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06/04/2021 | FRANCE | N°19BX00332

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 06 avril 2021, 19BX00332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Neretzat a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation du titre exécutoire n° 1946/216 du 14 décembre 2016 émis par le trésorier principal de la commune de Saint-Jean-de-Luz à son encontre, d'un montant de 342 520,41 euros au titre de sa participation pour non-réalisation de 19 places de stationnement, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de ce titre, ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette participation pou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Neretzat a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation du titre exécutoire n° 1946/216 du 14 décembre 2016 émis par le trésorier principal de la commune de Saint-Jean-de-Luz à son encontre, d'un montant de 342 520,41 euros au titre de sa participation pour non-réalisation de 19 places de stationnement, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de ce titre, ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette participation pour non-réalisation d'aires de stationnement au titre du permis de construire qui lui a été délivré le 20 novembre 2012 dans le cadre du projet de réhabilitation des logements et surfaces commerciales d'un immeuble.

Par un jugement n° 1700326 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Pau a annulé le titre exécutoire en litige ainsi que la décision implicite de rejet du recours administratif préalable formé à l'encontre de ce titre et a déchargé la société de la somme mise à sa charge.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2019 et 18 décembre 2020, la commune de Saint-Jean-de-Luz, représentée par la SELARL Pecassou-Camebrac et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 20 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Neretzat devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Neretzat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée en défense, dès lors que si les dispositions de l'article R. 332-23 du code de l'urbanisme imposant un recours administratif préalable obligatoire étaient abrogées à la date d'introduction de la requête de première instance, le fait générateur a eu lieu à une date à laquelle la participation financière pour non-réalisation de places de stationnement était encore en vigueur ; aucune décision expresse ou tacite de rejet de la réclamation de la société n'étant intervenue à la date d'introduction de la requête, celle-ci était irrecevable ; à titre subsidiaire, l'erreur de droit du tribunal résulte de l'application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative en lieu et place des dispositions de l'article R. 772-1 et R. 772-2 du code de justice administrative dès lors que la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement relève du contentieux fiscal ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la commune avait méconnu les dispositions de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme dès lors que le principe et le montant de la participation avaient été acceptés par la société lors de la délivrance de l'autorisation de construire et qu'elle a elle-même demandé à pouvoir en bénéficier en mentionnant le nombre de places à réaliser dans le tableau joint à son dossier de permis de construire modificatif ; la société a été informée de la possibilité de bénéficier de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement et de son montant dans le cadre du certificat opérationnel qui lui avait été accordé le 30 avril 2012 ; en outre, une lettre jointe aux arrêtés de permis de construire rappelait le principe du paiement de ladite redevance, le nombre de places manquantes, et le mode de calcul ; la mention du principe et du montant des taxes d'urbanisme dans le permis de construire n'est pas prévue par la loi ;

- en cas d'annulation, il appartiendra à la cour d'écarter, par l'effet dévolutif, les moyens soulevés en première instance par la société Neretzat tirés de l'absence de notification régulière du titre de recettes du 14 décembre 2016 et de l'absence de bien-fondé de la participation au regard des dispositions de l'article UA 12 du PLU.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, la société à responsabilité limitée (SARL) Neretzat, venant aux droits de la SCI Neretzat, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Saint-Jean-de-Luz ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... F...,

- les conclusions de Mme D... perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me A..., représentant la société Neretzat, et de Me E..., représentant la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Neretzat, devenue la société à responsabilité limitée Neretzat, a obtenu, le 20 novembre 2012, un permis de construire délivré par le maire de la commune de Saint-Jean-de Luz en vue de la réhabilitation de logements et de surfaces commerciales dans l'immeuble " Le Rex ", situé rue Gambetta. Par deux arrêtés du 29 août 2013 et 3 avril 2014, le maire de la commune a délivré à la société Neretzat deux permis modificatifs, ayant pour objet, d'une part, la réduction des surfaces commerciales, la modification de la typologie et des surfaces des logements, de la toiture et des façades et, d'autre part, la modification des garde-corps et la création d'un auvent sur la toiture terrasse. Par deux titres exécutoires du 17 avril 2015 et du 6 août 2015, la commune a mis à la charge de la société une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement d'un montant respectif de 18 027,39 euros et 324 493,02 euros correspondant à un déficit total de 19 places de stationnement. Ces deux titres exécutoires ont été retirés le 14 décembre 2016 et remplacés le même jour par un nouveau titre exécutoire d'un montant total de 342 520,41 euros. La société Neretzat a formé une réclamation préalable auprès du maire de la commune le 15 février 2017 et a saisi le même jour le tribunal administratif de Pau d'une demande en décharge. Par un jugement du 20 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire émis le 14 décembre 2016 ainsi que la décision par laquelle le maire de la commune de Saint-de-Jean-de-Luz a implicitement rejeté le recours administratif formé par la société contre ce titre et déchargé la société de l'obligation de payer la somme de 342 520,41 euros. La commune de Saint-Jean-de-Luz relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 332-23 du code de l'urbanisme, abrogé par le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 : " Les litiges relatifs à la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement sont de la compétence des juridictions administratives. Sans préjudice du recours pour excès de pouvoir susceptible d'être formé contre la décision d'octroi du permis de construire, les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôts directs ". Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. (...) ".

3. La commune de Saint-Jean-de-Luz fait valoir qu'en dépit de leur abrogation par le décret du 5 janvier 2016, les dispositions de l'article R. 332-23 du code de l'urbanisme continuaient à s'appliquer au litige l'opposant à la SCI Neretzat dès lors que le fait générateur de la créance de la commune était antérieur à cette abrogation, de sorte qu'en l'absence de réponse à la demande préalable de la société à la date d'enregistrement de sa requête de première instance, celle-ci était prématurée et irrecevable. Toutefois, les voies et délais de recours contre les créances non fiscales des collectivités locales sont régies par les seules dispositions de l'article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales, lesquelles n'imposent pas l'exercice d'un recours administratif préalablement à la saisine du juge. La demande de la SCI Neretzat, introduite dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire du 14 décembre 2016, conformément au 2° de l'article L. 1617-5 précité, était par suite recevable alors même qu'il n'avait pas encore été répondu à sa demande préalable.

Sur le bien-fondé de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 123-1-12 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire délivré le 20 novembre 2012 à la société Neretzat : " (...) Lorsque le plan local d'urbanisme impose la réalisation d'aires de stationnement, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. / Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant de l'alinéa précédent, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions. / En l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332 -7-1. ". Aux termes de l'article R. 332-22 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le redevable de la participation en obtient, sur sa demande, le dégrèvement ou la restitution : / a) En cas de péremption du permis de construire ; / b) En cas de retrait ou d'annulation du permis de construire ; / c) Si les constructions sont démolies en vertu d'une décision de justice pour violation d'une servitude de droit privé ; / d) Si, dans le délai de cinq ans à compter du paiement, la commune ou l'établissement public compétent n'a pas affecté le montant de la participation à la réalisation d'un parc public de stationnement ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) 2° (...) b) La participation destinée à la réalisation de parcs publics de stationnement prévue à l'article L. 332-7-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 332-7-1 du même code : " La participation pour non réalisation d'aires de stationnement prévue par l'article L. 123-1-2 est fixée par le conseil municipal. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-28 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 (...) sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 précitée. ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, que le fait générateur de la participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement est la délivrance du permis de construire et que cette participation qui ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l'autorisation de construire doit, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à la date à laquelle ce permis a été accordé. La délivrance d'un permis modificatif ne peut constituer le fait générateur d'une nouvelle participation se substituant à la précédente que dans le cas où ce nouveau permis emporte une modification substantielle du projet initial. Dans cette hypothèse, le permis modificatif est regardé comme se substituant au permis initial, cette substitution emportant retrait du premier permis au sens du b de l'article R. 332-22 du code de l'urbanisme précité.

7. En l'espèce, il est constant que ni le permis de construire initial délivré à la société Neretzat le 20 novembre 2012, ni le permis modificatif du 23 août 2013, ne comportaient la prescription d'une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement à la charge de la société Neretzat. Si la commune de Saint-Jean-de-Luz se prévaut d'un courrier non daté du service d'urbanisme de la commune comportant la référence au permis initial et indiquant le principe d'une participation financière pour non-réalisation de 22 places de stationnement, elle n'établit pas que ce courrier, lequel n'indiquait pas au demeurant le montant de la participation due, aurait été annexé audit permis et notifié à la société requérante qui soutient l'avoir reçu ultérieurement par envoi séparé. La commune ne peut davantage se prévaloir d'un accord de la société sur le principe de son paiement manifesté par l'envoi d'un courrier du 15 novembre 2012 qui ne peut constituer le fait générateur de la participation. Il suit de là que la commune ne pouvait assujettir la société Neretzat au paiement de la participation en cause, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Jean-de-Luz n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé le titre exécutoire du 14 décembre 2016 et a déchargé la société Neretzat du paiement de la somme de 342 520,41 euros.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz la somme de 1 500 euros à verser à la société Neretzat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions, font en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Neretzat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Jean-de-Luz est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Jean-de-Luz versera à la société Neretzat la somme de 1 500 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Neretzat et à la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00332
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-024 Urbanisme et aménagement du territoire. Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL PECASSOU-CAMEBRAC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-06;19bx00332 ?
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