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17/05/2021 | FRANCE | N°20BX02250

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 20BX02250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n°2000144 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

21 juillet 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n°2000144 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à Me D..., au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de droit, car ses années de présence postérieurement à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, devaient être comptées comme des années de présence sur le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 juillet 2016 pris à son encontre.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2020 la préfète de la Gironde demande à la cour de rejeter la requête de M. F....

Elle indique s'en remettre à ses écritures de première instance.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... C...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant arménien né en 1995, déclare être entré irrégulièrement en France en juillet 2012. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 25 avril 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juin 2014. Il a toutefois obtenu le 1er octobre 2015, à titre exceptionnel, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 10 juillet 2016 pour lui permettre d'achever sa scolarité. Il a sollicité le 25 février 2016 un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 juillet 2016, un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire lui a été opposé. Le recours formé contre cet arrêté a été définitivement rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2017. Le 6 septembre, il a déposé une nouvelle demande sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 novembre 2019, la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. M. F... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Bordeaux. Il relève appel du jugement du 27 mai 2020, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Gironde ne s'est pas fondée sur le seul fait que l'intéressé se serait maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet par un arrêté du 27 juillet 2016, mais sur une pluralité de motifs tenant à sa situation personnelle et familiale, à son absence d'intégration et à la circonstance qu'il ne se prévalait qu'aucun motif exceptionnel ou de circonstances exceptionnelles justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le motif précité serait entaché d'erreur de droit dans l'application des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En deuxième lieu, M. F... se prévaut de sept années de présence en France à la date de la décision attaquée, de ce qu'il est arrivé alors qu'il était mineur, de sa scolarisation sur le territoire. Il fait valoir également que ses parents et ses frères et soeurs se trouvent en France et qu'il présente des gages réels et sérieux d'insertion. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et que ses parents, ainsi que son frère, Ashot, et sa soeur, B..., font également l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et qu'ils se maintiennent irrégulièrement en France, en dépit de mesures d'éloignement prises à leur encontre. La circonstance que deux membres de sa fratrie résident régulièrement sur le territoire ne lui donne pas vocation à y demeurer. En outre, s'il a été scolarisé en France, il est constant qu'il n'a pas obtenu son CAP au terme de sa seconde année de formation et il a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Bordeaux, le 19 mars 2014 et le 12 octobre 2015, pour plusieurs faits de violation de domicile et de vols en réunion. Dans ces conditions, alors même qu'il dispose d'une promesse d'embauche pour un emploi de mécanicien, il ne peut se prévaloir d'une intégration réussie dans la société française. Par suite, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la préfète n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

5. M. F... fait valoir la durée de son séjour en France et la circonstance qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en contrat à durée déterminée comme mécanicien. Toutefois, ces éléments ne sauraient caractériser une situation exceptionnelle justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ". Il suit de là que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. En quatrième lieu, l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

7. La décision par laquelle l'autorité administrative prononce une interdiction de retour sur le territoire n'a pas à être motivée par référence à l'ensemble des critères énoncés par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement par référence à celui ou ceux de ces critères que l'autorité administrative a retenus. En l'espèce, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prise à l'encontre de M. F... vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également que M. F... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement non exécutée, qu'il se maintient en France en toute illégalité depuis près de quatre ans, que son comportement constitue une menace pour l'ordre public, qu'il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans et qu'il ne justifie pas de l'intensité et de la nature de ses liens en France. Il ressort également de cette motivation que la préfète de la Gironde a bien relevé l'ensemble des critères permettant de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français et d'en fixer la durée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

8. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige ni des autres pièces du dossier que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. F... avant de prendre à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. L'illégalité l'arrêté du 27 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. F... ne peut être invoquée, par voie d'exception, à l'appui de conclusions dirigées contre la décision du 19 novembre 2019 par laquelle la préfète de la Gironde a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français qui n'a pas été prise pour son application et qui n'en constitue pas la base légale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 27 juillet 2016, qui est au surplus devenu définitif, est inopérant.

10. Enfin, M. F..., qui est célibataire et sans enfant, a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 19 mars 2014 et le 12 octobre 2015 pour plusieurs faits de violation de domicile et de vols en réunion et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 27 juillet 2016 qu'il n'a pas exécuté. Par ailleurs, ainsi qu'il a été au point 3, ses parents et une partie de sa fratrie ont fait l'objet, comme lui, de mesures d'éloignement. Par suite, en se fondant, pour édicter une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, sur le fait qu'il se maintenait en France en toute illégalité depuis près de quatre ans, que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, qu'il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il avait vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans et qu'il ne justifiait pas de l'intensité et de la nature de ses liens en France, la préfète de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait, ni d'une erreur d'appréciation

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant au paiement de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme E... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02250 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02250
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-17;20bx02250 ?
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