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08/06/2021 | FRANCE | N°20BX04098

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 juin 2021, 20BX04098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., épouse A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003252 du 13 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal l'examen des

conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2020 portant refus de délivranc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., épouse A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003252 du 13 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal l'examen des conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, Mme C..., épouse A... B..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 novembre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi adoptées par la préfète du Tarn à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou salarié ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour durant l'instruction de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le jugement :

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance par la préfète de son large pouvoir d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- la décision est entachée de plusieurs erreurs de fait et d'omissions résultant d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, la préfète du Tarn conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C..., épouse A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A... B..., de nationalité marocaine, née le 2 avril 1979, est entrée sur le territoire français le 5 septembre 2018, munie d'un passeport marocain et d'une carte de séjour délivrée par les autorités espagnoles le 22 janvier 2016. Mme C... a contracté mariage le 26 septembre 2019 avec un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident de dix ans et de cette union est née, le 29 novembre 2019, une petite fille. Mme C..., épouse A... B... a déposé une demande exceptionnelle d'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale auprès des services de la préfecture du Tarn le 21 janvier 2020. Par un arrêté du 5 mai 2020, la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination. Mme C..., épouse A... B..., relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal l'examen des conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée régulièrement en France le 5 septembre 2018 et s'est mariée le 26 septembre 2019 avec M. A... B..., ressortissant marocain, titulaire d'une carte de résident de dix ans. De cette union est née, le 29 novembre 2019, une petite fille. Par ailleurs, M. A... B... est également le père de quatre enfants français, issus d'un précédent mariage et a donc vocation à rester en France. A cet égard, il ressort du jugement de divorce prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Albi, le 4 décembre 2018, que M. A... B... dispose avec son ex épouse de l'autorité parentale conjointe sur les trois enfants du couple encore mineurs et que la résidence d'un de ses trois enfants est fixé chez lui qui a également à sa charge un enfant majeur. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que M. A... B... est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès d'une société d'intérim. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel la préfète du Tarn a obligé Mme C..., épouse A... B..., à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C..., épouse A... B..., est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi prises par la préfète du Tarn le 5 mai 2020.

5. Le présent arrêt implique seulement que la préfète du Tarn procède au réexamen de la situation de Mme C..., épouse A... B.... Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Tarn d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

6. Mme C..., épouse A... B..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me F..., sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 novembre 2020 et l'arrêté de la préfète du Tarn du 5 mai 2020 en tant qu'il fait obligation à Mme C... épouse A... B... de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Tarn de réexaminer la situation de Mme C..., épouse A... B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., épouse A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Tarn.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. G... E..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.

Le rapporteur,

Dominique E...

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX04098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04098
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-08;20bx04098 ?
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