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29/12/2020 | FRANCE | N°17BX02824

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 décembre 2020, 17BX02824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et d'autres demandeurs ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 août 2016 par lequel la préfète de la Vienne a autorisé la société Les Nauds, société civile d'exploitation agricole (SCEA), à exploiter un élevage de 1 200 bovins sur le territoire de la commune de Coussay-les-Bois.

Par un jugement n° 1602671 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arr

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2017, et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et d'autres demandeurs ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 août 2016 par lequel la préfète de la Vienne a autorisé la société Les Nauds, société civile d'exploitation agricole (SCEA), à exploiter un élevage de 1 200 bovins sur le territoire de la commune de Coussay-les-Bois.

Par un jugement n° 1602671 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2017, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 23 novembre 2018, 21 décembre 2018 et 1er mars 2019, la société Les Nauds, représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et d'autres requérants devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) à titre subsidiaire, de faire application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, de M. et Mme K..., de M. G..., de M. H... et de la commune de Coussay-les-Bois une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires, enregistrés le 16 octobre 2018 et le 22 janvier 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 29 janvier 2019, l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, M. et Mme K..., M. G..., M. H... et la commune de Coussay-les-Bois, représentés par Me L..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Les Nauds une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation s'en remet à la sagesse de la cour.

Par un arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019, la cour a jugé que le moyen tiré de l'insuffisante présentation des capacités techniques et financières de la pétitionnaire, en méconnaissance de l'article R.512-3 du code de l'environnement alors en vigueur, était de nature à entraîner la confirmation de l'annulation de l'arrêté du 2 août 2016 prononcée par le tribunal. Par ce même arrêt, la cour a estimé que cette irrégularité pouvait être régularisée par l'organisation d'une information complémentaire du public et a, sur le fondement de l'article L.181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer afin de permettre à la SCEA Les Nauds de notifier à la cour une mesure de régularisation de cette illégalité selon les modalités définies aux points 39 à 44 de l'arrêt du 19 décembre 2019.

Par des mémoires, enregistrés les 9 octobre 2020, 12 novembre 2020 et 27 novembre 2020, la SCEA Les Nauds, représentée par Me J..., conclut à l'annulation de la décision de la préfète de la Vienne du 10 juillet 2020 refusant la délivrance d'un arrêté de régularisation et à ce qu'il soit fait droit à sa demande de régularisation.

Elle soutient que :

- elle a transmis à la préfète de la Vienne tous les éléments de nature à justifier de ses capacités techniques et financières en vue de la réalisation de son projet, lesquels ont été portés à la connaissance du public ;

- la préfète ne pouvait refuser la régularisation au motif que les éléments produits quant aux capacités techniques et financières n'apportent pas de garantie sur la viabilité et la maîtrise des risques ; elle a produit les curriculum vitae des personnes chargées du dossier technique et de la maîtrise des risques de l'installation ; elle a aussi produit une étude prévisionnelle permettant de démontrer sa solvabilité et la viabilité financière du projet incluant notamment l'ensemble des charges de personnel, les travaux devant être réalisés, le coût des emprunts sollicités ; ces éléments établis par des professionnels ne sont pas sérieusement contestés par la préfète qui se retranche derrière les observations formulées par le public ;

- la préfète ne pouvait exiger une réactualisation des données dès lors que toutes les études de faisabilité et projections ont été effectuées à la date d'implantation prévue initialement au 1er janvier 2018 et que le projet n'a pas évolué ;

- le défaut de production des bilans comptables de la SCEA Les Nauds n'est pas à lui seul de nature à remettre en cause les données chiffrées et analyses prévisionnelles de l'étude de faisabilité ; il ressort du dernier bilan de la SCEA Les Nauds que le chiffre d'affaires est de 323 131 ,92 euros ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle ne pouvait pas régulariser l'autorisation litigieuse ;

- outre la SCEA Les Nauds qui justifie de 17 ans d'existence, M. A... détient également la SAS A... Chatellerault ainsi que la SA LPC, chacune des deux entités détenant respectivement, à titre de trésorerie disponible 6 324 800 euros et 1 131 900 euros.

Par des mémoires enregistrés, les 13 novembre 2020 et 23 novembre 2020, l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, M. et Mme K..., M. G..., M. H... et la commune de Coussay-les-Bois, représentés par Me L..., concluent, au rejet de la requête, au rejet des conclusions de la SCEA Les Nauds présentées dans son mémoire du 9 octobre 2020 et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Les Nauds sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les conclusions de la SCEA Les Nauds tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Vienne en date 10 juillet 2020 qui relèvent d'un litige distinct sont irrecevables ;

- la consultation du public qui a été organisée du 11 juin 2020 au 1er juillet 2020 a donné lieu à 315 contributions ; la préfète a pris sa décision à la lumière des observations du public conformément au point 44 de l'arrêt avant dire droit ;

- il a été notamment relevé parmi les observations que pour justifier de la compétence du personnel, la SCEA Nauds avait joint à son dossier les curriculum vitae de salariés ayant quitté l'entreprise et non ceux des trois ouvriers présents actuellement sur l'exploitation ;

- les prévisions d'exploitation ne tiennent pas compte de l'évolution du Groupe A... ; si le compte de résultat prévisionnel de la SA LPC fait apparaître un chiffre d'affaires de l'ordre de 1 300 000 à 1 400 000 euros, les bilans publiés montrent un chiffre d'affaires nul pour les exercices de 2017, 2018 et 2019 ; les comptes prévisionnels présentés dans le dossier complémentaire datés du 14 août 2017, qui ne tiennent pas compte de la vente de 2016 sont en total décalage avec les bilans ; l'étude financière qui ne prend pas en compte l'activité de compostage est incomplète ; les investissements confirment le manque d'équipement ; le budget méthanisation n'est pas recevable ; les prévisions d'élevage des taurillons ne respectent pas l'autorisation d'exploiter ; l'étude prévisionnelle ne justifie pas de la taille de l'élevage, l'origine de la subvention d'investissement et de fonctionnement n'est pas indiquée ; la SCEA Les Nauds ne justifie d'aucune expérience antérieure dans la construction et l'exploitation d'une unité de méthanisation alors qu'elle est le seul constructeur annoncé et qu'elle ne justifie pas avoir contracté pour une formation du personnel ; les attestations des banques concernent le groupe LPC et non la SCEA les Nauds ; la société holding SA LPC a été rachetée en 2016 par la SA A... Châtellerault pour un montant de 100 000 euros, inférieure à sa valeur ;

- la construction des installations et leur exploitation risquent de provoquer une pollution ponctuelle des eaux souterraines qui s'ajoutera à celle existante du centre d'enfouissement de Suez (ex-SITA) ; la cour n'ayant pas statué sur ces effets cumulés ils sont fondés à s'en prévaloir.

Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le refus du 10 juillet 2020 de la préfète de la Vienne, à titre subsidiaire à leur rejet au fond.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 10 juillet 2020 de la préfète de la Vienne relèvent d'un litige distinct alors en outre que l'Etat a la qualité de simple observateur dans la présente instance ;

- les compléments apportés par la société requérante sur ses capacités techniques et financières se sont avérés insuffisants ;

- s'agissant des capacités techniques, les éléments fournis sont restés très généraux et ne contiennent aucun élément nouveau probant sur la capacité de la société requérante à exploiter un élevage de la taille exceptionnelle de 1 200 bovins ou une unité de méthanisation ; il n'est pas établi qu'un effectif de 6 ouvriers serait suffisant pour gérer un élevage de 1 200 taurillons alors que la société requérante emploie 3 ouvriers pour élever 100 vaches et 300 brebis ; à titre de comparaison la SCEA Côte de justice qui exploite la ferme dite " des milles vaches " comprenant 880 têtes de bétail, emploie 30 salariés ; aucun élément nouveau n'est fourni sur la suffisance de la formation des salariés pour faire fonctionner un méthaniseur dans le respect des intérêts protégés par l'article L.511-1 du code de l'environnement ;

- s'agissant des capacités financières, le bilan comptable 2019 de la société requérante, au demeurant non soumis au public, révèle un chiffre d'affaires 300 000 euros, douze fois inférieur au montant de l'investissement nécessaire et un résultat net négatif ne permettant de justifier de la capacité à obtenir et supporter un prêt à hauteur de plus de 3 millions d'euros ; les attestations bancaires ne sont pas constitutives d'un engagement ferme de financement alors en outre qu'elles ne se fondent pas sur les résultats de la société requérante mais sur ceux des autres sociétés SA A... et la SA LPC dont le seul lien avec la société requérante est d'être détenues par la même personne physique ; il n'est pas établi que ces deux sociétés auraient pris un quelconque engagement à l'égard de la SCEA les Nauds ni que leur situation financière leur permettrait eu égard au montant de leurs dettes.

Par un mémoire en réplique et des pièces complémentaires, enregistrées le 11 décembre 2020, la SCEA Les Nauds, représentée par Me J..., conclut à l'annulation de la décision du 10 juillet 2020 de la préfète de la Vienne, à titre subsidiaire à ce que la cour prononce un nouveau sursis à statuer ou une annulation partielle avec injonction à l'administration de reprendre l'instruction de l'autorisation environnementale attaquée et à la mise à la charge solidaire de l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, M. et Mme K..., M. G..., M. C... ainsi que de la commune de Coussay-les-Bois une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il résulte de l'inventaire actualisé que la société gère 1 049 bêtes avec trois salariés sur l'exploitation ; la comparaison avec " la ferme des milles vaches " n'est pas pertinente dès lors que le temps de travail pour une vache à viande est bien inférieur à celui d'une vache laitière ;

- la société LCP s'est engagée vis-à-vis de la SCEA Les Nauds par une autorisation de prise de participation lors du conseil d'administration du 7 décembre 2020 ;

- les banques et l'expert-comptable qui ont été de nouveau interrogés sur le portage financier de l'opération ont confirmé que la SCEA Les Nauds disposait des fonds nécessaires au financement de son projet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... M...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., représentant la SCEA Les Nauds et de Me F..., représentant l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, M. et Mme K..., M. G..., M. H... et la commune de Coussay-les-Bois.

Une note en délibéré présentée pour l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, M. et Mme K..., M. G..., M. H... et la commune de Coussay-les-Bois, représentés par Me L... a été enregistrée le 17décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 août 2016, la préfète de la Vienne a autorisé la société Les Nauds, société civile d'exploitation agricole (SCEA), à exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement un élevage de 1 200 bovins sur le territoire de la commune de Coussay-les-Bois. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers, saisi notamment par la commune de Coussay-les-Bois et l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, a annulé cette autorisation. Par un arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019, la cour, saisie en appel par la SCEA Les Nauds d'une requête tendant à l'annulation de ce jugement, a considéré que le moyen de procédure tiré de l'insuffisante présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire, en méconnaissance de l'article R.512-3 du code de l'environnement alors en vigueur, était de nature à entraîner la confirmation du jugement du tribunal ayant annulé l'arrêté du 2 août 2016, dès lors que cette irrégularité a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population et qu'elle a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Après avoir écarté les autres moyens soulevés, la cour a décidé dans son arrêt du 19 décembre 2019 et sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer afin de permettre à la SCEA les Nauds, à l'issue d'une phase complémentaire d'information du public, de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation de l'illégalité relevée, selon les modalités définies aux points 39 à 44 de son arrêt avant dire droit.

2. Il résulte de l'instruction que la société Les Nauds a transmis à la préfète de la Vienne, en mars 2020, sept pièces complémentaires relatives à ses capacités techniques et financières, à savoir une étude prévisionnelle élaborée par un cabinet d'expertise comptable portant sur le financement du projet, un document synthétique présentant les capacités techniques et financières du pétitionnaire, les rapports de bilan sur les exercices 2017/2018 et 2018/2019 des sociétés LPC et A... Chatellerault qui appartiennent au même groupe que la SCEA Les Nauds, un document retraçant le parcours professionnel de M. A..., gérant de la société pétitionnaire et deux lettres d'intention de financement du projet émanant d'établissements bancaires. Ces pièces ont été mises en ligne sur le site internet de la préfecture de la Vienne et sur le site de la commune de Coussay-les-Bois du 11 juin au 1er juillet 2020 pour permettre au public d'en prendre connaissance. Le dossier complété a également été mis à la disposition du public, pendant la même période, au siège de la mairie de Coussay-les-Bois.

3. Par une décision du 10 juillet 2020, produite au dossier, le préfet de la Vienne a fait savoir à la société Les Nauds qu'il refusait la régularisation de l'autorisation initiale au motif que les éléments complémentaires produits ne palliaient pas les insuffisances du dossier de demande quant à la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire. Dans son mémoire en réplique, enregistré le 9 octobre 2020, la société Les Nauds demande à la cour d'annuler la décision du 10 juillet 2020 et de " constater ses capacités techniques et financières " complétées postérieurement à l'arrêt avant-dire droit.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juillet 2020 :

4. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

5. Il résulte des termes de l'arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019 que la cour, qui a retenu l'insuffisante présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire au regard de l'article R.512-3 du code de l'environnement en vigueur à la date de l'autorisation initiale, a accueilli un moyen de procédure touchant la composition du dossier de demande d'autorisation.

6. La décision contestée du 10 juillet 2020, dès lors qu'elle fait suite aux compléments apportés par la société Les Nauds à son dossier de demande et à la nouvelle consultation du public organisée du 11 juin au 1er juillet 2020, fait partie de la procédure de régularisation engagée par la cour dans son arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019. Par suite, la société Les Nauds est recevable à demander, dans le cadre de la présente instance, l'annulation de cette décision du 10 juillet 2020 valant refus de régularisation de l'autorisation initiale. La fin de non-recevoir, opposée en défense, tirée de ce qu'en demandant l'annulation de la décision du 10 juillet 2020 la société Les Nauds soulève un litige distinct, ne se rattachant pas à la régularisation de l'autorisation initiale sollicitée par la cour, doit ainsi être écartée.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

7. Lorsque, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le juge de l'autorisation environnementale, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, a sursis à statuer afin de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée devant lui, les parties à l'instance ayant donné lieu à la décision de sursis à statuer ne peuvent, à l'appui de la contestation de l'autorisation modificative prise en vue de la régularisation, invoquer que des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu'elle n'a pas pour effet de régulariser les vices que le juge a constatés dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

8. Aux termes de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, en vigueur à la date de l'autorisation du 2 août 2016 : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : (...) 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement est tenu de fournir, à l'appui de son dossier, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières.

En ce qui concerne les capacités financières :

9. La société SCEA Les Nauds a mis à la disposition du public une étude prévisionnelle précisant la structure du financement du projet de laquelle il ressort que le montant de l'investissement prévu, soit 3 825 000 euros, sera financé par le recours à des emprunts bancaires à savoir, s'agissant de l'unité d'élevage de taurillons, deux emprunts de 1 000 000 d'euros à solliciter auprès de la Société Générale et de la société CIC Sud-Ouest et, s'agissant de l'usine de méthanisation, le recours à un emprunt de 1 500 000 euros auprès de la Société Générale auquel s'ajoute une subvention d'investissement de 250 000 euros. Deux lettres d'intention émanant de ces établissements bancaires, datées des 27 et 28 février 2020, ont été versées par la société dans le dossier complémentaire. Elles émettent un avis favorable à l'étude d'un financement total ou partiel du projet eu égard " à la capacité financière satisfaisante de M. A... illustré par les différentes sociétés qu'il dirige ". L'étude prévisionnelle ne saurait être regardée comme incomplète du seul fait qu'elle ne comporte pas d'éléments financiers propres au compostage dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette activité serait distincte de l'activité de méthanisation qui fait l'objet de la demande d'autorisation en litige et nécessiterait un financement propre.

10. Pour assurer l'équilibre financier du projet, il est prévu un apport en fonds propres par la société LPC Holding à hauteur de 500 000 euros lors de l'augmentation de capital de la SCEA Les Nauds que rend nécessaire le projet et un apport complémentaire de 2 250 000 euros de cette même société en cours d'exploitation, en fonction des besoins de l'exploitant. Ces trois sociétés sont dirigées par M. E... A... et appartiennent au même groupe, ce dont l'étude prévisionnelle mentionnée au point précédent a tenu compte.

11. En se bornant à faire valoir que l'étude de faisabilité et la modélisation du projet à moyen terme ne comportent pas de données réactualisées, l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et la commune de Coussay-les-Bois n'apportent aucun élément permettant d'estimer de manière probante que les données financières produites ne seraient pas représentatives de la situation financière de l'exploitant alors que, en plus des lettres d'intention établies en février 2020 par deux organismes bancaires, le dossier mis à la disposition du public comportait les bilans des sociétés LPC et A... Chatellerault au titre des années 2018 et 2019 mentionnant, respectivement, un solde de trésorerie de 1 131 892 euros et 6 324 589 euros tandis que la société LPC justifie d'un résultat de 349 560 euros au titre de l'exercice clos le 31 juin 2019. Considérés ensemble, ces éléments ont permis au préfet, contrairement à ce que celui-ci a estimé dans sa décision du 10 juillet 2020, d'apprécier les capacités financières de la société Les Nauds et de ses partenaires alors même que l'origine de la subvention d'investissement d'un montant de 250 000 euros, soit 15 % du montant de l'investissement prévisionnel, ne serait pas connue. La circonstance que le dernier bilan comptable de la SCEA Les Nauds n'a pas été porté à la connaissance du public n'a pas, à elle seule, nui à l'information du public et de la préfète dès lors que les derniers bilans comptables des deux sociétés contributrices au financement du projet ont été, eux, mis en ligne lors de la nouvelle consultation.

12. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de mettre à la disposition du public, dans le cadre de la régularisation mise en oeuvre, l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, lequel s'était prononcé favorablement sur le projet dès le 7 juillet 2016 sur la base d'un dossier de demande qui ne comportait pas les compléments ultérieurement produits par le pétitionnaire.

En ce qui concerne les capacités techniques :

13. Le dossier complémentaire présente des développements relatifs aux capacités techniques de la SCEA Les Nauds, spécialisée dans l'élevage de bovins depuis 2002. Il y décrit les qualifications de son personnel actuellement en poste, les formations qui seront dispensées, notamment pour le fonctionnement de l'unité de méthanisation, par le constructeur Technique Biogaz selon les modalités décrites dans l'annexe 3 du dossier, les différents équipements qui seront acquis et les curriculum vitae des personnes dont l'embauche est prévue en raison de leur spécialité. La circonstance que la SCEA Les Nauds ne justifie pas d'une compétence acquise pour assurer le fonctionnement d'une usine de méthanisation ne suffit pas à révéler ses insuffisances techniques. Ainsi, et contrairement à ce qu'a estimé la préfète dans sa décision du 10 juillet 2020, les indications apportées par la SCEA Les Nauds sur ses capacités techniques doivent être regardées comme suffisantes pour que sa demande soit regardée comme complète et l'information du public satisfaite, conformément aux articles L. 512-1 et R. 512-3 du code de l'environnement alors en vigueur.

Sur la régularisation de la décision contestée :

14. Il résulte de tout ce qui précède que les éléments complémentaires apportés par la SCEA Les Nauds sur ses capacités techniques et financières et qui ont été portées à la connaissance du public dans le cadre de la nouvelle phase de la procédure d'instruction de la demande effectuée en application du 1° de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sont suffisamment précises et étayées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire dans le dossier de demande doit être écarté et le vice de procédure qui entachait l'autorisation délivrée le 2 août 2016 doit être considéré comme régularisé contrairement à ce qu'a estimé le préfet dans sa décision du 10 juillet 2020.

15. Et il résulte du point 7 que l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois ne saurait utilement contester la procédure de régularisation en invoquant un moyen de fond tiré des effets négatifs pour l'environnement de la pollution des eaux souterraines qu'engendrerait le projet, lequel n'est pas dirigé contre la mesure de régularisation qui porte, ainsi qu'il a déjà été dit, sur un aspect procédural lié à la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire.

16. Les autres moyens soulevés par l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et autres ayant été écartés par l'arrêt de la cour du 19 décembre 2019, la société SCEA est fondée à demander l'annulation de la décision du 10 juillet 2020 valant refus de régularisation de l'arrêté d'autorisation du 2 août 2016 et du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCEA Les Nauds, qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Coussay-les Bois et l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des intimés une somme en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n°1602671 du 21 juin 2017 ainsi que la décision de la préfète de la Vienne du 10 juillet 2020 de refus de régularisation sont annulés.

Article 2 : La demande de première instance de l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Les Nauds, à la préfète de la Vienne, au ministre de la transition écologique, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à l'association de sauvegarde et de protection de l'environnement de Coussay-les-Bois, à M. et Mme I... K..., à M. D... G..., à M. C... H... et à la commune de Coussay-les-Bois.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Mme B... M..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2020.

Le président,

Frédéric Faïck

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 17BX02824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02824
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 NATURE ET ENVIRONNEMENT. INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT. RÉGIME JURIDIQUE. ACTES AFFECTANT LE RÉGIME JURIDIQUE DES INSTALLATIONS. PREMIÈRE MISE EN SERVICE. - RÉGULARISATION D'UNE AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE À LA SUITE D'UN SURSIS À STATUER DÉCIDÉ PAR LE JUGE EN APPLICATION DE L'ARTICLE L. 181-18 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - DÉCISION DE L'AUTORITÉ COMPÉTENTE REFUSANT DE RÉGULARISER L'AUTORISATION - POSSIBILITÉ DE CONTESTER LA DÉCISION ADMINISTRATIVE REFUSANT DE RÉGULARISER UN VICE DE PROCÉDURE DANS LE CADRE DE L'INSTANCE AYANT CONDUIT AU SURSIS À STATUER - EXISTENCE.

44-02-02-005-02-01 Le pétitionnaire est recevable à contester, devant la juridiction qui a sursis à statuer pour permettre une régularisation en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, la décision par laquelle l'autorité compétente refuse de régulariser le vice de procédure dont est entachée l'autorisation environnementale initiale.... ...Il appartient au juge de pleine juridiction des autorisations environnementales, lorsqu'il estime que le pétitionnaire a produit à son dossier de demande des éléments qui régularisent le vice de procédure entachant l'autorisation initiale, de constater la régularisation et d'annuler la décision par laquelle l'autorité compétente a refusé de régulariser cette autorisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-29;17bx02824 ?
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