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29/03/2021 | FRANCE | N°19BX01144

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 29 mars 2021, 19BX01144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ambulances Taxi Bill ainsi que M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération en date du 23 mai 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Tréjouls a retiré l'autorisation de stationnement de taxi délivrée à M. et Mme D... par un arrêté municipal du 27 décembre 2007 et d'annuler l'arrêté en date du 5 juillet 2018 par lequel le maire de cette commune a retiré l'autorisation de stationnement de taxi délivrée à M. et Mme D... par un

arrêté municipal du 27 décembre 2007.

Par un jugement n° 1803932 du 21 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ambulances Taxi Bill ainsi que M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération en date du 23 mai 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Tréjouls a retiré l'autorisation de stationnement de taxi délivrée à M. et Mme D... par un arrêté municipal du 27 décembre 2007 et d'annuler l'arrêté en date du 5 juillet 2018 par lequel le maire de cette commune a retiré l'autorisation de stationnement de taxi délivrée à M. et Mme D... par un arrêté municipal du 27 décembre 2007.

Par un jugement n° 1803932 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération en date du 23 mai 2018 par laquelle le conseil municipal de Tréjouls a retiré l'autorisation de stationnement de taxi délivrée à M. et Mme D... par un arrêté municipal du 27 décembre 2007 et a rejeté le surplus des conclusions des requérants.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 mars 2019 et le 27 octobre 2020, la société Ambulances Taxi Bill ainsi que M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 février 2019, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté précité du 5 juillet 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 juillet 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit pour déterminer s'il y a bien eu exploitation effective et continue depuis 2008 de l'autorisation de stationnement en cause ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tréjouls la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- nonobstant la cession de la SARL en mars 2020, ils ont toujours intérêt à agir, dès lors que l'exploitation de la licence de taxi se fait par le biais d'un contrat de location-gérance ;

- l'arrêté du 5 juillet 2018 est insuffisamment motivé au regard des article L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la procédure contradictoire préalable, prévue par les articles L. 121-1 et suivants du même code, n'a pas été respectée ;

- le principe d'impartialité a été méconnu ; le maire de Tréjouls est une ancienne employée de l'entreprise des époux D... dans laquelle son CDD n'a pas été renouvelé ;

- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation, dès lors que le maire a considéré que l'exploitation en cause n'avait pas été effective en continu depuis 2008, comme ils en justifient ; en particulier, ni la commune ni le tribunal n'ont tenu compte des différents modes d'exploitation d'un taxi en milieu rural ; en outre, la commune a failli à son obligation de délimitation de la place de stationnement, ce qui lui interdit de se prévaloir d'un quelconque manquement à son encontre.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 mai 2019 et le 7 août 2020, la commune de Tréjouls, représentée par Me C..., conclut :

1°) à titre principal, avant-dire droit, à ce que soit ordonnée la production, par les requérants, de justificatifs d'une exploitation effective depuis mars 2008 de l'autorisation de stationnement ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge, solidairement, de la société Ambulances Taxi Bill ainsi que de M. et Mme D..., la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour la société Ambulances Taxi Bill et de Me B... pour la commune de Tréjouls.

Une note en délibéré pour la SARL Taxi Bill a été enregistrée le 8 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Ambulances Taxi Bill exerce à Dunes (Tarn-et-Garonne) depuis le 1er septembre 2014 une activité de taxis, pompes funèbres et ambulances, dans le cadre d'une location-gérance du fonds de commerce antérieurement exploité à titre individuel par M. et Mme D..., ses associés-gérants. A ce titre, une autorisation de stationnement de taxi n° 1 sur le territoire de la commune de Tréjouls, commune rurale de 250 habitants située dans le même département, initialement délivrée à M. et Mme D... par un arrêté municipal en date du 27 décembre 2007, a été transférée à la société Ambulances Taxi Bill. Par une délibération en date du 23 mai 2018, reçue en sous-préfecture le 31 mai 2018 et notifiée à M. et Mme D... par lettre en date du 28 juin 2018, le conseil municipal de la commune de Tréjouls a "décidé du retrait " de cette autorisation de stationnement. Par un arrêté en date du 5 juillet 2018, le maire de la commune de Tréjouls a décidé du retrait de cette même autorisation de stationnement. Par une ordonnance du 12 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de la délibération du 23 mai 2018 et de l'arrêté du 5 juillet 2018. Par un jugement du 21 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal du 23 mai 2018 comme entachée d'incompétence et a rejeté le surplus des conclusions des requérants. Par une ordonnance du 9 avril 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a à nouveau suspendu l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2018. La société Ambulances Taxi Bill et M. et Mme D... font appel du jugement du 21 février 2019, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du maire de Tréjouls du 5 juillet 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 3121-1 du code des transports : " Les taxis sont des véhicules automobiles (...) dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d'effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages. ". Aux termes de l'article L. 3121-1-2 du même code : " II.- Le titulaire de l'autorisation de stationnement justifie de son exploitation effective et continue dans des conditions définies par décret. ". Aux termes de l'article L. 3124-1 dudit code : " Lorsque l'autorisation de stationnement n'est pas exploitée de façon effective ou continue, ou en cas de violation grave ou répétée par son titulaire du contenu de cette autorisation ou de la réglementation applicable à la profession, l'autorité administrative compétente pour la délivrer peut donner un avertissement au titulaire de cette autorisation de stationnement ou procéder à son retrait temporaire ou définitif ". Aux termes de l'article R. 3121-6 de ce code : " La condition tenant à l'exploitation effective et continue de l'autorisation de stationnement prévue au II de l'article L. 3121-1-2 est justifiée soit par la copie des déclarations de revenus, soit par la copie des avis d'imposition pour la période concernée, soit par tout autre moyen défini par un arrêté de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de stationnement. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 417-10 du code de la route : " I.-Tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation. / II.- Est considéré comme gênant la circulation publique l'arrêt ou le stationnement d'un véhicule : (...) 2° Sur les emplacements réservés à l'arrêt ou au stationnement des véhicules de transport public de voyageurs, des taxis (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 9 juillet 2013 portant réglementation de l'exploitation des taxis et voitures de petite remise : " L'autorisation de stationnement d'un taxi sur la voie publique est délivrée par le maire. (...) le maire, s'il y a lieu, fixe le nombre de taxis admis à être exploités dans la commune, attribue les autorisations de stationnement, soumet celles-ci à des règles relatives aux horaires de début de service ou à la succession de conducteurs en cours de journée et délimite les zones de prise en charge ".

4. Pour édicter l'arrêté litigieux du 5 juillet 2018 " portant retrait d'une autorisation de stationner " à la société Ambulances Taxi Bill, le maire de Tréjouls s'est fondé sur la seule circonstance que si M. et Mme D... s'étaient vus accorder " l'autorisation d'exploiter un taxi " par un arrêté du 27 décembre 2007, " cette licence " n'était " plus exploitée depuis mars 2008 ". Le maire doit ainsi être regardé comme ayant abrogé l'autorisation, régulièrement transmise en 2014 par M. et Mme D... à la société Ambulances Taxi Bill, de stationner un de leurs taxis " sur la commune de Tréjouls ", comme l'énonçait l'arrêté du 27 décembre 2007. Pour établir la matérialité desdits faits, la commune produit un certain nombre d'attestations certifiant n'avoir jamais constaté la circulation ou le stationnement d'un véhicule taxi de la société Ambulances Taxi Bill sur le territoire de la commune.

5. Cependant, dans le dernier état de leurs écritures, les requérants, qui établissent suffisamment que l'activité de la société est exploitée en continu depuis 2014, font valoir, sans être contredits, d'une part, que ces attestations émanent de membres du conseil municipal et d'autre part, qu'aucun emplacement matérialisant le stationnement ou la zone de prise en charge autorisés pour les taxis de la société, n'a jamais été défini par la commune, ni aucun panneau implanté à cet effet, conformément à ce que prévoient tant l'article 5 de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 9 juillet 2013 que l'article R. 417-10 du code de la route précité. A cet égard en effet, l'arrêté du 27 décembre 2007 qui a accordé à M. et Mme D... une autorisation de stationnement pour leur taxi " sur la commune de Tréjouls ", ne définit aucun emplacement particulier pour ce stationnement. Les requérants produisent en outre de nombreuses attestations d'habitants de la commune affirmant avoir eu recours à un taxi de la société, et ce, de manière parfois plurihebdomadaire depuis de nombreuses années pour des personnes en dialyse, dès lors que, comme ils le font valoir, l'activité des taxis en milieu rural est en grande partie affectée au transport médical. A ce titre, ils produisent également la convention signée en février 2014 avec les organismes d'assurance-maladie du département, comportant en annexe une liste des véhicules conventionnés, la date de délivrance et le n° de l'autorisation de stationnement, la commune de rattachement de ladite autorisation et le nom du conducteur du véhicule en question, dont ils fournissent par ailleurs le contrat de travail, la liste en question faisant apparaître une autorisation de stationnement sur la commune de Tréjouls.

6. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que la société Ambulances Taxi Bill dispose d'une clientèle sur le territoire de la commune de Tréjouls pour laquelle elle est souvent la seule possibilité de transport pour des consultations ou des soins, le maire de Tréjouls ne pouvait légalement estimer que l'autorisation en litige, qui ne correspond à aucun emplacement particulier, n'était pas exploitée de manière effective et continue au sens des dispositions précitées du code des transports en se fondant sur les seules circonstances précitées. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté du maire de Tréjouls en date du 5 juillet 2018 prononçant le retrait de l'autorisation de stationnement accordée à M. et Mme D... et transmis à la SARL Ambulances Taxi Bill est entaché d'illégalité et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant-dire droit, que la SARL Ambulances Taxi Bill et M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de leurs conclusions, tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2018.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tréjouls une somme de 1 500 euros que demandent la SARL Ambulances Taxi Bill et M. et Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à leur charge la somme que demande la commune sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803932 du 21 février 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 5 juillet 2018 du maire de Tréjouls est annulé.

Article 3 : La commune de Tréjouls versera la somme de 1 500 euros à la société Ambulances Taxi Bill et à M. et Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusion de la commune de Tréjouls présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ambulances Taxi Bill et à M. et Mme D... ainsi qu'à la commune de Tréjouls.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2021.

La rapporteure,

F...

Le président,

Dominique Naves

La greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet du Tarn-et-Garonne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01144
Date de la décision : 29/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-06-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Taxis. Pouvoirs des maires.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : TANDONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-29;19bx01144 ?
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