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31/05/2021 | FRANCE | N°21BX00584,21BX00608

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 31 mai 2021, 21BX00584,21BX00608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai de territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006231 du 7 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint

au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui remettre, dans l'at...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai de territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006231 du 7 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me H... au titre des frais liés au litige et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 12 février 2021 sous le n° 21BX00584, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas procédé à un examen de la situation de M. G... ;

- M. G... ne justifie pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.

II. Par une requête enregistrée le 12 février 2021 sous le n° 21BX00608, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 7 janvier 2021.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement et reprend les moyens invoqués dans sa requête n° 21BX00584.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant algérien né en 1978, est entré irrégulièrement en France, en mars 2019 selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle effectué le 3 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre, le même jour, un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel M. G... serait éloigné et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par la requête enregistrée sous le n° 21BX00584, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 7 janvier 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me H... au titre des frais liés au litige. Par la requête enregistrée sous le n° 21BX00608, le préfet demande à la cour de prononcer la suspension de l'exécution de ce jugement. Ces requêtes concernant un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 21BX00584 :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler l'arrêté du 3 décembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a considéré que le préfet de la Haute-Garonne avait entaché ses décisions d'un défaut d'examen de la situation de M. G... dans la mesure où il avait retenu, parmi les motifs déterminant de ces décisions, l'absence d'attaches personnelles et familiales de ce dernier en France alors que l'intéressé a produit devant le tribunal divers documents relatifs à ses enfants.

3. Il ressort toutefois des motifs de l'arrêté litigieux que le préfet a bien pris en compte la présence en France des trois enfants de M. G... mais a considéré qu'il était arrivé récemment en France, qu'il n'avait accompli aucune démarche pour régulariser son séjour, qu'il était séparé de la mère de ses enfants dont il n'avait pas la charge et qu'il disposait de fortes attaches familiales en Algérie. La circonstance que cet arrêté ne mentionne pas la pathologie dont souffre l'un de ses enfants, alors que l'intéressé en avait fait état lors de son audition par les services de police, n'est pas, à elle seule, suffisante pour permettre de considérer que le préfet n'a pas procédé à un examen de la situation de M. G... alors que ce dernier n'avait pas indiqué, lors de cette audition, qu'il s'occupait effectivement de cet enfant dont il était séparé depuis plusieurs années, qu'il n'avait produit, à la date dudit arrêté, aucun document dans ce sens et qu'il n'avait pas davantage fait état, lors de cette audition, de la procédure d'assistance éducative dont ses enfants faisaient l'objet ni du jugement du juge des enfants du 20 juillet 2020 en vertu duquel il bénéficie d'un droit de visite à raison d'une à deux fois par semaine. Dans ces conditions, c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse s'est fondée sur le motif tiré du défaut d'examen de la situation de M. G... pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 3 décembre 2020.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif de Toulouse.

S'agissant des autres moyens invoqués par M. G... :

5. En premier lieu, par un arrêté du 7 octobre 2020, régulièrement publié, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation de signature à Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions prévues aux articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de M. G... et expose les raisons pour lesquelles le préfet l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a interdit son retour pendant une durée d'un an. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressé de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre alors même que l'affection dont souffre l'un de ses enfants n'est pas mentionnée et que le préfet a considéré qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement sans prendre à son encontre une mesure de placement en rétention ou d'assignation à résidence. La circonstance que l'arrêté comporterait des indications erronées s'agissant de la présentation des documents de voyage n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté.

7. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet ne peut être regardé comme n'ayant pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. G..., compte tenu des indications et des éléments dont il disposait à la date de son arrêté. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. G... a bien été auditionné par les services de police le 3 décembre 2020, audition au cours de laquelle il a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour en France et sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité administrative s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement sans délai de départ et une décision d'interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu au sens de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, transposée dans l'ordre juridique interne par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, doit être écarté.

9. En cinquième lieu, si M. G... invoque la présence en France de ses trois enfants, nés en 2011, 2013 et 2014, il est constant qu'il ne réside pas avec eux et il n'explique pas depuis combien de temps il vit séparé de ses enfants. Il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il s'occuperait particulièrement de son fils qui présente des difficultés de santé, qui bénéficie d'ailleurs d'une aide humaine individuelle jusqu'au mois de mai 2024 et qui a été orienté vers un institut médico-éducatif, ni qu'il participerait à l'entretien ou à l'éducation de ses enfants. S'il produit une attestation du directeur d'une école élémentaire indiquant que M. G... " récupère " deux de ses enfants à l'école après 16 heures les lundis, mardis, jeudis et vendredis, cette attestation n'est pas suffisamment circonstanciée pour permettre d'apprécier le lien existant entre M. G... et ses enfants avec lesquels il ne vit pas ainsi qu'il a été dit précédemment. Il en est de même du jugement de placement en assistance éducative du 3 juillet 2020 qui se borne à indiquer, sans plus de précision, que M. G... " vient les voir à la journée et ces rencontres se déroulent de manière très positive " et qu' " il se dit d'accord pour la poursuite de la mesure de placement mère-enfants dans l'intérêt de ses enfants et souhaiterait pendant l'été les prendre deux fois par semaine " tout en indiquant toutefois qu'il est " toujours dans une situation précaire, n'ayant pas d'hébergement et ne pouvant accueillir ses enfants ". Enfin M. G... ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il exercerait effectivement le droit de visite dont il bénéficie. Dans ces conditions, ni la mesure d'éloignement, ni la décision refusant d'accorder un délai de départ ni encore la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de M. G... une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par ces décisions ni comme méconnaissant l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées ces décisions doivent être écartés.

10. En sixième lieu, contrairement à ce qu'il soutient, M. G... n'a pas pu présenter de document de voyage aux services de police lors de son interpellation puisqu'il a indiqué que son passeport se trouvait à son domicile. M. G... étant entré irrégulièrement en France et n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a pu à bon droit estimé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Par suite, en décidant de ne pas lui accorder de délai de départ, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, alors même qu'il n'a pas décidé de le placer en rétention ou de l'assigner à résidence.

11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 3 décembre 2020, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. G... et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me H... au titre des frais liés au litige.

Sur la requête n° 21BX00608 :

13. Par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21BX00608.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 7 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., au ministre de l'intérieur et à Me H....

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme F... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.

La présidente,

Marianne A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00584, 21BX00608 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00584,21BX00608
Date de la décision : 31/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BENAMOU-LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-31;21bx00584.21bx00608 ?
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