La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2021 | FRANCE | N°19BX03530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 mars 2021, 19BX03530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a accordé à la société Parc éolien des Gassouillis un permis de construire sept éoliennes et un poste électrique au lieu-dit Les Gassouillis sur le territoire de la commune de Bussière-Poitevine.

Par un jugement n° 1700138 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a accordé à la société Parc éolien des Gassouillis un permis de construire sept éoliennes et un poste électrique au lieu-dit Les Gassouillis sur le territoire de la commune de Bussière-Poitevine.

Par un jugement n° 1700138 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2019 et le 25 novembre 2020, l'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 9 août 2016 susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'information du public la plus précoce possible compte tenu de l'absence d'organisation d'une enquête publique préalable au regard des dispositions de l'article L. 103-3 du code de l'urbanisme du code de l'expropriation et de la directive 2011/92/UE ;

- il méconnait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors que le projet situé seulement à 1,9 kilomètres du saut de la Brame, patrimoine inscrit, et non à 4,7 kilomètres comme l'a mentionné à tort le tribunal, porte atteinte au paysage préservé et au patrimoine de la " vallée de la Gartempe et de ses affluents " et de la " vallée de la Vienne et de ses affluents " sites classés Natura 2000 qui ne présentent à ce jour aucun élément de verticalité moderne ; l'éolienne E2 est implantée en zone humide et va conduire à sa destruction ; le projet se trouve à 15 kilomètres de la collégiale de la commune du Dorat et à moins de 3 kilomètres de trois monuments historiques ; les avis émis par la commission d'enquête, la MRAE et l'architecte de bâtiments de France corroborent l'importance de cette atteinte sur un paysage naturel bocager et rural totalement préservé ; il porte atteinte à la vallée de la Gartempe considérée comme un lieu pittoresque ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des atteintes portées à la santé des personnes résidant à proximité en raison du stress occasionné par la présence et le bruit des aérogénérateurs ; les nuisances dues au phénomène des ombres portées sont également avérées, compte tenu de la proximité du projet pour les riverains notamment des lieux-dits " La Barre du Défend ", " Chez Périget " et " La Liardière " ;

- l'étude acoustique a mis en évidence un dépassement des seuils autorisés ponctuels des émergences règlementaires en particulier de nuit sur neuf zones d'habitation ;

- un impact négatif est également induit par le projet sur le patrimoine, le tourisme et l'immobilier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, la société Parc éolien des Gassouillis, société par actions simplifiée (SAS), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête de l'association est irrecevable à défaut d'intérêt à agir et subsidiairement, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant la société parc éolien de Gassouillis.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 août 2015, la société Parc éolien des Gassouillis a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'une centrale éolienne composée de sept éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bussière-Poitevine au lieu-dit Les Gassouillis. Par un arrêté du 9 août 2016, le préfet de la Haute-Vienne a accordé le permis de construire sollicité. L'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du permis de construire :

En ce qui concerne la participation du public :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement : " I - (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. (...) I. - Le projet d'une décision mentionnée au I ou, lorsque la décision est prise sur demande, le dossier de demande est mis à disposition du public (...) Les observations et propositions du public (...) doivent parvenir à l'autorité publique concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition. Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code, alors applicable : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". En application de l'annexe à cet article, les projets d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation doivent faire l'objet d'une étude d'impact. Tel est le cas des projets d'aérogénérateurs dotés d'un mât d'une hauteur supérieure à 50 mètres en vertu de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement. L'article L 123-1 du code de l'environnement dispose que : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ".

3. Ces différentes dispositions constituent, au sens de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement, des dispositions particulières prévoyant les situations dans lesquelles les décisions qu'elles énumèrent doivent être soumises à participation du public.

4. Le 1° du I de l'article L. 123-2 du code de l'environnement prévoit que les dossiers de demandes de permis de construire, portant sur des projets donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, font l'objet d'une enquête publique. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la réalisation d'une étude d'impact est systématiquement exigée pour les " installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, dont un au moins doté d'un mât d'une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres ", mentionnées dans la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ne s'appliquent pas aux permis de construire relatifs à de telles installations.

5. En l'espèce, les éoliennes projetées, d'une hauteur supérieure à 50 mètres, sont soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prévues par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ne peut être utilement soulevé à l'encontre du permis de construire en litige.

6. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la directive n° 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. / 2. L'évaluation des incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d'autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d'autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive ". Aux termes de l'article 4 de cette directive : " 1. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l'annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. (...) ". Les " installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie (parcs éoliens) " sont visées au i) du point 3 de l'annexe II. Enfin, aux termes de l'article 6 de cette directive : " (...) 2. À un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement visées à l'article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public (...): / a) la demande d'autorisation ; / b) le fait que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement (...) ; / c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, (...); / d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu'il existe, le projet de décision ; / e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l'article 5 ; / f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ; / g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article. (...) / 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement (...) ; / 5. Les modalités précises de l'information du public (...) et de la consultation du public concerné (...) sont déterminées par les États membres. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'information et la consultation du public ne sont requises que pour les projets soumis à une évaluation environnementale et que, pour les projets visés dans l'annexe II, une marge d'appréciation est laissée aux Etats membres pour déterminer s'ils doivent ou non être soumis à cette évaluation. En revanche, il ne résulte pas de ces mêmes dispositions qu'un même projet, pour lequel ces formalités sont requises, doive faire l'objet de plusieurs évaluations environnementales et de procédures d'information et de participation du public avant de pouvoir être mis en oeuvre.

8. En l'espèce, comme il a été dit, les éoliennes projetées, d'une hauteur totale de 182 mètres sont soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le droit national n'est pas compatible avec les objectifs de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 en ce qu'il ne soumet pas les demandes de permis de construire des éoliennes à la consultation préalable du public. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les exigences de cette directive en n'organisant pas, préalablement à la délivrance du permis de construire en litige, une procédure d'information comportant la mise à la disposition du public des demandes de permis de construire.

9. De troisième part, aux termes de l'article L. 103-3 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2016 : " Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : 1° L'autorité administrative compétente de l'Etat lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat ; (...) ". Aux termes de l'article L. 103-4 du code de l'urbanisme : " Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente ". Aux termes de son article L. 103-6 : " A l'issue de la concertation, l'autorité mentionnée à l'article L. 103-3 en arrête le bilan. / Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête ". L'article L. 600-11 du même code prévoit : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux articles L. 103-2 et L. 300-2 ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution ". Par ailleurs, une irrégularité éventuellement commise dans le déroulement d'une procédure suivie à titre facultatif par l'administration est de nature à vicier la validité de la décision intervenue.

10. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a, de sa propre initiative, procédé à une concertation tant auprès du public que des acteurs locaux par la mise en place d'une lettre d'information et d'un blog d'information et d'échange afin de permettre le suivi de l'avancement du projet lequel a en outre été mis à la disposition de la mairie du 3 au 7 août 2015. Cependant, ainsi que l'a mentionné le tribunal, en réponse à une mesure d'instruction, le préfet de la Haute-Vienne a indiqué n'avoir pris aucune décision pour définir les modalités de la concertation, comme le prévoit l'article L. 103-3 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, la société Parc éolien des Gassouillis indique ne pas avoir entendu se soumettre à la procédure de concertation prévue par les textes, et cette intention ne ressort pas des pièces du dossier. Dans ces conditions, en l'absence de procédure de concertation telle que prévue par les textes, l'association requérante ne peut utilement soutenir que les modalités de la concertation n'ont pas été suffisantes, en méconnaissance de l'article L. 103-4 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'atteinte aux paysages et monuments historiques :

11. Aux termes de l'article R. 111-21 devenu R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

12. Selon l'étude d'impact, le site d'implantation du parc éolien projeté s'inscrit dans les unités paysagères de la Basse Marche et des Terres froides, terres bocagères aménagées par l'homme, identitaires du Limousin et du Poitou-Charentes à la limite entre la Vienne et la Haute-Vienne. Ce lieu présente des espaces fermés marqués par des vallées peu profondes et des plateaux. Le projet de parc se situe plus précisément à environ 1,5 kilomètres au sud-ouest du site naturel classé de la vallée de la Gartempe, site encaissé, dans un secteur de bocage marqué par la structuration et l'exploitation des terres agricoles ainsi que par la présence de haies et de bosquets aménagés par l'homme et induisant un champ visuel fermé avec de temps en temps des prairies constituant des ouvertures ponctuelles. Ainsi, le site d'implantation du projet, s'il ne présente pas en lui-même d'intérêt paysager spécifique, se situe dans une région naturelle présentant un intérêt paysager certain.

13. Le parc éolien, composé de sept éoliennes d'une hauteur de 182 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison se situe à plusieurs kilomètres de sites inscrits au titre de Natura 2000. Si la requérante fait valoir que l'éolienne E2 entrainera la destruction d'une zone humide, il est prévu dans l'arrêté portant autorisation d'exploiter qu'" avant l'engagement des travaux, l'exploitant transmet à l'Inspection des installations classées les dispositions finalement retenues pour compenser l'altération de la zone humide résultant des travaux de construction de l'éolienne E2. A ce titre, sont communiqués un état des lieux des réseaux de drainage et du milieu naturel sur les parcelles D1036 et D1039 et une description des travaux envisagés permettant de revaloriser l'habitat naturel hydraulique de ces parcelles ou toute proposition alternative de même efficacité " en sorte que la perte de la zone humide sera obligatoirement compensée.

14. Si la requérante soutient par ailleurs que le parc sera visible depuis la vallée de la Gartempe, site naturel classé, il résulte de l'instruction et notamment des éléments non contredits de l'étude d'impact que les visibilités seront possibles uniquement en bordure de la vallée et qu'en outre, s'agissant notamment de la vue depuis le lieu-dit " chez Ragon ", cette visibilité sera toutefois modérée par l'alignement des éoliennes le long de la structure de la vallée et par le fait que leur partie inférieure sera masquée par le tissu végétal et arboré largement présent. Ainsi, bien que constituant un élément de verticalité, les éoliennes projetées, compte tenu de leur éloignement de ce bourg de plus de quatre kilomètres, de la végétation et des arbres et bosquets en nombre, ainsi que de la topographie des lieux, ne porteront pas une atteinte significative aux paysages avoisinants. Par ailleurs, si le site inscrit du Saut de la Brame se situe à moins de deux kilomètres du parc, compte tenu de la topographie des lieux et notamment de l'encaissement de la vallée et des éléments végétaux présents, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'une visibilité des éoliennes serait possible depuis ce site. Si la requérante fait état de la proximité du projet avec la collégiale du Dorat et de trois autres monuments historiques, elle ne précise pas quelle incidence particulière le parc serait susceptible d'avoir sur ces monuments classés ou inscrits alors que ces derniers sont éloignés de plus de deux kilomètres et jusqu'à quinze kilomètres du parc et qu'aucune covisibilité n'a été retenue dans le volet paysager de l'étude d'impact dont la mission régionale d'évaluation environnementale a au demeurant, souligné la qualité. En outre, toutes les lignes électriques implantées pour assurer le raccordement interne du parc, soit des éoliennes jusqu'au poste de livraison, seront enfouies afin de limiter l'impact visuel des installations. De plus, s'agissant des hameaux les plus proches, bien que les éoliennes pourront être visibles, eu égard aux plantations de bosquets et de haies et à la végétation déjà présente et alors que le parc éolien se situe à plus de 500 mètres des habitations les plus proches, les éléments du dossier ne permettent pas d'estimer que le parc éolien portera une atteinte significative sur ces hameaux. Dans ces conditions, et bien que le secteur présente un intérêt paysager et touristique, le permis de construire litigieux, qui doit être considéré comme une autorisation environnementale en application de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

16. En l'espèce, l'ensemble des habitations sont éloignées de plus de 500 mètres des éoliennes les plus proches. L'étude acoustique précise, sans être sérieusement contredite par la requérante, qui n'apporte, à l'appui de son argumentation, aucun élément technique suffisamment probant, que les émergences diurnes et nocturnes qui résulteront du fonctionnement des éoliennes ne dépassent pas, compte tenu du plan de bridage et d'arrêt des machines proposé, les valeurs autorisées sur le site projeté et que le projet respecte la réglementation en vigueur en ce qui concerne les nuisances sonores. L'autorisation d'exploiter délivrée par le préfet prévoit d'ailleurs l'obligation pour l'exploitant de mettre en oeuvre les mesures spécifiques et plus précisément le plan de bridage et d'arrêt des aérogénérateurs prévu dès la mise en service industrielle de l'installation afin de réduire au maximum les nuisances sonores et de respecter la règlementation. En outre, cet arrêté prévoit également qu'au cours des dix-huit premiers mois de fonctionnement du parc éolien, l'exploitant doit réaliser deux campagnes de mesures acoustiques en périodes estivale et hivernale, a minima au niveau des hameaux identifiés par les chiffres 1, 2, 3, 4, 5 et 8 sur la carte figurant en annexe de l'arrêté et correspondant aux hameaux les plus proches, selon les dispositions de la norme NF 31-114 dans sa version en vigueur. De même, l'arrêté prévoit que le plan de bridage des aérogénérateurs peut être renforcé, ou réajusté le cas échéant, au regard des résultats des mesures acoustiques réalisées et après information de l'inspection des installations classées. La seule circonstance que le rapport de l'Académie nationale de médecine en date du 9 mai 2017 intitulé " le retentissement du fonctionnement des éoliennes sur la santé de l'homme ", dépourvu de caractère normatif, propose, à titre conservatoire, par précaution, que soit respectée une distance de 1 500 mètres entre les éoliennes et les habitations ne suffit pas pour permettre de retenir une atteinte à la santé publique. Eu égard notamment aux mesures de suivi et d'adaptation mises en place, la requérante ne peut d'avantage s'appuyer sur le " témoignage médical " d'un médecin, le docteur HerbCoussons dont elle ne précise pas les compétences et qui ne permet pas d'estimer qu'en l'espèce, les nuisances sur les habitations les plus proches seraient avérées.

17. S'agissant des ombres portées, l'étude d'impact a étudié l'impact des éoliennes sur neuf habitations les plus proches et en conclut que pour six d'entre elles, les niveaux d'exposition habituellement considérées comme tolérés seront respectés. Pour les trois autres, les riverains des hameaux de la Barre du Défend, de Chez Périguet et de La Liardière, les seuils considérés comme tolérés sont potentiellement dépassés, tant pour la durée d'exposition quotidienne qu'annuelle. Toutefois, l'étude précise que la modélisation a été réalisée avec des paramètres maximisant sur les conditions de fonctionnement des éoliennes et indique que le contexte boisé de haies et de bosquets aux alentours va participer à diminuer la perception des ombres portées auprès de ces riverains et aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que le phénomène des ombres portées que peuvent générer les éoliennes en l'espèce serait susceptible de porter atteinte à la santé des riverains lesquels conservent la possibilité, s'ils s'y croient fondés, de saisir la juridiction judiciaire d'un recours indemnitaire au titre des troubles anormaux du voisinage.

18. Par suite, en délivrant le permis de construire litigieux, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non- recevoir, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 août 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien du Gassouillis et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus est rejetée.

Article 2 : L'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus versera une somme de 1 500 euros à la société Parc éolien de Gassouillis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus, à la SAS Parc éolien des Gassouillis et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme E... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03530
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ARZEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx03530 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award