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09/02/2021 | FRANCE | N°19BX01840

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 février 2021, 19BX01840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Chaillac à lui verser la somme de 70 137,81 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du dysfonctionnement du réseau communal de collecte et d'évacuation des eaux pluviales et usées, ainsi que de la carence du maire à exercer ses pouvoirs de police.

Par un jugement n° 1601290 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Chaillac à verser à M. F... u

ne somme de 500 euros en réparation de son préjudice, mis à la charge de la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Chaillac à lui verser la somme de 70 137,81 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du dysfonctionnement du réseau communal de collecte et d'évacuation des eaux pluviales et usées, ainsi que de la carence du maire à exercer ses pouvoirs de police.

Par un jugement n° 1601290 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Chaillac à verser à M. F... une somme de 500 euros en réparation de son préjudice, mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 396,40 euros et enjoint à la commune d'entreprendre, dans un délai de quatre mois, les travaux nécessaires pour mettre fin aux inondations qui se produisent en cas d'intempéries pluvieuses dans le sous-sol de la maison de M. F....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2019 et le 13 octobre 2020, la commune de Chaillac, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. F... la somme de 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 juin 2017, en réparation du préjudice qu'il a subi, a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 396,40 euros et lui a enjoint d'entreprendre, dans un délai de quatre mois, les travaux nécessaires pour mettre fin aux inondations qui se produisent dans le sous-sol de la maison de M. F... en cas d'intempéries ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Limoges ;

3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais de l'expertise.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la commune était engagée, alors qu'elle a effectué les travaux nécessaires afin de remédier aux inondations subies par M. F... sur sa propriété, notamment postérieurement au dépôt du rapport de l'expert ;

- M. F... ne rapporte pas la preuve d'inondations régulières depuis 1999 ni de leur persistance après les travaux réalisés par la commune sur le réseau ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'aucuns travaux ne sont à réaliser sur la propriété de M. F... ;

- aucun des préjudices dont se prévaut M. F... n'est établi ; c'est à tort que les premiers juges lui ont accordé la somme de 500 euros en réparation d'un préjudice de jouissance ;

- M. F... a commis une faute exonérant totalement la commune de sa responsabilité en construisant, en dépit de l'avertissement du maire, le sous-sol de sa maison à un niveau inférieur à celui de la route et du chemin ;

- c'est à tort que les premiers juges lui ont enjoint de procéder à de nouveaux travaux dès lors qu'il n'existait, à la date de leur jugement, aucun préjudice.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2020 et le 5 novembre 2020, Mme F..., agissant en qualité de mandataire de M. F..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Chaillac ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté la demande présentée au titre des préjudices moral et financier ;

- de condamner la commune de Chaillac à lui verser la somme de 4 258,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2016 et de la capitalisation des intérêts, en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chaillac une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la commune était engagée en raison du dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux pluviales ; les travaux réalisés par la collectivité ne suffisent pas à remédier au dommage qui est régulièrement causé à la propriété en cas de fortes pluies, ainsi que l'a retenu l'expert, qui a pris connaissance de photographies datant de 2016 ; rien n'établit la réalité des travaux que la commune allègue avoir réalisés après le dépôt du rapport de l'expert ;

- aucune faute de la victime ne saurait être retenue, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice de jouissance ; c'est en revanche à tort qu'ils ont écarté la demande présentée au titre du préjudice moral, qui doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros, et au titre du préjudice financier résultant des frais supportés pour faire valoir ses prétentions, qui doit être évalué à 2 258,40 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... H...,

- les conclusions de Mme N... C..., rapporteure publique,

- et les observations de Me K..., représentant la commune de Chaillac.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... est propriétaire d'une maison d'habitation située au 16 rue du Docteur Audoucet à Chaillac (Indre), construite en 1994. Depuis 1999, il a signalé au maire de la commune l'inondation régulière du sous-sol de sa maison et de son jardin à l'occasion d'épisodes pluvieux et, estimant insuffisants les travaux diligentés par la commune, a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Limoges la désignation d'un expert. A la réception de son rapport, M. F... a saisi le maire de la commune de Chaillac d'une demande d'indemnisation, qui a été implicitement rejetée . La commune de Chaillac relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. F... la somme de 500 euros en réparation de son préjudice, a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 396,40 euros et lui a enjoint d'entreprendre, dans un délai de quatre mois, les travaux nécessaires pour mettre fin aux inondations qui se produisent en cas d'intempéries pluvieuses dans le sous-sol de la maison de M. F.... Par la voie de l'appel incident, Mme F... indiquant agir en qualité de mandataire de son époux, demande à la cour de réformer le jugement contesté en tant qu'il a rejeté la demande présentée au titre des préjudices moral et financier et de condamner la commune de Chaillac à lui verser la somme de 4 258,40 euros, en réparation de leurs préjudices.

Sur la recevabilité des écritures présentées par Mme F... :

2. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de justice administrative : " Les parties peuvent également se faire représenter : / 1° Par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ; / 2° Par une association agréée au titre des articles L. 141-1, L. 611-1, L. 621-1 ou L. 631-1 du code de l'environnement, dès lors que les conditions prévues aux articles L. 142-3, L. 611-4, L. 621-4 ou L. 631-4 du même code sont réunies et selon les modalités prévues par les articles R. 142-1 à R. 142-9, R. 611-10, R. 621-10 et R. 631-10 du même code. "

3. Il résulte des écritures de première instance que seul M. F... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande de condamnation de la commune de Chaillac à réparer les préjudices causés à sa propriété. Mme F..., qui n'était pas partie à ce litige et ne soutient pas qu'il s'agisse d'un bien commun, présente devant la cour des écritures tendant au rejet de la requête de la commune de Chaillac et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 14 mars 2019. Elle se prévaut, pour ce faire, d'un mandat que lui a consenti son époux par un acte notarié du 11 avril 2018, notamment relatif aux " pouvoirs judiciaires ". Il résulte toutefois des dispositions précitées que M. F..., à moins d'être incapable juridiquement, ne peut recourir au service d'un mandataire autre qu'un avocat pour le représenter devant la juridiction. En dépit de la demande de régularisation qui lui a été adressée par le greffe de la cour, Mme F... n'a pas régularisé ses écritures en justifiant, le cas échéant, de l'incapacité juridique de son époux ou de ce qu'il entendait s'approprier les écritures présentées en son nom devant la cour. Par suite, Mme F... n'a pas qualité pour agir dans la présente instance et les conclusions d'appel incident qu'elle présente ne peuvent, dans ces conditions, qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur le principe de la responsabilité :

4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

5. Il résulte du rapport d'expertise que le sous-sol de la propriété de M. F..., situé en dessous du niveau de la route, se retrouve inondé lors de fortes précipitations en raison d'un sous-dimensionnement du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales et usées. D'une part, la commune de Chaillac soutient qu'elle a fait réaliser des travaux afin d'optimiser l'évacuation des eaux pluviales, notamment la construction d'un muret le long de la propriété de M. F... afin de détourner le flux. L'expert a toutefois relevé qu'un tel aménagement ne permettait pas de contenir les eaux qui pénètrent par la voie d'accès mais également par-dessus le mur. D'autre part, si la commune de Chaillac soutient avoir fait procéder à de nouveaux travaux après la remise du rapport d'expertise au tribunal administratif de Limoges, cette circonstance n'est, en toute hypothèse, pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité pour le dommage préalablement causé à M. F.... En outre, elle ne fournit aucune précision sur la date à laquelle auraient été réalisés de tels travaux, leur nature, leur incidence sur le dommage causé à la propriété de M. F... et ne produit aucune pièce susceptible d'en établir la réalité. Enfin, la commune de Chaillac ne saurait remettre en cause l'existence même du préjudice de M. F... au motif que les inondations du sous-sol de son pavillon ne surviennent que rarement.

Sur la faute de la victime :

6. La commune de Chaillac soutient de nouveau en appel, sans assortir ce moyen d'arguments nouveaux ou d'une critique de l'analyse du tribunal, que M. F... a commis une faute de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité, en procédant à la construction du sous-sol de sa maison en dessous du niveau de la route et du chemin malgré " l'avertissement " du maire lors de l'instruction de sa demande de permis de construire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

Sur l'indemnisation :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ainsi que des courriers régulièrement adressés au maire de la commune de Chaillac par M. F..., que le sous-sol de sa propriété a été à plusieurs reprises totalement inondé par des débordements d'eaux pluviales lors d'épisodes de fortes précipitations. La réalité du préjudice de jouissance subi par l'intéressé est par suite établie, contrairement à ce que soutient la commune de Chaillac. Les premiers juges n'ont pas fait une excessive évaluation de ce poste de préjudice, quand bien même les inondations ne seraient survenues que six fois en huit ans, en allouant à M. F... une somme de 500 euros à ce titre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, la commune de Chaillac, si elle allègue avoir entrepris de nouveaux travaux après le dépôt du rapport d'expertise, n'en justifie pas. Elle n'est, dans ces conditions, pas fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il lui enjoint d'entreprendre, dans un délai de quatre mois, les travaux nécessaires pour mettre fin aux inondations qui se produisent en cas d'intempéries pluvieuses dans le sous-sol de la maison de M. F....

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chaillac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. F... la somme de 500 euros en réparation de son préjudice, a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 396,40 euros et lui a enjoint d'entreprendre les travaux nécessaires, dans un délai de quatre mois. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chaillac est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chaillac ainsi qu'à Mme M... F....

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme L... I..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... H..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2021.

La rapporteure,

Kolia H...

La présidente,

Catherine I...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de l'Indre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01840


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