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29/12/2020 | FRANCE | N°18BX04484

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 décembre 2020, 18BX04484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N... Dhal a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser la somme de 1 089 695 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n° 1604314 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. Dhal une somme de 371 553,79 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2018 et le 18 septembre 2020, le CHU de Toulouse,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N... Dhal a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser la somme de 1 089 695 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n° 1604314 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. Dhal une somme de 371 553,79 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2018 et le 18 septembre 2020, le CHU de Toulouse, représenté par Me K..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 octobre 2018 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. Dahl une somme supérieure à 51 508,49 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs du mois de janvier 2011 au 31 décembre 2017, en tant qu'il a fait droit à la demande de l'intéressé présentée au titre de l'incidence professionnelle et en tant qu'il l'a condamné à lui verser les sommes de 87 225,42 euros et 25 261,21 euros correspondant aux pertes de chance de bénéficier d'un meilleur montant de retraite du régime général et d'un meilleur montant de retraite complémentaire ;

2°) de limiter à 51 508,49 euros le montant de la perte de gains professionnels futurs de M. Dahl, de rejeter sa demande présentée au titre de la réparation d'une perte de chance de promotion professionnelle et, à titre subsidiaire, de limiter la réparation de ce poste de préjudice à 30 000 euros et d'indemniser la perte de retraite par le versement d'une rente annuelle de 4 937,45 euros versée de façon viagère à compter du 62ème anniversaire de l'intéressé.

Il soutient que :

- pour la période de janvier 2011 au 31 décembre 2017, il y a lieu d'appliquer un pourcentage de 80 %, du fait de la capacité de travail résiduelle que M. Dahl conserve, sur la somme de 64 385,62 euros retenue par le tribunal au titre des pertes de gains professionnels futurs et de réduire ainsi la somme allouée à 51 508,49 euros ;

- pour la période allant du jugement au jour du départ à la retraite de M. Dahl, c'est à tort que le tribunal a choisi le versement d'un capital plutôt que d'une rente, qui permet une indemnisation plus précise et juste du préjudice, et contraint M. Dahl à moins de démarches administratives ; il ne saurait être appliqué le prix d'euro de rente viagère pour un homme de 62 ans sans tenir compte de la probabilité qu'un homme âgé de 50 ans atteigne effectivement l'âge de 62 ans ; à supposer que la juridiction s'en tienne au versement d'un capital, il conviendra d'en déduire les revenus que ce capital versé par anticipation génèrera soit, pour un capital de 66 533,19 euros placé à 2,25 % sur une durée de 145 mois, un gain en intérêts de 20 361,81 euros ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le revenu de M. Dahl aurait considérablement augmenté après 2006 et qu'il aurait bénéficié d'une promotion dès lors que la formation qu'il avait suivie lui a permis une promotion antérieure au dommage par un contrat de travail signé le 3 janvier 2006, et qu'il n'est pas justifié de l'existence du poste que l'intéressé prétend qu'il aurait occupé au sein de la société qui l'employait, ni du niveau de rémunération correspondant ;

- il ne pouvait être retenu un revenu constant lissé pour la fin de la carrière de M. Dahl en s'abstenant de prendre en compte les évolutions de carrière que sont susceptibles de connaître les salariés les plus âgés, 52 % des cadres n'étant plus en activité au moment de prendre leur retraite ;

- à supposer qu'une indemnisation soit allouée au titre de l'incidence professionnelle, il conviendra d'appliquer un coefficient de 50 % aux pertes de gains professionnels futurs fixées à 117 168,60 euros par le tribunal ; une telle indemnisation n'a, en toute hypothèse, pas lieu d'être dès lors qu'une revalorisation de 3,17 % par an du salaire de M. Dahl a d'ores et déjà été prise en compte par le tribunal ;

- après avoir déduit du montant de la retraite de base qu'aurait dû percevoir M. Dahl le montant qu'il percevra effectivement, justement fixé par les premiers juges à 13 696,68 euros, le préjudice d'incidence sur la retraite pour le régime général doit être ramené à la somme de 3 102 euros ;

- s'agissant de la retraite complémentaire, les premiers juges ont, à tort, retenu une perte de 7 238,45 euros par an alors qu'elle ne s'élève qu'à 1 835,53 euros ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande formulée par M. Dahl au titre de la perte sur la participation et l'intéressement ; l'intéressé n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'indemnisation de ce préjudice qui ne présente qu'un caractère éventuel ;

- M. Dahl ne justifie pas d'un préjudice lié à des frais pour souscrire à une nouvelle mutuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, la MSA Midi Pyrénées Sud, représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête, à ce que le CHU de Toulouse soit condamné à lui verser la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que soit mise également à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le CHU de Toulouse ne sont pas fondés et que le jugement doit être intégralement confirmé sur les sommes qui lui ont été allouées en remboursement de ses débours.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2019 et le 16 octobre 2020, M. Dahl, représenté par Me O..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en portant à 924 198 euros le montant que le CHU de Toulouse doit être condamné à lui verser en réparation de ses préjudices et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont appliqué un coefficient de 80 % sur son préjudice économique dès lors qu'il est dans l'incapacité de reprendre toute activité professionnelle ;

- il peut prétendre à la somme de 25 355 euros au titre de ses pertes de gains professionnels actuels soit 16 553,85 euros pour la période du 24 juillet 2006 au 5 septembre 2009, date de son licenciement, 1 894,84 euros au titre de la fin de l'année 2009 ainsi que 6 886,61 euros au titre de l'année 2010 ; le raisonnement du tribunal qui a retenu un taux moyen de revalorisation de salaire de 3,17 % par an pourra être confirmé, mais ce taux devra être corrigé pour être porté à 3,80 % du fait qu'il n'y a pas six ans mais cinq entre 2001 et 2006 ;

- compte tenu de son incapacité à reprendre toute activité professionnelle, ses pertes de gains professionnels futurs pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019 doivent être indemnisées à hauteur de 134 689,65 euros ; c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu de taux de perte de chance pour la période antérieure au 1er juillet 2018, et ils auraient dû faire de même pour l'avenir ;

- pour les pertes de gains professionnels futurs non échus à la date du jugement contesté, il peut prétendre au versement de la somme de 369 787,76 euros ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la réparation des pertes de gains professionnels futurs par le versement d'un capital ; si la cour devait retenir le principe du versement d'une rente, celle-ci devra être indexée sur la revalorisation du SMIC ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande présentée au titre de la perte sur la participation et l'intéressement, ce préjudice présentant un caractère certain ; il peut prétendre à ce titre au versement des sommes de 11 990 euros pour la période de 2010 à 2020 et de 10 425 euros pour la période postérieure ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont refusé de lui allouer la somme de 8 942,80 euros au titre des frais qu'il doit désormais exposer pour souscrire à une mutuelle, alors que celle-ci était auparavant prise en charge par son employeur ;

- le montant alloué par le tribunal au titre de la perte de retraite de base devra être porté à 133 218 euros dès lors qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance de 80 % ; il y a lieu de calculer le salaire annuel moyen, non sur la base des 17 meilleures années comme le soutient le CHU de Toulouse, mais sur une projection des 25 meilleures années ;

- la méthode de calcul de la perte de retraite complémentaire du tribunal devra être confirmée sauf en ce qu'il a appliqué un taux de 80 %, de sorte que le montant auquel M. Dahl peut prétendre au titre de ce préjudice s'élève à 38 581 euros ;

- le CHU de Toulouse est fondé à soutenir qu'il y a lieu de déduire du capital alloué au titre de la perte de retraite les intérêts générés entre la date du versement des sommes et le 31 juillet 2029, date théorique de départ en retraite ; il n'y a pas lieu, en revanche, de tenir compte de son espérance de vie dès lors que le barème de capitalisation prend déjà en compte un tel paramètre ; les intérêts à déduire ne sauraient excéder 22 583 euros en tenant compte d'un taux moyen de 1,5 % sur une période de 9 ans ; le montant total capitalisé auquel il peut prétendre s'élève à 134 912 euros ;

- il y a lieu de porter le montant alloué par le tribunal au titre de l'incidence professionnelle à 348 982 euros dès lors que ses séquelles l'ont privé de 80 % de chance d'être promu directeur des systèmes d'information au sein de son entreprise, ce qui a entraîné une perte de salaire et de pension de retraite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... L...,

- les conclusions de Mme E... F..., rapporteure publique,

- et les observations de Me P..., représentant le CHU de Toulouse, de Me O..., représentant M. Dahl et de Me I..., représentant la MSA Midi Pyrénées Sud.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été victime d'un surdosage de radiation à l'occasion d'une intervention chirurgicale au CHU de Toulouse le 24 juillet 2006 pour éliminer le résidu d'un neurinome sur le nerf acoustique, qui avait fait l'objet préalablement d'une résection. Un tel surdosage engage la responsabilité du CHU de Toulouse, ce que l'établissement de santé ne conteste pas. Le CHU a conclu avec M. Dahl, le 17 novembre 2014, une transaction pour l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices, à l'exception des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle sur lesquels un accord n'a pu être trouvé. Par un jugement n° 1604314 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. Dalh la somme de 371 553,79 euros en réparation de ces préjudices. Cet établissement de santé relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser une somme qui excède 51 508,49 euros au titre de la perte de gains professionnels de M. Dahl du mois de janvier 2011 au 31 décembre 2017, en tant qu'il a fait droit à la demande présentée au titre de l'incidence professionnelle et en tant qu'il n'a pas indemnisé le préjudice de perte de retraite dans les limites d'une rente annuelle de 4 937,45 euros versée à compter du 62ème anniversaire de l'intéressé. Par la voie de l'appel incident, M. Dahl demande à la cour de porter la somme que le CHU de Toulouse a été condamné à lui verser à 924 198 euros.

Sur la réparation des préjudices :

2. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. Dahl n'était pas en mesure, compte tenu des séquelles qu'il conserve du surdosage de radiation dont il a été victime au CHU de Toulouse en 2006, de reprendre son activité professionnelle antérieure après cet incident, et qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 24 juillet 2006. Le tribunal a condamné le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 16 553,85 euros au titre des pertes de gains professionnels subies pour la période allant du 24 juillet 2006 au 5 septembre 2009, date de son licenciement. Cette somme n'est pas contestée par les parties.

3. Pour la réparation de ce poste de préjudice sur la période allant du 6 septembre 2009 au 10 janvier 2011, date de consolidation de l'état de santé de M. Dahl, l'intéressé soutient que les premiers juges ont limité, à tort, l'augmentation de son salaire dont il convient de tenir compte à 3,17 % par an. Toutefois, M. Dahl s'est borné à produire, au titre de l'année 2006, un unique bulletin de paye pour le mois de décembre, de sorte que l'augmentation annuelle de son salaire ne peut qu'être calculée en prenant en référence la période allant du mois de janvier 2001, où il a obtenu une promotion, au mois de décembre 2006. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir une augmentation annuelle du salaire de M. Dahl de 3,17 %, ainsi qu'y consent le CHU de Toulouse. Par suite, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des pertes de gains professionnels actuels de M. Dahl, pour la période du 6 septembre 2009 au 10 janvier 2011 en condamnant le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 7 512,94 euros à ce titre.

4. S'agissant de la perte de gains professionnels subie par M. Dahl depuis la date de consolidation de son état de santé jusqu'à la date du présent arrêt, le CHU de Toulouse soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas appliqué une réfaction de 20 % sur le montant du préjudice qu'il a été condamné à payer pour la période allant du 11 janvier 2011 au 31 décembre 2017 afin de tenir compte de la capacité résiduelle de l'intéressé à travailler, tandis que M. Dahl soutient que c'est à tort qu'ils ont appliqué un tel taux pour minorer son préjudice pour la période postérieure au 1er janvier 2018. Il résulte de l'expertise que M. Dahl présente sur le plan organique une surdité de l'oreille droite, des acouphènes, une discrète paralysie faciale et quelques douleurs. Il présente, en outre, sur le plan cognitif, un ralentissement psychomoteur, des pertes de mémoires, des troubles portant sur les fonctions exécutives ainsi que des troubles du contrôle inhibiteur. L'ensemble constitue, selon l'expert, un déficit fonctionnel permanent de 45 % rendant inenvisageable la reprise de l'activité professionnelle antérieure de M. Dahl, en tant que responsable d'un service informatique, mais l'empêchant également de réaliser une activité professionnelle intellectuelle à responsabilité. M. Dahl justifie de ce que la MSA lui a attribué le 25 août 2009 une pension d'invalidité de catégorie 2, correspondant à l'état " invalide absolument incapable d'exercer une profession quelconque " et que la Maison départementale des personnes handicapées lui a reconnu un taux d'incapacité supérieur à 80 % le 30 septembre 2011. Le rapport d'expertise relève, en outre, que si M. Dahl a tenté à deux reprises de reprendre une activité professionnelle en donnant, pendant quatre mois, des cours d'informatique à raison de 45 minutes par semaine dans l'établissement scolaire de sa fille et en participant, durant huit mois, à une activité associative, ces deux tentatives se sont finalement soldées par des échecs. Si l'expert désigné par le tribunal a, ainsi que le relève le CHU de Toulouse, indiqué que l'état de santé de M. Dahl pouvait, en théorie, lui permettre d'envisager une activité professionnelle " basique ", il a également précisé qu'une telle activité serait difficile à mettre en oeuvre effectivement. Dans ces conditions, compte tenu de l'impossibilité pour M. Dahl de poursuivre l'activité qu'il exerçait antérieurement, ou une activité comparable, et de l'existence d'un handicap limitant fortement ses possibilités de reconversion professionnelle, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le préjudice de M. Dahl devait être minoré de 20 % pour tenir compte d'une capacité résiduelle à travailler, pourcentage qu'ils n'ont en outre appliqué que partiellement pour la réparation de ce poste de préjudice. Dans ces conditions, en tenant compte d'une augmentation annuelle du salaire dont l'intéressé aurait bénéficié de 3,17 % et en déduisant les sommes non contestées de 37 085,64 euros perçues chaque année de la MSA et de la CCPAM Prévoyance afin de compenser ses pertes de revenus, il y a lieu de porter le montant alloué par les premiers juges pour la réparation de ce poste de préjudice à la somme de 118 141 euros, pour la période allant de la consolidation de l'état de santé de M. Dahl à la date du présent arrêt.

5. S'agissant de la perte de gains professionnels de M. B... à compter du présent arrêt et jusqu'au 1er juillet 2029, date théorique de son départ à la retraite, l'intéressé est fondé à soutenir, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, que c'est à tort que les premiers juges ont minoré son préjudice à hauteur de 20 % en tenant compte d'une capacité résiduelle de travail. Ce préjudice sera réparé par le versement d'un capital, qui assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable, ce choix n'étant pas subordonné à l'accord du CHU de Toulouse. Il y a lieu d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 152 042 euros qui tient compte de l'augmentation annuelle du salaire de M. Dahl et des prestations, dont le montant n'est pas contesté, devant venir en déduction, ainsi que de l'euro de rente issu du barème de capitalisation de l'année 2020 publié à la Gazette du Palais fixé à 7,740 pour un homme âgé de 54 ans à la date d'attribution et pour un dernier arrérage à l'âge de 62 ans.

6. M. Dahl soutient que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de condamner le CHU de Toulouse à l'indemniser du préjudice résultant de pertes sur la participation et l'intéressement au sein de son entreprise au motif que ces compléments de rémunération étant liés aux résultats de l'entreprise et à sa politique salariale, ils présentaient un caractère aléatoire et ne sauraient constituer un préjudice certain. L'intéressé produit, pour la première fois en appel, une attestation de son ancien employeur indiquant la participation et l'intéressement moyens perçus par les salariés du groupe entre les années 2007 et 2018. Ce document, contrairement à ce que soutient le CHU de Toulouse, est de nature à établir le caractère certain du préjudice dont M. Dahl se prévaut. En retenant une moyenne de 931,54 euros net de participation et d'intéressement versé à un salarié chaque année, le préjudice de M. Dahl pour la période échue à la date de lecture du présent arrêt doit être évalué à la somme de 10 246,94 euros. Pour la période à échoir, soit du 30 décembre 2020 au 1er juillet 2029, date de départ théorique de M. Dahl à la retraite, il sera fait une juste évaluation de ce poste de préjudice, compte tenu de la part d'aléa inhérent à un tel revenu, en allouant à M. Dahl la somme de 4 000 euros à ce titre.

7. M. B... demande la condamnation du CHU de Toulouse à lui rembourser les sommes qu'il doit désormais exposer pour bénéficier d'une mutuelle alors que, jusqu'à son licenciement, celle-ci était prise en charge par son ancien employeur. Il justifie par une attestation de l'employeur de son épouse, produite pour la première fois en appel, être désormais affilié à la mutuelle de celle-ci en contrepartie d'une cotisation supplémentaire prélevée sur son salaire. L'intéressé est ainsi fondé à demander, au titre du préjudice échu à la date du présent arrêt, la somme de 4 974 euros au titre de ce poste de préjudice et, pour la période allant jusqu'au 1er juillet 2029, la somme de 4 123 euros calculée en appliquant l'euro de rente issu du barème de capitalisation de l'année 2020 publié à la Gazette du Palais fixé à 7,740 pour un homme âgé de 54 ans à la date d'attribution et pour un dernier arrérage à l'âge de 62 ans.

8. D'une part, contrairement à ce que soutient le CHU de Toulouse, c'est à bon droit que les premiers juges ont raisonné, pour évaluer la perte de retraite du régime général de M. Dahl, sur la base de ses 25 meilleures années, fictivement reconstituées en tenant compte d'une augmentation salariale de 3,17 % par année. Il y a ainsi lieu de retenir que M. Dahl a, en raison des fautes commises par le CHU de Toulouse, subi une perte annuelle de retraite du régime général de 6 338,32 euros, montant par ailleurs non contesté par l'établissement de santé. D'autre part, il est constant que l'interruption de l'activité professionnelle de M. Dahl lui a causé une perte de retraite complémentaire de 1 259 euros au titre du régime ARRCO et de 576,63 euros au titre du régime AGIRC, soit la somme globale de 1 835,63 euros par an. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il n'y a, en toute hypothèse, pas lieu d'appliquer un pourcentage de 80 % sur ce poste de préjudice pour tenir compte d'une capacité résiduelle de M. Dahl à exercer une activité professionnelle. Pour la réparation de ce poste de préjudice, il y a lieu de condamner le CHU de Toulouse à verser à M. Dahl, à compter du 1er juillet 2029, une rente annuelle de 8 173,95 euros, ce montant devant être revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

9. Il résulte de l'instruction, notamment des attestations précises et circonstanciées du directeur administratif et financier du groupe au sein duquel M. Dahl travaillait, qu'un fort potentiel avait été détecté en lui qui a conduit son entreprise à lui financer une formation ainsi que l'aide d'un consultant extérieur, afin de le préparer aux fonctions de directeur groupe des systèmes d'information qu'il était destiné à occuper à terme. Il y a également lieu de tenir compte, outre la perte de perspective de cette promotion, des difficultés que rencontrerait le cas échéant M. Dahl pour reprendre une activité professionnelle, même limitée, compte tenu des séquelles qu'il conserve et de sa dévalorisation importante sur le marché du travail. Les premiers juges n'ont pas procédé à une insuffisante évaluation de l'incidence professionnelle subie par M. Dahl, âgé de 44 ans à la date de consolidation de son état de santé, en l'indemnisant à hauteur de 70 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. Dahl est seulement fondé à demander que la somme que le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à lui verser soit portée à la somme de 387 593 euros, dont doit être déduite la provision versée par le CHU de Toulouse d'un montant de 16 553,85 euros, et que le CHU de Toulouse soit condamné à lui verser, à compter du 1er juillet 2029, une rente annuelle de 8 173,95 euros dont le montant sera annuellement revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. D'autre part, il résulte de ce qui précède que la requête du CHU de Toulouse doit être rejetée.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

11. La MSA n'a pas contesté le montant qui lui a été alloué par le tribunal en remboursement de ses débours. Ses conclusions tendant à ce que l'indemnité forfaitaire de gestion soit majorée ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Dahl pour la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la MSA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge du CHU de Toulouse.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 371 553,79 euros que le CHU de Toulouse a été condamné à verser à M. Dahl par le jugement du 18 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est portée à 387 593 euros, dont doit être déduite la provision versée par le CHU de Toulouse d'un montant de 16 553,85 euros.

Article 2 : Le CHU de Toulouse est condamné à verser à M. Dahl, à compter du 1er juillet 2029, une rente annuelle de 8 173,95 euros dont le montant sera annuellement revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CHU de Toulouse versera à M. Dahl la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la MSA sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à M. N... Dahl et à la mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Sud.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Q... M..., présidente,

Mme A... H..., présidente-assesseure,

Mme G... L..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.

La rapporteure,

Kolia L...

La présidente,

Catherine M...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04484
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CABINET BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-29;18bx04484 ?
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