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04/05/2021 | FRANCE | N°19BX01252

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 04 mai 2021, 19BX01252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la note de service du 4 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arcachon a fixé le mode d'organisation des prises en charge au sein de l'activité de neurologie et d'enjoindre au centre hospitalier d'Arcachon de la rétablir dans l'intégralité de ses attributions médicales comprenant le suivi des patients hospitalisés, l'intervention dans le service des urgences et la prise en charge des accidents vasculaires c

rébraux (AVC) dans un délai de quinze jours à compter de la notificatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la note de service du 4 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arcachon a fixé le mode d'organisation des prises en charge au sein de l'activité de neurologie et d'enjoindre au centre hospitalier d'Arcachon de la rétablir dans l'intégralité de ses attributions médicales comprenant le suivi des patients hospitalisés, l'intervention dans le service des urgences et la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1604344 du 7 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019 et un mémoire enregistré le 2 septembre 2020, Mme A..., représentée par la SELARL Pigeanne, Panighel et

Lapalus-Dignac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la note de service du 4 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Arcachon de la rétablir dans l'intégralité de ses attributions médicales comprenant le suivi des patients hospitalisés, l'intervention dans le service des urgences et la prise en charge des AVC dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arcachon une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir dès lors que la note de service a des conséquences graves sur son exercice professionnel et lui fait perdre une partie de sa rémunération ;

- la note de service, qui fusionne les services de neurologie et de médecine interne et lui retire la quasi-totalité de ses attributions médicales, modifie substantiellement l'organisation interne de l'établissement et nécessitait une révision du projet d'établissement ; elle est ainsi entachée d'un vice de forme au regard des dispositions des articles L. 6143-1, L. 6143-7 et R. 6144-1 du code de la santé publique ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait été préfigurée par la décision du directoire du 9 février 2016, qui ne prévoit pas la disparition du service de neurologie, et qu'elle était provisoire, alors qu'elle est en vigueur depuis trois ans malgré le recrutement de nouveaux neurologues ;

- la note de service, qui avait pour seul objectif de limiter ses attributions médicales, constitue une mesure individuelle défavorable ; elle n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la note de service, qui n'a pas pour objectif de consolider l'équipe médicale mais de la mettre à l'écart, est entachée de détournement de pouvoir ;

- la note de service, qui lui laisse des tâches subalternes et confie à sa collègue, débutante et non titulaire de la fonction publique la responsabilité des hospitalisations et des urgences de neurologie, est contraire à l'intérêt du service et entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2020, le centre hospitalier d'Arcachon, représenté par le cabinet Noyer-Cazcarra Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la note de service se borne à tirer les conséquences de la décision du 11 février 2016, non contestée par l'intéressée, mettant fin dans l'intérêt du service aux fonctions de responsable du service de neurologie de Mme A..., et à redéfinir l'organisation des prises en charge en neurologie afin d'apaiser les tensions entre les deux neurologues, dans l'attente de la consolidation de l'équipe médicale attendue pour le mois de novembre 2016 ; ainsi, elle constitue une simple mesure d'ordre intérieur et ne fait pas grief, de sorte que la demande de première instance était irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2021.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., représentant Mme A... et de Me D..., représentant le centre hospitalier d'Arcachon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., médecin neurologue exerçant au centre hospitalier d'Arcachon en qualité de praticien hospitalier depuis 2005 et titularisée le 1er juillet 2010, a été nommée chef du service de neurologie de cet établissement à compter du 1er juillet 2011. Après la démission, au 1er septembre 2013, du second neurologue exerçant ses fonctions à temps plein dans ce service, l'établissement hospitalier a rencontré des difficultés pour recruter durablement de nouveaux praticiens. En 2015, l'agence régionale de santé, qui avait envisagé la fermeture du service de neurologie dont la direction de l'établissement souhaitait le maintien, a organisé un audit afin d'évaluer son organisation et de présenter des propositions pour l'amélioration et le développement de son activité. Un médecin neurologue a réalisé cet audit le 13 novembre 2015, alors que deux nouveaux praticiens contractuels avaient été recrutés. Il a identifié deux problèmes majeurs, l'un organisationnel et l'autre relationnel, liés " à un épuisement professionnel et à la volonté du docteur A... de tout organiser, ce qui paraît difficile et source de conflits ", et il a recommandé d'opter pour une organisation claire et des projets écrits, validés par l'ensemble de l'équipe, en confiant la chefferie de service soit au chef de pôle pour une durée limitée permettant une réorganisation, soit au docteur A... pour une durée probatoire de six mois " avec réévaluation par un avis extérieur des modifications impératives d'organisation et de comportement ". Lors d'une réunion du 9 février 2016 consacrée à l'organisation médicale du service de neurologie, le directoire a validé une organisation consistant à confier provisoirement la fonction de chef de ce service au chef du pôle de médecine, avec pour mission d'en définir l'organisation en relation avec les praticiens et l'encadrement soignant, et a défini pour chacun des trois praticiens un secteur autonome d'activité. Par décisions des 11 et 16 février 2016, le directeur du centre hospitalier d'Arcachon a mis fin aux fonctions de responsable du service de neurologie de Mme A... et a nommé le chef du pôle de médecine responsable de ce service, à titre provisoire, pour la période du 12 février au 30 septembre 2016. L'un des trois neurologues, ayant démissionné le 23 mars 2016 pour des raisons étrangères au service, le directeur de l'établissement a, par une note de service du 4 mai 2016, rattaché transitoirement les 14 lits de neurologie au service de médecine interne sous la responsabilité confirmée du chef du pôle de médecine et a défini deux secteurs d'exercice et de prise en charge de l'activité de neurologie, confiés respectivement au docteur A... et au second neurologue, dans l'objectif d'une consolidation de l'équipe médicale prévue pour le 2 novembre 2016. Mme A... relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette note de service et d'injonction au centre hospitalier d'Arcachon de la rétablir dans l'intégralité de ses attributions médicales.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6143-1du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " Le conseil de surveillance se prononce sur la stratégie et exerce le contrôle permanent de la gestion de l'établissement. Il délibère sur : 1° Le projet d'établissement mentionné à l'article L. 6143-2 (...). " Aux termes de l'article L. 6143-2 du même code : " Le projet d'établissement définit, notamment sur la base du projet médical, la politique générale de l'établissement. (...). ". Selon le 7° de l'article L. 6143-7, le directeur arrête l'organisation interne de l'établissement après concertation avec le directoire. Aux termes de l'article

R. 6144-1 : " I. La commission médicale d'établissement est consultée sur (...) / 4° L'organisation interne de l'établissement mentionnée au 7° de l'article L. 6143-7. A ce titre, la commission se prononce notamment sur la cohérence médicale et la conformité au projet médical de l'organisation en pôles de l'établissement ; / (...) / II.- La commission médicale d'établissement est également consultée sur les matières suivantes : / (...) / 5° La politique de recrutement des emplois médicaux ; / (...). "

3. Contrairement à ce que soutient Mme A..., la note de service du 4 mai 2016 ne supprime pas le service de neurologie par absorption par le service de médecine, mais se borne à prendre des mesures d'organisation de l'activité de neurologie, placée à titre provisoire depuis le 12 février 2016 sous la responsabilité du chef du pôle de médecine, dans l'attente d'une consolidation de l'équipe médicale prévue pour le 2 novembre 2016. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le directoire avait validé une telle organisation le 9 février 2016, y compris en ce qui concerne l'affectation aux neurologues d'activités distinctes. La répartition de ces activités entre les deux neurologues restants après la démission imprévue du troisième, dans l'attente d'un nouveau recrutement, n'était de nature à modifier ni le projet médical, ni l'organisation interne de l'établissement, ni la politique de recrutement des emplois médicaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté. La circonstance, à la supposer établie, que l'organisation provisoire ainsi fixée aurait perduré, est sans incidence sur la légalité de la note de service à la date à laquelle elle a été prise.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...). " La note de service du 4 mai 2016 n'a pas pour objet de limiter les attributions médicales de Mme A..., mais d'organiser l'activité de neurologie dans le contexte particulier et selon les modalités exposées au point 1. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle constituerait une décision individuelle défavorable devant être motivée ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, les difficultés relationnelles récurrentes de Mme A... avec les autres neurologues, à l'origine de dysfonctionnements graves du service de neurologie, sont documentées par les pièces produites en première instance par le centre hospitalier d'Arcachon, ainsi que par le rapport d'audit du 13 novembre 2015. La note du 4 mai 2016, qui a pour objet d'assurer la continuité de ce service dans l'attente de nouveaux recrutements, n'est pas entachée de détournement de pouvoir.

6. En quatrième lieu, si Mme A... fait valoir que la note de service lui laisserait des tâches subalternes et confierait à sa collègue débutante et non titulaire de la fonction publique la responsabilité des hospitalisations et des urgences de neurologie, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les tâches réparties par la note de service relèvent toutes des compétences d'un médecin spécialisé en neurologie, et d'autre part, que la collègue de Mme A..., titulaire du diplôme inter-universitaire neuro-vasculaire et ancienne responsable de l'unité neuro-vasculaire d'un centre hospitalier, est une professionnelle qualifiée et expérimentée. Par suite, les moyens tirés de ce que l'organisation prévue par la note en litige serait contraire à l'intérêt du service et entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme A... au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Arcachon à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Arcachon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... épouse A... et au centre hospitalier d'Arcachon.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Anne C..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01252
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers - Personnel médical.

Santé publique - Établissements publics de santé - Organisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SCP NOYER - CAZCARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-04;19bx01252 ?
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