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20/04/2021 | FRANCE | N°19BX00108

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 avril 2021, 19BX00108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn lui a retiré son agrément pour l'accueil de personnes âgées à son domicile et de condamner le département à lui verser la somme globale de 79 915,96 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1605600, 1700481 et 1700638 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du président

du conseil départemental du Tarn du 17 octobre 2016 et a condamné le département à ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn lui a retiré son agrément pour l'accueil de personnes âgées à son domicile et de condamner le département à lui verser la somme globale de 79 915,96 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1605600, 1700481 et 1700638 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du président du conseil départemental du Tarn du 17 octobre 2016 et a condamné le département à verser à Mme H... la somme de 45 133,38 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 janvier 2019, 27 mai 2019 et 29 septembre 2020, le département du Tarn, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme H... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de Mme H... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le retrait de l'agrément de Mme H... est fondé sur des faits avérés de harcèlement et d'agression du personnel soignant intervenant à son domicile et de carence dans la prise en charge des personnes âgées qu'elle accueillait ;

- en l'absence d'illégalité du retrait de son agrément, la demande indemnitaire de Mme H... n'est pas fondée ;

- à supposer la décision de retrait de l'agrément illégal, il y a lieu de prendre en compte les revenus de remplacement perçus par Mme H... pour calculer le préjudice financier subi qui doit se limiter à une perte de revenus de 3 599,51 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mars 2019 et 8 septembre 2020, Mme H..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du département du Tarn le paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Tarn ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant le département du Tarn et Me E..., représentant Mme H....

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... a été agréée par le département du Tarn le 26 novembre 2007 en vue de l'accueil à son domicile d'une personne âgée à temps complet de façon permanente et régulière. Son agrément a été étendu pour l'accueil de trois personnes âgées et a été, en dernier lieu, renouvelé par une décision du 23 octobre 2012. Par une décision du 17 octobre 2016, le président du conseil départemental du Tarn a retiré l'agrément de l'intéressée. Le département du Tarn relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de retrait du 17 octobre 2016, l'a condamné à verser à Mme H... la somme de 45 133,38 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de cette décision et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme H....

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 octobre 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil général de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. / La décision d'agrément fixe, dans la limite de trois, le nombre de personnes pouvant être accueillies. / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue et une initiation aux gestes de secourisme organisées par le président du conseil départemental et si un suivi social et médico-social des personnes accueillies peut être assuré. Un décret en Conseil d'État fixe les critères d'agrément. / Tout refus d'agrément est motivé (...) ". Aux termes de l'article L. 441-2 du même code : " Le président du conseil général organise le contrôle des accueillants familiaux, de leurs remplaçants et le suivi social et médico-social des personnes accueillies. / Si les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 441-1 cessent d'être remplies, il enjoint l'accueillant familial d'y remédier dans un délai fixé par le décret mentionné au même article. S'il n'a pas été satisfait à cette injonction, l'agrément est retiré après avis de la commission consultative. (...) En cas d'urgence, l'agrément peut être retiré sans injonction préalable ni consultation de la commission précédemment mentionnée. ".

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

3. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse du 17 octobre 2016 que le retrait de l'agrément accordé à Mme H... pour l'accueil à son domicile de trois personnes âgées est fondé sur la circonstance que les services du département du Tarn ont été informés d'un dépôt de plainte à l'encontre de l'intéressée pour des faits de violences en réunion envers l'une des deux infirmières intervenant à son domicile et que, selon les éléments recueillis, les conditions d'accueil ne garantissaient plus la protection de la santé, de la sécurité et du bien-être physique et moral des personnes âgées accueillies.

4. D'une part, le procès-verbal de la plainte, produit par le département pour la première fois en appel, est particulièrement circonstancié sur les faits de violence commis en réunion le 23 septembre 2016 par Mme H... et son entourage familial à l'encontre de l'infirmière et il est corroboré par un certificat médical établi le jour même des faits constatant l'état de stress de cette infirmière ainsi que des traces de coups au niveau de ses membres supérieurs et concluant que l'état de santé de l'intéressée justifiait une incapacité temporaire de travail d'une durée de huit jours. Les faits de harcèlement sexuel commis par l'époux de Mme H... depuis le mois de juillet 2016 envers les deux infirmières et qui sont invoqués par la première infirmière lors de son dépôt de plainte sont également corroborés par le témoignage, également circonstancié, recueilli par les services du département auprès de la seconde infirmière. Dès lors, et quelle que puisse être l'issue des poursuites pénales engagées, la matérialité des faits reprochés à l'intéressée doit être regardée comme établie.

5. D'autre part, la circonstance que les faits reprochés à Mme H... ne concernent pas directement les personnes âgées qu'elle accueillait n'est pas de nature, compte tenu de la particulière violence dont elle a fait preuve à l'égard de l'infirmière intervenant trois fois par jour à son domicile, à permettre de considérer que la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes âgées accueillies étaient garantis. Si Mme H... fait valoir les témoignages recueillis en sa faveur, ces témoignages peu circonstanciés émanent de personnes, notamment de professionnels de santé, bien moins présentes à son domicile qui ne peuvent suffire à caractériser la qualité de son accueil. Par ailleurs la circonstance qu'elle était titulaire d'un agrément depuis plusieurs années ne faisait pas obstacle à ce que le président du conseil départemental en prononçât le retrait en fonction des circonstances de fait relatées ci-dessus alors que déjà son agrément avait été restreint, lors du dernier renouvellement, à l'accueil des personnes âgées et non plus également aux personnes handicapées, compte tenu notamment d'un manque de réflexion sur sa pratique professionnelle et la nécessité d'une mobilisation plus importante dans les accompagnements proposés. Par suite, en procédant au retrait de l'agrément de Mme H..., compte tenu des éléments dont il disposait à la date de sa décision, relatifs aux risques qu'elle et son entourage faisaient courir pour la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, le président du conseil départemental du Tarn n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur les motifs tirés d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur d'appréciation pour annuler la décision du président du conseil départemental du Tarn du 17 octobre 2016.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme H... devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme H... :

8. Ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, la décision litigieuse du 17 octobre 2016 énonce que le retrait de l'agrément accordé à Mme H... pour l'accueil à son domicile de trois personnes âgées est fondé sur la circonstance que les services du département du Tarn ont été informés d'un dépôt de plainte à l'encontre de l'intéressée pour des faits de violences en réunion envers l'une des deux infirmières intervenant à son domicile et qu'ainsi, selon les éléments recueillis, les conditions d'accueil ne garantissaient plus la protection de la santé, de la sécurité et du bien-être physique et moral des personnes âgées accueillies. La décision litigieuse mentionne ensuite que le retrait de l'agrément intervient en vertu de la procédure d'urgence prévue par l'article L. 441-2 du code de l'action sociale et des familles. Dès lors cette décision comporte avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit, par suite, être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision de retrait du 17 octobre 2016 a été notifiée le jour même en mains propres à Mme H... par les agents du service qui ont ensuite procédé au transfert des personnes âgées accueillies vers d'autres accueillants familiaux ou établissements médico-sociaux. Dès lors et contrairement à ce que soutient la requérante, la décision litigieuse n'est pas entachée d'une rétroactivité illégale alors même que cette décision lui a également été notifiée postérieurement par voie postale avec accusé de réception.

10. Eu égard aux éléments recueillis par les services du département ainsi qu'ils sont rappelés au point 3 ci-dessus, le président du conseil départemental, en procédant au retrait en urgence de l'agrément de Mme H..., n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 441-2 de l'action sociales et des familles.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui précède que la décision du 17 octobre 2016 portant retrait de l'agrément de Mme H..., qui n'est pas entachée d'une illégalité fautive, n'est pas de nature à engager la responsabilité du département du Tarn à l'égard de celle-ci.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de retrait d'agrément de Mme H... du 17 octobre 2016, l'a condamné à lui verser la somme de 45 133,38 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département du Tarn, qui n'est pas la partie perdante, le paiement de la somme demandée par Mme H... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme H... la somme que demande le département du Tarn au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme H... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... H... et au département du Tarn.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00108 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00108
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-03-02-01-01 Collectivités territoriales. Département. Attributions. Compétences transférées. Action sociale.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN BELLEN-ROTGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-20;19bx00108 ?
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