La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2020 | FRANCE | N°18BX04121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 décembre 2020, 18BX04121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, d'une part, à verser à M. G... E... une somme de 121 010 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs à sa prise à charge au sein de cet établissement en février 1999, d'autre part, à verser une somme de 16 000 euros à M. D... E... et Mme H... E..., ses parents, en réparation de leurs préju

dices propres.

La caisse nationale militaire de sécurité sociale a demandé au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, d'une part, à verser à M. G... E... une somme de 121 010 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs à sa prise à charge au sein de cet établissement en février 1999, d'autre part, à verser une somme de 16 000 euros à M. D... E... et Mme H... E..., ses parents, en réparation de leurs préjudices propres.

La caisse nationale militaire de sécurité sociale a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 44 814, 20 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n°1603342 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête et les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale et a mis à la charge du CHU de Toulouse les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 443, 64 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2018, M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E..., représentés par Me K..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le CHU de Toulouse à verser une somme de 121 010 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, à M. G... E..., et une somme de 8 000 euros chacun, avec intérêts et capitalisation des intérêts, à M. et Mme D... et Nathalie E... ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- une erreur fautive de diagnostic a été commise par le CHU de Toulouse en février 1999 ; M. G... E..., qui n'était âgé que de 6 ans et 4 mois, a été admis à deux reprises au sein du services des urgences de cet établissement en février 1999 ; compte tenu de son âge, il pouvait être atteint de la maladie de Kawasaki ; alors qu'il présentait tous les signes cliniques de cette maladie, y compris, contrairement à ce qu'indique l'expert, des adénopathies, le centre hospitalier a omis d'envisager cette hypothèse et n'a pas mis tous les moyens en oeuvre pour poser un diagnostic exact ; le diagnostic de varicelle infectée et de scarlatine a été posé sans qu'ait été réalisé le prélèvement de gorge qui aurait permis de confirmer ou d'infirmer ce diagnostic ;

- en raison de cette faute médicale, M. G... E... n'a pas bénéficié d'un traitement par immunoglobulines puis d'un suivi cardiologique, qui auraient significativement diminué le risque de complications cardiaques ; ce risque s'est réalisé puisqu'il a subi un infarctus du myocarde à l'âge de 19 ans ; cette faute lui a ainsi fait perdre une chance d'échapper à l'évolution défavorable de sa maladie cardiaque ; le taux de perte de chance doit être évalué à 75 % ;

- M. G... E... a subi, du fait de son infarctus du myocarde, un déficit fonctionnel temporaire total du 29 avril au 5 mai 2012, du 11 juillet au 18 juillet 2012 et du 11 juillet 2013 au 14 juillet 2013, soit un total de 18 jours, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel du 5 mai au 11 juillet 2012, du 11 juillet 2012 au 28 juin 2013, du 28 juin au 11 juillet 2013 et du 14 juillet 2013 au 28 avril 2014, soit un total de 704 jours ; ce préjudice doit être évalué à 414 euros pour les périodes de déficit total et à 3 769,70 euros pour les périodes de déficit partiel ;

- du fait de son hospitalisation, il n'a pas pu mener à bien l'année de formation entamée en 2012 ; son préjudice de formation doit être évalué à 10 000 euros ;

- une somme de 22 0000 euros doit lui être allouée en réparation de ses souffrances, évaluées par l'expert à 5,5/7, correspondant à la douleur initiale de l'infarctus, aux douleurs liées aux multiples explorations et à l'occlusion coronaire chronique ;

- il conserve un déficit fonctionnel permanent évalué à 37 % en raison de son insuffisance cardiaque légère, de l'altération de la fonction de son ventricule gauche, de la nécessité de prendre un traitement lourd à vie, de la complexité de sa pathologie et de l'irradiation corporelle liée aux procédures de cardiologie interventionnelle ; une somme de 94 720 euros doit lui être allouée en réparation de ce préjudice ;

- du fait de son infarctus et des séquelles qu'il conserve, il ne peut plus participer à des compétitions sportives ni pratiquer certains sports comme le football, qu'il pratiquait en club depuis 1999 ; il a ainsi subi un préjudice d'agrément en réparation duquel une somme de 30 000 euros doit lui être allouée ;

- son droit à indemnisation d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'établissement doit être réservé ; il pourrait subir, dans l'avenir, de tels préjudices compte tenu de ce qu'il suit un traitement bétabloquant ; son droit à indemnisation doit également être réservé dans le cas où surviendrait une aggravation de son dommage corporel à raison du caractère évolutif de sa pathologie ;

- M. D... E... et Mme H... E... ont enduré des souffrances morales en raison de l'infarctus subi par leur fils ; ce préjudice doit être réparé à hauteur de 8 000 euros chacun.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2019, le CHU de Toulouse, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la faute médicale invoquée par les requérants n'est pas établie ; l'erreur de diagnostic ne présente pas un caractère fautif dès lors que la maladie de Kawasaki est une maladie rare, dont le diagnostic est difficile, qui était très peu documentée en 1999 ; M. G... E... a bénéficié d'une prise en charge conforme aux données acquises de la science en 1999, période où le diagnostic de la maladie de Kawasaki n'était posé que sur la base de la satisfaction de critères stricts, les formes incomplètes ou atypiques de cette maladie n'ayant été documentées qu'en 2003 ; M. G... E... ne présentait pas tous les symptômes de la maladie de Kawasaki, et notamment ne présentait pas d'adénopathies ; il était atteint d'une varicelle, présentait les symptômes d'une scarlatine, qui sont similaires à ceux de la maladie de Kawasaki, et n'avait ni l'âge, ni le profil type des patients atteints par la maladie de Kawasaki ; si l'expert indique qu'une échographie cardiaque permet de dépister des complications coronariennes, le sapiteur explique que les lésions coronaires apparaissent classiquement de façon décalée, à la deuxième semaine de fièvre ; en l'espèce, M. G... E... a été hospitalisé du cinquième au septième jour de fièvre ; de plus, dans le séjour suivant son hospitalisation, son état a connu une évolution favorable, raison pour laquelle aucun examen ou traitement supplémentaire n'a été mis en place ;

- en 1999, l'administration d'immunoglobulines était discutée ; ce traitement n'a été recommandé qu'à partir de 2004, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'un tel traitement aurait été mis en place, et aurait permis à M. E... d'éviter la survenue de complications cardiaques, si le diagnostic avait été posé d'une maladie de Kawasaki ; si un tel traitement avait été administré, le risque de survenance d'anévrismes coronaires serait passé de 18 à 4% ; le taux de perte de chance ne saurait donc excéder 14 % ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire ne saurait excéder une somme de 464,741 euros après application du taux de perte de chance de 14 % ;

- la preuve du lien de causalité entre l'hospitalisation en 2012 et le redoublement n'est pas rapportée, de sorte que la demande indemnitaire relative à un préjudice de formation ne peut qu'être rejetée ;

- les souffrances endurées par M. G... E... doivent être évaluées à 15 000 euros, soit une indemnité après application du taux de perte de chance de 2 100 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent de M. E... doit être évalué à un taux qui ne saurait excéder 20 %, dernier taux de déficit temporaire partiel ; le préjudice doit être évalué à 1 800 euros, après application du taux de perte de chance de 14 % ;

- M. E... ne rapporte pas la preuve qu'il pratiquait toujours le football en 2012, alors que sa licence prenait fin en 2010 ; la demande indemnitaire relative à un préjudice d'agrément ne peut ainsi qu'être rejetée ;

- le préjudice sexuel de M. E... présente un caractère éventuel ;

- le préjudice moral de M. D... E... et Mme H... E... devra être indemnisé à hauteur de 14 % d'une somme plus conforme à la jurisprudence habituelle que les 8 000 euros demandés.

Par une ordonnance du 25 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2020 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., présidente ;

- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteur public.

- et les observations de Me J..., représentant le CHU de Toulouse.

Une note en délibéré a été présentée le 16 décembre 2020 pour le CHU de Toulouse, par Me B....

Considérant ce qui suit :

1. M. G... E... a présenté le 29 avril 2012, alors qu'il était âgé de 19 ans, un syndrome coronarien aigu (infarctus du myocarde) ayant nécessité une revascularisation par angioplastie et l'implantation d'un stent actif du tronc commun, syndrome dont il conserve des séquelles cardiaques. Imputant la survenance de ce syndrome à une erreur fautive de diagnostic commise lors de sa prise en charge au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse en février 1999, la maladie de Kawasaki dont il était atteint n'ayant alors pas été diagnostiquée, l'intéressé et ses parents, M. D... E... et Mme H... E..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner cet établissement à les indemniser de leurs préjudices. Par un jugement du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête, ainsi que les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale tendant au remboursement de ses débours, et a mis à la charge du CHU de Toulouse les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 443, 64 euros. M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande.

Sur la responsabilité du CHU de Toulouse :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. Il résulte de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, que M. G... E..., alors âgé de 6 ans et 4 mois, a été admis aux urgences du CHU de Toulouse le 13 février 1999 pour une forte fièvre persistant depuis le 10 février. Le diagnostic de varicelle a été posé, et l'enfant est retourné à son domicile. Il a ensuite été hospitalisé du 15 au 21 février 1999 au sein du même établissement pour un syndrome infectieux. Lors de cette hospitalisation, l'enfant présentait une forte fièvre persistant depuis le 10 février malgré un traitement anti-inflammatoire stéroïdien, un érythème diffus, une desquamation, un oedème palpébral, un oedème périorbitaire, une langue dépapillée, et des douleurs abdominales. S'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait en outre présenté des adénopathies cervicales, dès lors que les seules adénopathies résultant de l'échographie abdominale du 16 février ne relèvent pas de cette région, l'ensemble de ces symptômes étaient, selon l'expert, évocateurs d'une maladie de Kawasaki, cardiopathie infantile. Or le diagnostic d'une varicelle surinfectée et d'une scarlatine a alors été posé, sans que la maladie de Kawasaki ne soit envisagée. Si cette maladie est certes rare et affecte majoritairement des enfants âgés de moins de 5 ans et d'origine asiatique, il résulte de l'instruction qu'elle peut concerner des enfants de 1 à 8 ans sans ascendance asiatique. Contrairement à ce que soutient le CHU de Toulouse, qui indique au demeurant avoir été établissement référent pour cette maladie, les symptômes de cette maladie rare et grave étaient décrits dans la littérature médicale disponible en 1999, la circonstance que les publications scientifiques étaient rédigées en langue anglaise étant sans incidence sur leur accessibilité aux professionnels de santé. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que les symptômes d'une maladie de Kawasaki peuvent mimer ceux d'une scarlatine, cette difficulté de diagnostic aurait dû conduire l'établissement à procéder à un prélèvement de gorge, test qui aurait permis de confirmer ou d'infirmer le diagnostic de scarlatine et, le cas échéant, de procéder à des examens complémentaires, notamment à une échographie cardiaque, aux fins de poser un diagnostic exact. Sur ce point, si le CHU de Toulouse fait valoir que la réalisation d'une échographie cardiaque dans les 7 premiers jours d'apparition de la maladie n'aurait pas nécessairement permis de poser avec certitude le diagnostic de maladie de Kawasaki, il n'établit pas ni même n'allègue qu'un tel examen n'aurait pu être réitéré, si cette maladie avait été envisagée par l'équipe médicale, à compter du 18 février 1999. Dans ces conditions, l'erreur de diagnostic litigieuse, liée selon l'expert aux " omissions " de l'établissement qui n'a ni évoqué une maladie de Kawasaki, ni réalisé une échographie cardiaque permettant de poser un tel diagnostic, ni même procédé à un test bactériologique de nature à confirmer ou infirmer le diagnostic de scarlatine, a présenté un caractère fautif et est ainsi de nature à engager la responsabilité du CHU de Toulouse.

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il résulte de l'instruction que le syndrome coronarien aigu présenté en avril 2012 par M. G... E..., lié à une occlusion du tronc commun en regard d'un anévrisme calcifié et sacciforme, a constitué une complication coronaire de sa maladie de Kawasaki, l'expert relevant à cet égard que " le préjudice corporel est entièrement dû à la maladie de Kawasaki non diagnostiquée ". Il résulte cependant de l'instruction que si, en l'absence de l'erreur fautive de diagnostic ci-dessus retenue, un traitement par immunoglobulines avait été administré, un tel traitement aurait " significativement diminué " le risque de développement d'un anévrisme coronaire, sans pour autant le supprimer. L'expert indique à cet égard que le risque de survenue d'un anévrisme coronaire passe, grâce à un tel traitement, de 18 % à 4 %. Si le CHU de Toulouse fait valoir que le traitement de la maladie de Kawasaki par immunoglobulines n'a été recommandé qu'en 2004, l'expert relève qu'en 1999, la littérature médicale avait démontré l'efficacité d'un tel traitement, qui était déjà utilisé dans les centres hospitaliers universitaires français, et ajoute que le diagnostic de maladie de Kawasaki aurait à tout le moins conduit à mettre en place un traitement préventif de l'occlusion coronaire par antiagrégants plaquettaires. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer à 75 % le taux de perte de chance, et de condamner le CHU de Toulouse à la réparation de cette fraction des préjudices subis par les requérants.

6. Il résulte de ce qui précède que M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande d'indemnisation par le CHU de Toulouse. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur leurs préjudices.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis par M. G... E... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des compte-rendus d'hospitalisation du CHU de Toulouse que M. G... E... a subi, du fait de la faute médicale ci-dessus relevée, un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisation consécutives à son infarctus du myocarde, soit du 29 avril au 9 mai 2012 pour la prise en charge initiale de son syndrome coronarien aigu, du 8 au 11 juillet 2012 pour la réalisation de plusieurs examens de contrôle de sa coronaropathie, du 1er au 2 juillet 2013 pour une coronarographie et du 11 au 13 juillet 2013 pour le traitement d'une resténose. L'intéressé a en outre présenté un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 35 % pour la période séparant ses deux premières hospitalisations et la période allant du 28 juin 2013, date à laquelle a été constatée une resténose, et le 11 juillet 2013, date de de l'hospitalisation dédiée à la prise en charge de cette resténose. Il a enfin subi un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 20 % pour le reste de la période et jusqu'à sa consolidation, fixée au 28 avril 2014, date de la première épreuve d'effort négative après la dernière procédure de traitement de la resténose. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, après application du taux de perte de chance de 75 %, en lui allouant une somme de 1 700 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

8. Il résulte de l'instruction que M. G... E... a subi des souffrances évaluées par l'expert à 5,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant, après application du taux de perte de chance de 75 %, une réparation de 13 500 euros.

S'agissant du préjudice scolaire :

9. Si M. G... E... fait valoir qu'il était, à la date de survenue de son syndrome coronarien aigu, en deuxième année de la formation préparant au diplôme de comptabilité et de gestion, et affirme que, du fait de son hospitalisation en mai 2012, il n'a pas pu passer les examens et a en conséquence été contraint de redoubler son année d'études, il ne produit pas d'élément probant à l'appui de cette affirmation. Ainsi que le soutient le CHU de Toulouse, le préjudice invoqué n'est dès lors pas établi.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

10. Il résulte de l'instruction que M. E... conserve, du fait de son infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque modérée, et se trouve astreint à un traitement quotidien lourd et à un suivi au sein d'un centre expert de sa pathologie coronarienne, très complexe. L'expert relève encore que l'intéressé a subi une irradiation corporelle lors des interventions cardiologiques. Compte tenu de son âge à la date de consolidation, soit 21 ans, et du taux de perte de chance de 75 %, il sera fait une juste évaluation de son déficit fonctionnel permanent, évalué sans erreur à 37 % par l'expert, en lui allouant une somme de 65 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

11. Il résulte de l'instruction que M. E... pratiquait, avant la survenue de son syndrome coronarien aigu, des activités sportives, en particulier le football et la musculation. Du fait des séquelles cardiaques qu'il conserve, qui le contraignent à devoir limiter ses efforts physiques, il se trouve dans l'impossibilité de poursuivre ces activités. La circonstance, invoquée par le CHU de Toulouse, qu'il ne disposait plus d'une licence dans un club de football après l'année 2010, ne suffit pas à remettre en cause l'existence du préjudice d'agrément invoqué par le requérant, dont il sera fait une juste évaluation en lui allouant, après application du taux de perte de chance de 75 %, une somme de 4 000 euros.

S'agissant des autres préjudices invoqués :

12. Il est constant qu'à la date du présent arrêt, M. E... ne subit pas, du fait de la faute médicale ci-dessus retenue, de préjudice sexuel ou d'établissement. Dans l'hypothèse d'une aggravation des préjudices résultant de cette faute, il pourra, le cas échéant, en solliciter la réparation, sans que puisse lui être opposée, dans le cadre de cette nouvelle demande, l'autorité de chose jugée du présent arrêt.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. D... E... et Mme H... E... :

13. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. D... E... et Mme H... E..., parents de M. G... E..., lié à la douleur morale ressentie en raison des souffrances physiques et psychiques de leur fils, en leur allouant, après application du taux de perte de chance de 75 %, une somme de 3 000 euros chacun.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Toulouse doit être condamné à verser une indemnité de 84 200 euros à M. G... E... et une indemnité de 3 000 euros chacun à M. D... E... et à Mme H... E....

Sur les intérêts et leur capitalisation :

15. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, à défaut, à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif des conclusions tendant au versement de cette indemnité. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

16. Les requérants ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2016, date de réception par le CHU de Toulouse de leur réclamation préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée par un mémoire enregistré le 25 juillet 2016. Cette demande prend effet à compter du 18 avril 2017, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et la capitalisation s'effectuera ensuite à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E..., et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le CHU de Toulouse est condamné à verser une somme de 84 200 euros à M. G... E... et une somme de 3 000 euros chacun à M. D... E... et Mme H... E.... Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2016. Les intérêts échus à la date du 18 avril 2017 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1603342 du 4 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHU de Toulouse versera à M. G... E..., M. D... E... et Mme H... E... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à M. D... E..., à Mme H... E..., à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme I... F..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.

La présidente-assesseure,

Anne C...

La présidente, rapporteur

Catherine F...

La présidente,

Catherine F...

La greffière,

Virginie Guillout

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04121
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CABANNE-BARTHES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-29;18bx04121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award