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06/04/2021 | FRANCE | N°20BX02443

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 06 avril 2021, 20BX02443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904853 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète du Tarn de procéder à u

n réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904853 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète du Tarn de procéder à un réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2020 et 16 février 2021, la préfète du Tarn, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis des erreurs de fait et a fait une interprétation inexacte du droit applicable ;

- en conditionnant la vérification de l'authenticité des documents d'identité à la saisine des autorités maliennes alors que l'incohérence des dates des différents documents présentés en violation des articles 193 du code civil malien et 153 du code de l'enfant avait suffi à établir que la présomption de l'article 47 ne jouait pas, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- le premier extrait d'acte de naissance de 2001 produit a fait l'objet d'un avis défavorable des services de la police aux frontières (PAF) au motif que le formalisme n'était pas régulier, le numéro de l'acte ne correspondant pas au numéro du registre ;

- la PAF a conclu en 2019 au caractère contrefait de l'acte de naissance établi en 2012 alors au surplus qu'il se réfère à un jugement supplétif qui n'avait pas lieu d'être dès lors que l'extrait d'acte de naissance faisait état d'une déclaration dans le délai légal ; la PAF a conclu à des documents techniquement authentiques mais présentant une anomalie en ce qu'ils ne mentionnent pas le nom de l'officier de l'état-civil et ont été délivrés sur la base d'un acte de naissance falsifié pour les deux extraits de naissance ;

- si la carte d'identité consulaire a été reconnue comme authentique, toutefois, elle a été délivrée sur la base de l'acte de naissance de 2001 contrefait de sorte que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que la date de naissance du requérant était confirmée par cette carte ;

- M. C... qui ne peut justifier de son âge ne peut se prévaloir de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- au titre de l'effet dévolutif de l'appel, aucun des moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté contesté n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février 2021 et 19 février 2021, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 600 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la préfète du Tarn ne sont pas fondés.

Par une décision du 11 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien, qui déclare être né le 20 novembre 2001, et être entré en France en décembre 2017 à l'âge de 16 ans, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 2 juillet 2018. Il a sollicité, le 4 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 août 2019, la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an. La préfète du Tarn relève appel du jugement du 7 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part aux termes aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. " Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 dudit code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour établir sa naissance au 20 novembre 2001 et, partant, son état de minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. C... a produit en 2017 un extrait d'acte de naissance n° 596/rg 08 ainsi qu'une copie d'extrait d'acte de naissance datés respectivement des 29 et 30 novembre 2001. Les services techniques de la police aux frontières de Toulouse ayant émis le 16 janvier 2018 un avis défavorable sur l'authenticité du document à la suite du constat d'une anomalie sur le numéro de registre de l'acte n°596/rg 08, M. C... a produit en 2018, un nouvel acte de naissance, deux extraits d'acte de naissance datés du 29 mars 2012 ainsi qu'une carte consulaire délivrée le 6 juin 2018. L'examen technique de ces derniers documents réalisé par la cellule fraude documentaire de la direction de la police aux frontières a permis à ce service de conclure au caractère contrefait de l'acte de naissance, à l'authenticité technique des extraits d'acte de naissance mais à leur délivrance sur la base d'un acte de naissance contrefait et s'agissant de la carte consulaire, à ce que " La carte est techniquement authentique et bien délivrée par l'ambassade du Mali en France, mais sur la base de l'acte de naissance contrefait, en trompant la vigilance du service ".

7. Pour remettre en cause le jugement attaqué, la préfète de la Gironde soutient que le tribunal ne pouvait conditionner la vérification de l'authenticité des documents d'identité à la saisine des autorités maliennes alors que l'incohérence des dates des différents documents présentés suffisait à justifier le refus de titre de séjour.

8. Toutefois, il ressort de la motivation du jugement que les premiers juges qui, pour annuler l'arrêté du 13 août 2019, ont accueilli le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits, n'ont pas entendu conditionner la vérification de l'authenticité des documents à la saisine préalable des autorités maliennes mais ont jugé que les constatations du service technique de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Toulouse ne permettaient pas, à elles seules, et dès lors qu'elles n'étaient pas corroborées par les autorités maliennes, de remettre en cause la date de naissance du requérant confirmée par la carte consulaire du 6 juillet 2018, laquelle a été délivrée sur la base de l'acte n°596/rg 08 du 29 novembre 2001, dont le caractère frauduleux n'a pas été retenu par les services de police.

9. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté, ainsi que des mentions portées sur la carte consulaire confirmant la date de naissance de M. C... au 20 novembre 2001, que cette carte a été établie non pas ainsi que le mentionne de manière erronée la police aux frontières dans son rapport du 17 juin 2019, sur présentation de l'acte de naissance contrefait de 2012, mais sur présentation de l'acte n° 596/rg 08 du 29 novembre 2001. Il ressort du rapport du 29 janvier 2018 que le format, le support ainsi que le texte pré-imprimé de l'acte n°596/rg 08 sont conformes mais que seul le numéro de registre est irrégulier dès lors que, les registres au Mali contenant 50 actes, l'acte n° 596 aurait dû se trouver dans le registre n° 12 et non 08. Toutefois, le rapport sur lequel s'est fondé la préfète du Tarn ne comporte pas, ainsi que l'a jugé le tribunal, de conclusions péremptoires quant à l'absence d'authenticité du document analysé et l'existence d'une éventuelle fraude documentaire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'évaluation de M. C... par l'équipe pluridisciplinaire du service d'évaluation et d'observation établi le 3 janvier 2017 à la suite de l'observation du comportement de l'intéressé, qu'aucun élément ne permettait de douter de sa minorité. Dans ces circonstances, en estimant que M. C... avait présenté des documents d'état civil falsifiés, sans avoir saisi l'autorité étrangère compétente pour la vérification du document d'état civil produit par M. C..., lequel ne pouvait être regardé comme étant manifestement frauduleux, et alors même que postérieurement au rejet de l'acte de naissance du 29 novembre 2001 par les services de l'Etat, l'intéressé a produit d'autres documents non authentiques, la préfète du Tarn, qui n'a pas renversé la présomption d'authenticité des documents produits par le requérant, a entaché sa décision de refus d'illégalité. Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits.

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 13 août 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. M. C... a obtenu l'aide juridictionnelle en date du 11 mars 2021 et son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D..., avocat de M. C..., de la somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance non compris dans les dépens, ce versement valant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Tarn est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée à la préfète du Tarn.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... E..., première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02443
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-06;20bx02443 ?
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