janvier 2020, alors que M. C... A... a élu domicile sur la commune d'Agen, le préfet de la Gironde a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile. M. C... A... relève appel du jugement du 17 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Le préfet de la Gironde a informé les autorités suédoises le 13 mars 2020 que le délai d'exécution du transfert a été prolongé jusqu'au 18 août 2021, M. C... A... ayant été déclaré en fuite.

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

3. Par ailleurs, selon l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de transfert (...). Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ". Enfin, selon l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... A... a bénéficié lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus, des services téléphoniques d'un interprète en langue somali de l'organisme d'interprétariat AFTCOM agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ont été indiqués par écrit à M. C... A... qui ne produit aucun élément permettant de considérer que l'interprète n'aurait pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent et qui a signé le résumé de son entretien individuel en déclarant notamment " avoir compris la procédure engagée à son encontre ". Si M. C... A... soutient que les services de l'interprète en langue somali, langue qu'il a déclaré comprendre, ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité, conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités techniques du déroulement de l'entretien l'auraient privé d'une garantie. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. C... A... a reçu, le 20 mai 2019, les informations prévues par les dispositions citées ci-dessus dès lors qu'il s'est vu délivrer le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée : " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " rédigés en somali, langue qu'il a déclaré comprendre dès l'instruction de sa demande d'asile et lors de son entretien individuel et alors qu'il a contresigné ces documents. Il n'a en outre émis aucune observation sur ce point au cours de son entretien individuel, dont il a signé le résumé en déclarant avoir compris la procédure et avoir reçu l'ensemble des informations énoncées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'allègue pas qu'il ne sait pas lire le somali, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article ni celles de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne mentionnant pas de manière expresse que le requérant savait lire la langue somali.

6. Enfin, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable.(...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. M. C... A... fait valoir que le préfet s'est abstenu à tort d'examiner les possibilités de recourir à la dérogation instituée par l'article 17 du règlement cité ci-dessus. Toutefois, comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, la mention énoncée dans la décision en litige, selon laquelle " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C... A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 17-1 ou 17-2 du règlement (...) ", montre que le préfet n'a pas écarté cette faculté. Par ailleurs M. C... A... ne produit aucun élément permettant de considérer que les conditions d'accueil en Suède seraient de nature à l'exposer à un traitement inhumain ou dégradant ou qu'il se trouverait dans une situation particulière entrant dans le champ d'application de la dérogation prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, M. C... A... n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions ou des supposées erreurs dans leur application.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du

21 janvier 2020 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E... D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 décembre 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02299
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-22;20bx02299 ?
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