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17/05/2021 | FRANCE | N°19BX00987

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 19BX00987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espaces Verts Caussat et Fils a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer le décompte général du lot n°8 " Espaces Verts " du marché de travaux pour la réalisation des " Jardins Solidaires " sur le territoire de la commune d'Aussonne, conformément à son projet de décompte final et de condamner la commune d'Aussonne à lui payer le solde du marché d'un montant de 2 500 euros HT, assorti des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016.

Par un jugement n° 1605088

du 7 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espaces Verts Caussat et Fils a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer le décompte général du lot n°8 " Espaces Verts " du marché de travaux pour la réalisation des " Jardins Solidaires " sur le territoire de la commune d'Aussonne, conformément à son projet de décompte final et de condamner la commune d'Aussonne à lui payer le solde du marché d'un montant de 2 500 euros HT, assorti des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016.

Par un jugement n° 1605088 du 7 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars 2019 et 6 janvier 2021, la société Espaces Verts Caussat et fils, représentée par Me de la Marque, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de fixer le décompte général du lot n°8 " Espaces Verts " du marché de travaux pour la réalisation des " Jardins Solidaires " sur le territoire de la commune d'Aussonne, conformément à son projet de décompte final et de condamner la commune d'Aussonne à lui payer le solde du marché d'un montant de 2 500 euros HT au titre du lot n°8, assorti des intérêts moratoires à compter du 14 avril 2016 et de condamner la commune à lui intégrer au solde du marché la somme de 750 euros HT au titre de travaux supplémentaires, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aussonne la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance est recevable ;

- les pénalités de retard mises à sa charge ne sont pas justifiées. Le marché dérogeait à l'article 20 du CCAG travaux, de sorte qu'en l'absence de dispositions expresses prévues dans l'article 8 du CCAP, une mise en demeure adressée à la société s'imposait ;

- elle est fondée à demander le paiement de la facture de 750 euros HT au titre de travaux supplémentaires qu'elle a réalisés suite à une erreur d'implantation de la clôture sur le plan d'architecte ;

- le déplacement de la clôture, à la demande de l'architecte, est à l'origine du retard ayant fondé les pénalités de retard ;

- ce retard ne lui est pas imputable ;

- la commune d'Aussonne a implicitement retardé les délais d'exécution des travaux en lui demandant après le délai d'achèvement du chantier, d'exécuter ces travaux supplémentaires.

Par un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés le 10 avril, 29 août 2019 et 15 mars 2021, la commune d'Aussonne, représentée par la SCP Courrech et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société Espaces Verts Caussat et fils ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance de la société Espaces Verts Caussat est irrecevable car le décompte général est devenu définitif. Elle n'a pas été destinataire d'un mémoire en réclamation sur le décompte général. Le courrier de la société du 20 mai 2016 ne peut, compte-tenu de son contenu, tenir lieu de mémoire en réclamation et serait de toute façon tardif ;

- subsidiairement, ce courrier ne répond pas aux exigences fixées par l'article 50.1 du CCAG travaux car il n'expose pas les motifs du différend, ni ses chefs de demande et ne constitue pas un mémoire en réclamation ;

- à titre infiniment subsidiaire, le retard du sous-traitant de la société Espaces Verts Caussat était antérieur au déplacement de la clôture ;

- le déplacement d'une clôture ne rentre pas dans les hypothèses prévues par les articles 19.2.1 et 19.2.2 du CCAG travaux ;

- il n'est pas justifié de surcoût engendré par le déplacement de la clôture ;

- le déplacement de la clôture était une prestation comprise dans le marché ;

- les pénalités s'appliquent sans qu'il y ait lieu de mettre en demeure le titulaire du marché ;

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de Me de la Marque, représentant de la Société Espaces Verts Caussat et Fils., et de Me D..., représentant la commune d'Aussonne.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la réalisation de jardins solidaires sur son territoire, la commune d'Aussonne a confié le 12 mai 2015 à la société Espaces Verts Caussat et Fils un marché de travaux, le lot n° 8, relatif aux espaces verts, pour un prix global et forfaitaire de 23 187 euros TTC. La maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à un architecte, M. A.... Les travaux ont été réceptionnés 8 janvier 2016 avec des réserves, qui ont été levées le 12 février 2016. Par un courrier du 24 mars 2016, réceptionné par la société le 29 mars suivant, la commune d'Aussonne a notifié à la société Espaces Verts Caussat et Fils le décompte général du marché faisant apparaître un solde de 19 927,65 euros. Par un courrier du 14 avril 2016, la société Espaces Verts Caussat et Fils a contesté le décompte général, et plus particulièrement les pénalités de retard d'un montant de 1 750 euros qui lui ont été appliquées et a demandé à ce que soit intégrée au décompte général la somme de 750 euros au titre de travaux supplémentaires. Après avoir demandé le 20 mai 2016 des éclaircissements sur les pénalités qui lui étaient demandés et suite à la décision de rejet de sa demande par la commune d'Aussonne en date du 27 mai 2016, la société Espaces Verts Caussat et Fils a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Aussonne à lui verser au titre du règlement du marché la somme de 2 500 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 14 avril 2016. Elle relève appel du jugement du 7 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. L'article 13.4 du CCAG " Travaux ", issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 applicable au marché en cause, stipule que : " 13.4.1. Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général qui comprend : / _ le décompte final ; / _ l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / _ la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : / _ quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire ; / _ douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / (...) 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / (...) En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. / Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG / (...) 13.4.5. Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 13.4.4, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché ". Par ailleurs, aux termes de l'article 50.1 du même CCAG : " 50.1 Mémoire en réclamation: / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. / 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6 ".

3. D'une part, pour l'application de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, un différend qui survient dans l'établissement du décompte général constitue un différend entre l'entrepreneur et le représentant du pouvoir adjudicateur. Dans ce cas, l'entrepreneur est tenu de transmettre toutes ses réclamations au représentant du pouvoir adjudicateur.

4. D'autre part, il résulte également de ces stipulations que l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la date à laquelle il a reçu notification du décompte général pour faire parvenir au représentant du pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation. Si, avant l'expiration de ce délai, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas reçu le mémoire contestant le décompte général, celui-ci devient définitif et ne peut plus être contesté. Il en irait autrement dans l'hypothèse où l'entrepreneur établit qu'il a remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile afin qu'il parvienne avant l'expiration du délai applicable compte tenu du délai d'acheminement normal du courrier.

5. Il résulte de l'instruction que la société Espaces Verts Caussat a reçu notification du décompte général établi par la commune d'Aussonne le 29 mars 2016. En application des stipulations précitées des articles 13.44 et 50.1.1 du CCAG Travaux, il lui appartenait de faire parvenir son mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicataire dans un délai de quarante-cinq jours, qui s'entend en jours calendaires, soit au plus tard le vendredi 13 mai 2016 à minuit. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle a adressé au maître d'oeuvre un courrier daté du 14 avril 2016, réceptionné le 19 avril suivant, auquel était joint son mémoire en réclamation. S'il résulte de l'instruction que la société a envoyé le jour même une copie de ce courrier à " la mairie d'Aussonne ", elle n'établit pas que ce courrier comportait le mémoire en réclamation adressé au maître d'oeuvre. Enfin, le courrier du 20 mai 2016 a été adressé par la société Espaces Verts Caussat au représentant du pouvoir adjudicataire après l'expiration du délai de quarante-cinq jours précité. Au surplus, ce courrier qui ne précisait pas le montant des sommes dont le paiement était revendiqué et qui indiquait : " Il nous semble important de nous rencontrer pour discuter de ces problèmes ... ", ne peut en tout état de cause être regardé comme une réclamation au sens de l'article 50.1.1 du CCAG travaux précité. Par suite, faute d'avoir respecté la procédure prévue à cet article, la société Espaces Verts Caussat n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aussonne à leur verser une somme de 2 500 euros au titre du solde de son marché.

Sur les frais d'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Espaces Verts Caussat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espaces Verts Caussat et la commune d'Aussonne.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme C... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

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N°19BX00259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00987
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales. Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP SALESSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-17;19bx00987 ?
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