La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2021 | FRANCE | N°20BX03916,20BX03918

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 30 avril 2021, 20BX03916,20BX03918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Dordogne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, avec signalement de non-admission dans le système d'information Schengen. Il a également demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Co

rrèze l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Dordogne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, avec signalement de non-admission dans le système d'information Schengen. Il a également demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Corrèze l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000694 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020 du préfet de la Dordogne. Par un jugement n° 2000659 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020 du préfet de la Corrèze.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 20BX03916 le 2 décembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 14 mai 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre de l'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est en contradiction avec l'arrêt n° 19BX04096 du 8 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a annulé la décision de refus de titre de séjour du 15 décembre 2016 et enjoint au préfet de la Corrèze de procéder au réexamen de sa situation ;

- les premiers juges auraient dû apprécier la légalité de la mesure d'éloignement au regard de son droit au séjour en fonction des changements de circonstances de fait ou de droits intervenus depuis la décision relative au séjour devenue définitive ;

- le préfet a méconnu l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucune information ne lui a été remise au moment de la notification de l'arrêté du 14 mai 2020 ;

- cet arrêté n'est pas suffisamment motivé en droit ;

- le préfet n'a jamais justifié l'assignation à résidence par une quelconque nécessité et ainsi commis une erreur d'appréciation et méconnu l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale dès lors que cette décision se fonde à tort sur une décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne s'est estimé incompétent pour examiner sa demande de titre de séjour alors qu'il aurait dû transmettre cette demande au préfet compétent, et les premiers juges auraient dû annuler cette décision pour ce motif ; elle ne pouvait être fondée par la décision de refus de titre de séjour du 22 août 2016, alors qu'il avait déposé des demandes de titre de séjour ultérieurement ; elle ne pouvait être prise alors que sa demande de titre de séjour enregistrée le 25 mai 2018 devait être regardée comme étant en cours d'examen, dès lors que son dossier était complet depuis le 15 novembre 2019 et alors que l'administration était tenue de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et est entachée d'une erreur d'appréciation, sa situation relevant du champ du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1996 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2021, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 20BX03918 le 2 décembre 2020 et le 7 décembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 14 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent au regard de son lieu de résidence de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre de l'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas tenu compte de l'arrêt n° 19BX04096 du 8 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a annulé la décision de refus de titre de séjour du 15 décembre 2016 et enjoint au préfet de la Corrèze de procéder au réexamen de sa situation ;

- les premiers juges auraient dû apprécier la légalité de la mesure d'éloignement au regard de son droit au séjour en fonction des changements de circonstances de fait ou de droits intervenus depuis la décision relative au séjour devenue définitive ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- les moyens invoqués à l'égard de la régularité du jugement entraînent son annulation ;

- cette décision se fonde à tort sur une décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne s'est estimé incompétent pour examiner sa demande de titre de séjour alors qu'il aurait dû transmettre cette demande au préfet compétent, et les premiers juges auraient dû annuler cette décision pour ce motif ;

- cette décision ne pouvait être fondée par la décision de refus de titre de séjour du 22 août 2016, alors qu'il avait déposé des demandes de titre de séjour ultérieurement ;

- cette décision ne pouvait être prise alors que sa demande de titre de séjour enregistrée le 25 mai 2018 devait être regardée comme étant en cours d'examen, dès lors que son dossier était complet depuis le 15 novembre 2019 et alors que l'administration était tenue de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et est entachée d'une erreur d'appréciation, sa situation relevant du champ du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1996 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet a méconnu le principe du contradictoire ;

- le préfet a commis une erreur de fait dès lors qu'aucune infraction n'a été relevée, une erreur d'appréciation et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale ;

- pour les mêmes motifs, le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est illégal ;

En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'exerce pas une activité professionnelle illégalement ;

- elle méconnaît l'article 7-2 de la directive UE 2008/115/CE et est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 12 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 31 octobre 1995, est entré sur le territoire français le 19 mai 2016 muni d'un visa de court séjour. Il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 22 août 2016, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Une deuxième demande de titre de séjour a été rejetée par un arrêté du 15 décembre 2016. Par sa requête n° 20BX03918, il relève appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Dordogne l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Par une seconde requête n° 20BX03916, il relève appel du jugement du 20 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet de la Corrèze l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, pris sur le fondement de l'arrêté du même jour du préfet de la Dordogne.

2. Ces requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Si M. C... soutient que le jugement attaqué contredit l'arrêt n° 19BX04096 du 8 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et que les premiers juges auraient dû apprécier la légalité de la mesure d'éloignement au regard des changements de circonstances de droit et de fait intervenus depuis la décision de refus de titre de séjour du 22 août 2016, ces circonstances ont trait au bienfondé du jugement attaqué, et non à sa régularité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

5. Le préfet de la Dordogne a fondé la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. C... sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier s'étant maintenu en France en dépit d'une décision de refus de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " du 22 août 2016, devenue définitive. Contrairement à ce que soutient M. C..., aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige ne pouvait être fondée sur le refus de titre de séjour du 22 août 2016 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, à supposer même que le préfet de la Dordogne ait entendu se fonder sur le courrier du 25 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a informé le requérant qu'il ne donnerait pas suite à sa demande de titre de séjour au motif qu'il n'était pas territorialement compétent, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors que le préfet de la Dordogne pouvait légalement fonder cette mesure d'éloignement sur le maintien en France de M. C... en dépit du refus de titre de séjour qui lui avait été opposé le 22 août 2016, ainsi qu'il vient d'être dit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait se fonder sur une décision d'incompétence territoriale doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. C... ne pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté litigieux, d'un quelconque droit au séjour en qualité d'étudiant, dès lors qu'il ne justifie pas d'une entrée en France sous couvert d'un visa de long séjour, en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la circonstance qu'il ait déposé une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étudiant auprès du préfet de la Corrèze le 30 octobre 2019, complétée le 15 novembre suivant, et qu'aucune décision de rejet, notamment implicite, ne soit intervenue à la date de l'arrêté litigieux en application de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la Dordogne se fonde sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus pour prendre l'arrêté du 14 mai 2020. Pour les mêmes motifs, l'annulation par un arrêt n° 19BX04096 de la présente cour du 8 juin 2020 du refus de titre de séjour du 15 décembre 2016 pris à l'encontre de M. C... pour erreur de droit et absence d'examen particulier de sa situation est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de base légale doivent être écartés.

8. En quatrième lieu, l'absence de mention, dans l'arrêté du 14 mai 2020, de ce que M. C... avait déposé une troisième demande de titre de séjour en qualité d'étudiant n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de la situation de M. C... par le préfet de la Dordogne, ou qu'il se serait abstenu d'exercer son pouvoir d'appréciation, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, cette demande était sans incidence sur le droit au séjour du requérant sur le territoire français.

9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la demande de titre de séjour déposée par M. C... le 30 octobre 2019 auprès du préfet de la Corrèze était en cours d'examen à la date de l'arrêté litigieux. Pas suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige devait explicitement se prononcer sur un refus implicite de titre de séjour qui serait intervenu doit être écarté comme inopérant.

10. Enfin, la seule circonstance que M. C... poursuivrait avec succès des études et qu'il est pris en charge par sa famille n'est pas de nature à révéler une méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et stipulations et de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, l'arrêté du 14 mai 2020 mentionne que M. C... présente un risque de fuite dès lors notamment qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement et se maintient irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de délai de départ volontaire manque en fait et doit être écarté.

12. En deuxième lieu, en se fondant sur le motif tiré de ce que M. C... serait entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il exercerait illégalement une activité professionnelle, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur le risque de fuite que présentait l'intéressé en raison du défaut d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.

13. Enfin, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; ".

14. M. C... ne peut se prévaloir utilement de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 dès lors que ce texte a été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Par ailleurs, le préfet a pu considérer à bon droit que M. C... présentait un risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, dès lors qu'il s'était déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement. A cet égard, sa seule situation d'étudiant était sans influence sur l'appréciation portée par le préfet sur le risque de soustraction défini par les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne peuvent être utilement invoquées. Par ailleurs, le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...)L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

17. Il ressort des termes de l'arrêté du 14 mai 2020, que pour prendre la décision contestée, le préfet de la Dordogne s'est fondé sur la durée de séjour en France de l'intéressé, sur sa situation familiale, sur la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et a indiqué qu'il ne représentait pas une menace pour l'ordre public bien qu'il ait commis des infractions routières. Si M. C... fait valoir que ce dernier motif est erroné, il ressort des pièces du procès-verbal d'audition du 13 mai 2020 que l'intéressé reconnaît que la conséquence du contrôle des services de gendarmerie est " une infraction au code de la route ". Dans ces conditions, le préfet de la Dordogne ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur de fait. En outre, sa seule situation d'étudiant ne permet pas de regarder cette mesure comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

18. Enfin, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire ". En vertu du second alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées.

19. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou prolonge l'interdiction de retour dont cet étranger fait l'objet, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet en tant que telle d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, M. C... ne peut pas utilement présenter des conclusions tendant à l'annulation de la décision de signalement aux fins de non admission de l'intéressé dans le système d'information Schengen.

Sur l'arrêté du 14 mai 2020 portant assignation à résidence :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté du 14 mai 2020 du préfet de la Corrèze à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.

21. En deuxième lieu, l'arrêté en litige mentionne notamment l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que M. C... a fait l'objet d'un arrêté du 14 mai 2020 portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour sur le territoire français d'un an et que l'exécution de cette mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Ainsi, M. C... a été mis en mesure de comprendre sur quelles dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet a entendu fonder sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation en droit doit être écarté.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ". Aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 (...) est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie (...) ".

23. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que la remise du formulaire d'information mentionné au point précédent doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Ainsi, cette formalité peut être remplie postérieurement à l'édiction de la décision d'assignation à résidence. Par suite, l'absence d'information telle que prévue aux articles L. 561-2-1 et R. 561-5 cités ci-dessus est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, laquelle s'apprécie à la date de son édiction.

24. Enfin, M. C... ne fait état d'aucune circonstance propre à sa situation qui permettrait d'estimer que la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre ne serait pas nécessaire dans son principe ou dans ses modalités, et présenterait ainsi un caractère disproportionné, alors que le préfet a justifié cette mesure par la perspective raisonnable d'éloignement de ce dernier. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation du préfet doivent être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués n° 2000659 et n° 2000694, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, le paiement des sommes que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 20BX03916 et n° 20BX03918 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne et au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

Mme F..., première conseillère,

Mme E... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.

Le président,

Didier Salvi

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03916, 20BX03918 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03916,20BX03918
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-30;20bx03916.20bx03918 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award