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14/06/2021 | FRANCE | N°20BX03337

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 14 juin 2021, 20BX03337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 10 octobre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2000566 et 2000567 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des piè

ces enregistrées les 6 octobre et 16 novembre 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 10 octobre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2000566 et 2000567 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 6 octobre et 16 novembre 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me E... sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour de rejeter la demande présentée par Mme F....

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique ;

- et les observations de Me E... représentant Mme F... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., de nationalité tunisienne, née le 14 février 1987, est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour le 13 janvier 2014 avec sa fille née en 2010 d'un premier mariage. Elle s'est mariée le 16 mai 2014 à Toulouse avec M. A..., de nationalité tunisienne, né en 1976, entré en France dans le courant du mois de mars 2011. M. et Mme A... ont eu deux enfants nés en France en 2014 et 2018. Ils ont sollicité respectivement le 17 octobre 2017 et le 3 mai 2018 un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Gironde, par des arrêtés du 10 octobre 2019, a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme A... ont contesté ces arrêtés devant le tribunal administratif de Bordeaux. Le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint leur requête, a par un jugement n°2000566 et 2000567 du 17 juin 2020, rejeté leur demande. Mme A... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a étudié en Tunisie tout au long de sa scolarité, jusqu'au baccalauréat, la langue française. Elle est titulaire d'une maîtrise d'Anglais obtenue en 2010 et a exercé des activités d'enseignement en Anglais jusqu'au 13 mars 2013 en Tunisie. Elle est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour valable du 18 août 2013 au 11 octobre 2013 pour passer un concours de sélection pour un master pro " métiers de la traduction littéraire ". Il ressort également des pièces du dossier que Mme A..., mariée en premières noces avec un compatriote, qui tendait à se radicaliser, a divorcé le 12 juin 2012. Elle détient l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur l'enfant issu de cette union, Arwa, née le 23 octobre 2010, qu'elle a voulu protéger en restant sur le territoire français. Par ailleurs, depuis le 16 mai 2014, elle est mariée avec M. A..., qui séjourne en France depuis 2011, justifie d'une parfaite maîtrise du français et d'une formation de cuisinier. Ils ont eu deux enfants nés le 1er juillet 2014 et le 17 juin 2018 sur le territoire français. M. A..., est également titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à temps complet, en tant qu'employé polyvalent de restauration rapide au snack " Bergonnier ", métier qui fait partie des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Arwa est scolarisée depuis six ans en France, reçoit un enseignement musical au conservatoire de Bordeaux et que leur fille, née le 1er juillet 2014, est scolarisée depuis deux ans. Elles sont donc bien intégrées, tout comme Mme A... qui s'implique activement dans la vie culturelle et associative locale, ainsi que le démontre son adhésion depuis 2014 à l'association Promo Femme, solidarités interculturelles. Au regard de l'ensemble de ces éléments et des nombreuses justifications établissant la réalité, l'intensité et la stabilité des liens personnels qui l'attachent au territoire français, l'arrêté attaqué est, dans les circonstances particulières de l'espèce, entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

3. Dès lors, Mme F... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que ce jugement doit être annulé en tant qu'il rejette sa demande, ainsi que l'arrêté contesté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à Mme F... épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision de la préfète de la Gironde. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer ce titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance:

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au bénéfice de Me E..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°2000566 et 2000567 du 17 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il rejette la demande de première instance présentée par Mme F..., épouse A....

Article 2 : L'arrêté du 10 octobre 2019 de la préfète de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme F... épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à Me E..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2021.

La rapporteure,

Déborah C...Le président,

Didier Artus

Le greffier

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de de la transformation et de la fonction publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX03337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03337
Date de la décision : 14/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Deborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-14;20bx03337 ?
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