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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX01028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 juillet 2021, 21BX01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2002742 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars et 28 mai 2021, Mme B..., repré

sentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2002742 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars et 28 mai 2021, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 10 février 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée de deux ans, ou, à défaut, d'une durée d'un an, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en considérant que les sévices qu'elle soutient avoir subis dans son pays d'origine ne pouvaient être regardés comme plausibles et en estimant que les médicaments qui lui sont administrés en France sont substituables ;

- elle est insérée dans la société française, où elle réside depuis six ans, et justifie d'une activité professionnelle, notamment grâce à un contrat à durée indéterminée qui a été porté à la connaissance du préfet au mois de décembre 2019 ;

- les éléments au dossier permettent d'établir la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, elle ne pourra pas bénéficier de soins appropriés en cas de retour dans son pays d'origine ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son maintien en France se justifie au regard de l'intérêt supérieur de ses enfants nés en France, dès lors que sa fille y est scolarisée en classe de maternelle et que son fils né en 2018 y bénéficie de soins.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 30 janvier 1979, entrée sur le territoire français le 26 septembre 2013 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 février 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire français avant le 30 mars 2019 et a fixé le pays de renvoi. Le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 4 novembre 2020, annulé l'arrêté du 10 février 2020 en tant qu'il fixe un délai de départ au 30 mars 2019. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le tribunal administratif de Bordeaux a répondu, aux points 3 et 4 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la préfète de la Gironde, contrairement à ce que soutient Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement pour ce motif doit être écarté.

3. En second lieu, les moyens tirés des diverses dénaturations des pièces du dossier par les premiers juges ne relèvent pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Si Mme B... a entendu, en invoquant une telle dénaturation, contester l'analyse faite par les premiers juges des pièces qu'elle a produites, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. ". Et aux termes de l'article L. 511-4 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un trouble de stress post-traumatique et d'un épisode dépressif caractérisé d'intensité sévère, qui auraient été provoqués par des événements traumatiques vécus en 2010 dans son pays d'origine. Selon l'avis du 30 décembre 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'intéressée verse notamment au dossier plusieurs certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers les 4 décembre 2017, 31 mai 2018 et 17 mai 2019 qui attestent de son état de santé et évoquent une possible aggravation de sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, le certificat le plus récent n'envisage une telle aggravation qu'en raison de la rupture du lien créé entre la requérante et l'ensemble des professionnels de santé qui assurent sa prise en charge et ne permet pas de tenir pour établi que Mme B... n'aurait pas un accès effectif à un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, les rapports dont la requérante se prévaut relatifs à l'offre de soins psychiatriques en République démocratique du Congo, qui datent du mois de juin 2012 et du mois de mai 2013, sont anciens et ne peuvent être regardés comme reflétant la réalité du système de santé dans ce pays à la date de l'arrêté en litige. Le certificat du 14 juillet 2020 d'un médecin du centre neuro psycho pathologique de l'université de Kinshasa, qui témoigne en des termes généraux de ruptures périodiques d'approvisionnement des médicaments actuellement administrés à la requérante ainsi que du coût de l'accès aux soins, ne peut permettre, à lui seul, de considérer que Mme B... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en République démocratique du Congo ou qu'elle ne disposerait pas de ressources suffisantes pour pouvoir bénéficier des soins nécessaires à ses troubles. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les médicaments figurant sur la liste des médicaments disponibles dans le pays d'origine de Mme B... ne permettraient pas de soigner ses troubles de manière efficace. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 de ce code doivent être écartés.

6. Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

7. Mme B... est entrée sur le territoire français en 2013. Elle se prévaut de plusieurs contrats de travail depuis cette entrée en France, et notamment d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 9 septembre 2019 pour un emploi à temps partiel en tant qu'" ouvrier nettoyeur ". S'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée avait bien porté ce contrat à la connaissance de la préfète de la Gironde le 2 décembre 2019, ni ce contrat, qui porte sur une durée hebdomadaire de 7,5 heures, ni les missions précédentes effectuées par la requérante, ne pouvaient témoigner d'une insertion professionnelle suffisamment stable et ancienne de Mme B... en France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent trois de ses enfants, sa mère, ainsi que deux de ses frères et soeurs. Enfin, si la requérante est mère de deux enfants nés en France au mois de septembre 2014 et au mois de novembre 2018 et s'il ressort des pièces du dossier que sa fille a été scolarisée en classe de maternelle et que son jeune fils bénéficie d'une prise en charge au centre médico-psychologique pour enfants et adolescents de Pessac, ces éléments ne font pas obstacle, eu égard au jeune âge de ces enfants, à ce qu'ils poursuivent leur scolarité ou leur suivi médical, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient être assurés en République démocratique du Congo, dans le pays d'origine de Mme B.... Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'arrêté litigieux n'a pas porté à la vie privée et familiale de Mme B... une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il poursuit. Par suite, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation dont serait entaché cet arrêté et de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D... A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01028
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx01028 ?
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