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22/12/2020 | FRANCE | N°20BX02787

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 décembre 2020, 20BX02787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2000145 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés les 19 août et 6 novembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2000145 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 août et 6 novembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation et l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2020, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant arménien, né le 7 août 1986, qui est entré irrégulièrement en France le 21 septembre 2017, selon ses déclarations, a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 mars 2018, cette décision ayant été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 avril 2019. Le 1er juillet 2019, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le préfet de la Dordogne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. M. B... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Dordogne a relevé que, par un avis rendu le 9 octobre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si M. B..., qui souffre d'un cancer thyroïdien et d'un état anxieux et dépressif sévère à la suite d'un stress post traumatique, fait valoir qu'il ne pourra pas bénéficier de soins et du traitement médicamenteux qui lui est prescrit en France, il se borne à produire des rapports de l'Organisation mondiale de la santé du mois de juin 2018 et de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 18 septembre 2019 qui font état en des termes généraux des réformes adoptées par l'Arménie et de la nécessité pour les autorités arméniennes d'intensifier leurs efforts pour remédier aux difficultés et inégalités dans le système de santé du pays. Toutefois, ces documents ne permettent pas de tenir pour établies une indisponibilité des médicaments antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, somnifères en Arménie, ni une absence, dans ce pays, de structures de santé permettant la poursuite des soins psychiques et physiques. Par ailleurs, ni les certificats médicaux des 20 mars et 9 juillet 2019 d'un professeur en endocrinologie du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, qui indiquent, sans en préciser le motif, que l'état de santé de M. B... " nécessite sa présence en France près d'un CHU pour les soins et le suivi pendant cinq ans ", ni les certificats médicaux d'un médecin psychiatre, des 29 juillet 2019 et 12 août 2020, qui n'excluent pas que les traitements et médicaments soient disponibles en Arménie, ne permettent de remettre en cause la pertinence de l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 octobre 2019. Ainsi, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé sur ce fondement. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... déclare être entré en France le 21 septembre 2017 afin de solliciter l'asile, demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 avril 2019, et a demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade le 1er juillet 2019. Ainsi, il n'a été admis à séjourner sur le territoire français que le temps de l'instruction de ses demandes d'asile et de titre de séjour mais n'a pas vocation à résider en France. L'appelant, qui est marié à une ressortissante arménienne faisant également l'objet d'une mesure d'éloignement et qui est père d'une fille née le 5 janvier 2018, ne fait état d'aucun obstacle à une reconstitution de la cellule familiale en Arménie. Ni les attestations de bénévoles et d'associations, ni les contrats d'activité conclus avec l'association périgourdine d'action et de recherche sur l'exclusion (APARE) ne sont de nature à caractériser une intégration particulièrement intense en France. Si M. B... fait valoir que son épouse était enceinte de six mois à la date de l'arrêté attaqué, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette grossesse revêtait un caractère pathologique ou que l'état de santé de son épouse présentait des risques particuliers faisant obstacle à ce qu'elle quitte le territoire français. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment au caractère récent de son entrée en France, l'arrêté du préfet de la Dordogne n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus de titre de séjour et aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.

7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Ainsi qu'il a été indiqué au point 4, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, M. B... peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. En outre, les décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer sa fille de l'un de ses parents dès lors que, comme il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie, pays dont l'appelant et son épouse ont tous deux la nationalité. Par suite, les décisions attaquées ne portant pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02787 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02787
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-22;20bx02787 ?
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