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09/03/2021 | FRANCE | N°19BX04243

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 mars 2021, 19BX04243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900614 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2019, M. A...,

représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900614 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- cette décision n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; le préfet n'a pas précisé les articles de l'accord d'association entre la CEE et la Turquie du 23 décembre 1963 qu'il a appliqués, ni pris en considération les articles 37P et 39P du protocole du 1er janvier 1973 signé entre la CEE et la Turquie et la décision 3/80 du 20 septembre 1980, invocable selon la décision de la CJCE du 20 septembre 1990, " SZ SEVINCE c/ Staatssecretaris van Justitie " ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour alors qu'il est entré en France en 2012 par regroupement familial, qu'il a suivi le parcours d'intégration, a obtenu un emploi et que ses parents se sont vu délivrer un titre de séjour à la suite de l'annulation du refus de séjour qui leur avait été opposé ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour mention salarié conformément aux articles 37P et 39P du protocole du 1er janvier 1973 ainsi que de la décision du 19 septembre 1980 car son père a été autorisé au séjour par l'emploi depuis 2010 et qu'il justifie de plus de trois ans de séjour régulier en France.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision contesté méconnaît l'article 14 de la décision 1/80 de la cour de justice des communautés européennes ;

- il reprend l'intégralité des moyens et arguments invoqués pour contester la légalité interne de la décision de refus de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale ;

- subsidiairement, il reprend l'intégralité des moyens et arguments invoqués pour contester la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire national ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors notamment qu'elle ne vise pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui en constitue le fondement légal ;

- la décision contestée méconnaît les conditions prévues par les accords de coopération et d'association signés entre la communauté économique européenne (CEE) et la Turquie le 12 septembre 1963 et le Protocole additionnel du 29 décembre 1972.

Par un mémoire en défense, enregistré 5 février 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- la décision n° 3/80 du conseil d'association du 19 septembre 1980 relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 1406-2020 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 16 avril 1994, est entré régulièrement en France en 2012, accompagné de sa mère et de sa soeur dans le cadre d'un regroupement familial. Il a bénéficié d'un titre de séjour " vie privée et familiale " régulièrement renouvelé jusqu'en septembre 2017. Par un arrêté du 11 février 2019, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement en France en 2012 alors qu'il était mineur, pour rejoindre son père dans le cadre de la procédure de regroupement familial et a obtenu un titre de séjour renouvelé jusqu'au 8 septembre 2017. Il n'est pas contesté qu'il vit avec ses parents et sa soeur depuis cette date. M. A... a fait preuve d'une volonté d'intégration en participant à plusieurs stages de formation linguistique et civique. Il est titulaire du permis de conduire français et justifie avoir occupé un emploi salarié de janvier à mai 2018. En outre, par un jugement du 27 juin 2019, le tribunal a annulé les arrêtés du 11 février 2019 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer un titre de séjour au père et à la mère de M. A... au motif que ces refus portaient une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le préfet de la Haute-Vienne n'a pas fait appel de ces jugements. Dans ces conditions, eu égard à la présence des membres de sa famille en France, qui ont vocation à y séjourner, à l'intensité des liens qu'il entretient avec eux, ainsi qu'à son investissement pour s'intégrer à la société française, M A... est fondé, dans les circonstances particulières de l'espèce, à soutenir que l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2019.

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à Me F..., avocat de M. A..., au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens, ce versement entraînant renonciation de l'avocat à la part contributive de l'Etat, conformément au deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 juin 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 11 février 2019 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Abdelkadir A..., à Me F..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme C... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04243
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-09;19bx04243 ?
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