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30/08/2021 | FRANCE | N°20BX00236

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 30 août 2021, 20BX00236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du 26 juin 2018 par laquelle la commune de Lacanau a rejeté sa demande d'abrogation partielle de la délibération du conseil municipal du 11 mai 2017 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle a classé en espace boisé la parcelle cadastrée section n° DA 227.

Par un jugement n° 1803660 du 21 novembre 2019 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2020 et le 14 octobre 2020, M. B..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du 26 juin 2018 par laquelle la commune de Lacanau a rejeté sa demande d'abrogation partielle de la délibération du conseil municipal du 11 mai 2017 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle a classé en espace boisé la parcelle cadastrée section n° DA 227.

Par un jugement n° 1803660 du 21 novembre 2019 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2020 et le 14 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Achou-Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803660 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige ;

3°) d'enjoindre au maire de Lacanau de réunir le conseil municipal afin de modifier le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il grève sa parcelle d'un espace boisé classé, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; d'assortir cette injonction d'une astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lacanau la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que ce jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance, que sa demande n'est pas tardive car il n'y a pas eu de rejet explicite de sa demande d'abrogation qui aurait fait courir le délai de recours contentieux ; en tout état de cause, un tel rejet ne comporte pas la mention des voies et délais de recours.

Il soutient, au fond, que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le classement en espace boisé classé de sa parcelle était justifié par de forts enjeux environnementaux ; à cet égard, la notion de zone humide est définie par l'article L. 211-1 du code de l'environnement comme formée de terrains habituellement inondés ou gorgés d'eau de façon permanente ou temporaire, la végétation y étant dominée par des plantes hygrophiles ; il s'avère que les caractéristiques de sa parcelle ne répondent pas à cette définition de la zone humide d'autant qu'aucun des documents du plan local d'urbanisme n'a identifié la présence de plantes hygrophiles au droit de sa parcelle ;

- les boisements présents au droit des parcelles alentours ne confèrent pas à sa parcelle un caractère remarquable ; il n'est pas établi que le vison d'Europe y serait présent ; ainsi, l'atlas des fiches habitats et espèces établi par l'Office national des forêts montre que cette espèce est inféodée aux milieux aquatiques et qu'elle ne serait que potentiellement présente que dans les zones humides arrière-dunaires au niveau d'Hourtin ; ainsi ce document exclut la présence du vison d'Europe dans le secteur où se trouve la parcelle en litige ; plus généralement, sa parcelle ne comporte aucune sensibilité environnementale particulière ;

- le classement en espace boisé classé de la seule parcelle en litige n'a pas pour objet de satisfaire des intérêts publics environnementaux dès lors qu'il s'agit pour la commune de satisfaire les intérêts privés de certains administrés en faisant de cette parcelle un espace vert dédié au bien-être des résidents d'un futur lotissement ; ainsi la délibération en litige est entachée d'un détournement de pouvoir et de détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, la commune de Lacanau, représentée par Me Cazamajour, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la cour sursoie à statuer pour permettre la régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... le paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est tardive dès lors que la demande d'abrogation de M. B... a fait l'objet d'une décision expresse de rejet contre laquelle ce dernier s'est pourvu après l'expiration du délai de recours contentieux ;

- au fond, tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me Achou-Lepage, représentant M. B..., et de Me Magineau, représentant la commune de Lacanau.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire de la parcelle cadastrée section DA n° 227 située sur le territoire de la commune de Lacanau au lieu-dit " Garriga ". Cette parcelle a entièrement été classée en espace boisé classé dans le plan local d'urbanisme communal approuvé par délibération du conseil municipal de Lacanau du 11 mai 2017. Le 23 avril 2018, M. B... a demandé au maire de procéder à l'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il a grevé sa propriété de cet espace boisé classé. M. B... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire a rejeté sa demande d'abrogation et à ce qu'il lui soit prescrit de réunir le conseil municipal afin de modifier le classement de sa parcelle. M. B... relève appel du jugement rendu le 21 novembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". La minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur le fond :

3. Aux termes de l'article L. 151-5 de ce code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques (...). ". Aux termes de l'article L. 151-6 du code : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat (...) ". L'article L. 151-9 du code de l'urbanisme dispose que : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire (...) ".

4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le lieu-dit Garriga, au sein duquel se trouve la parcelle DA n°227 appartenant à M. B..., a été classé en zone à urbaniser (AU) par le plan local d'urbanisme approuvé le 11 mai 2017. Toutefois, sur la parcelle de M. B... qui présente une superficie de 6 320 m², a été institué l'espace boisé classé n° 21 en application de l'article L. 113-1 précité du code de l'urbanisme.

7. Il ressort du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que, dans le cadre de l'élaboration de ce document d'urbanisme, une analyse de l'ensemble des boisements de la commune a été réalisée afin de prendre en compte les nouvelles orientations recherchées pour le territoire de Lacanau. Parmi ces nouvelles orientations figure, notamment, la prise en compte des sensibilités environnementales et paysagères existantes. L'adoption le 11 mai 2017 du plan local d'urbanisme a conduit à créer de nouveaux espaces boisés classés pour, selon le rapport de présentation, " prendre en compte des sensibilités écologiques et/ou paysagères (boisements à caractère humide, éléments de la trame verte...) ". Par ailleurs, le lieu-dit Garriga a fait l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation n°2 dont l'objectif consiste à y " créer un développement du bourg en continuité et en espace intermédiaire entre le centre et la zone économique d'entrée de ville, en préservant une lisière qualitative le long de la craste sud et des espaces boisés ". Les auteurs du plan local d'urbanisme ont ainsi entendu " préserver les milieux remarquables et les zones humides " ainsi que les réseaux de crastes et de fossés existants et ont institué sur la parcelle considérée l'espace boisé classé n°21.

8. Si M. B... soutient que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu faire correspondre, à l'intérieur du lieu-dit Garriga, les espaces boisés classés avec les zones humides existantes, il ne résulte ni des termes du rapport de présentation de ce plan ni des autres documents le composant que les auteurs du plan ont entendu, pour la délimitation des espaces boisés, et en particulier pour celui affectant la parcelle de M. B..., se référer à la notion de zone humide résultant de l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Au demeurant, aux termes des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi n° 2019-773 du 26 juillet 2019 en vigueur à la date du présent arrêt et devant être prise en compte s'agissant d'un litige portant sur le refus d'abroger un acte règlementaire : " ...on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ". Ces dispositions énoncent des critères alternatifs permettant de retenir la qualification de zones humides. Le moyen tiré de l'inexacte qualification du terrain lui appartenant au regard des critères pris cumulativement des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.

9. Alors que le lieu-dit Garriga doit accueillir un projet de lotissement d'une superficie de 12 hectares, le caractère naturel du secteur concerné a conduit l'aménageur à confier une mission d'analyse au bureau d'études Semethis dont les conclusions ont été reprises en substance au rapport de présentation du plan local d'urbanisme. Il en est ressorti que le secteur Garriga contient, sur ses côtés sud et nord-est, des habitats naturels présentant un intérêt floristique, à savoir la lande méso-hygrophile à molinie bleue et à fougère aigle, des boisements de chênes pédonculés et de bouleaux, des crastes et autres fossés. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. B..., qui se situe au nord-est du lieu-dit Garriga, est formée d'une clairière constituée de jeunes pousses naturelles et éparses de pins maritimes, de bouleaux en taillis et de quelques chênes pédonculés et qu'elle est aussi drainée par des fossés de faible profondeur. Outre le fait que la clairière est en cours de recolonisation par le bouleau pubescent et le chêne pédonculé, il ressort des pièces du dossier que les parcelles qui lui sont adjacentes à l'est, qui ne sont pas prévues pour faire partie du futur lotissement, sont composées de boisements mixtes de gros chênes et de pins maritimes. Ainsi, eu égard à ses caractéristiques et à sa localisation, et compte tenu des objectifs poursuivis par les auteurs du plan local d'urbanisme, la parcelle de M. B... pouvait sans erreur manifeste d'appréciation être classée en espace boisé classé alors même que, par ailleurs, elle n'abriterait pas le vison d'Europe, espèce protégée, et ne présenterait pas un intérêt paysager remarquable.

10. En deuxième lieu, le classement en litige n'étant pas entaché d'erreur manifeste, le requérant ne peut utilement contester sa légalité en faisant valoir que d'autres parcelles du secteur Garriga n'ont pas été grevées d'un espace boisé classé alors qu'elles présenteraient les mêmes caractéristiques que la parcelle DA n°227.

11. En dernier lieu, le moyen tiré du détournement de procédure et du détournement de pouvoir soulevé par M. B... doit être écarté dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement en litige aurait eu, en réalité, pour but de satisfaire les intérêts privés des résidents du futur lotissement en mettant à leur disposition un espace vert d'agrément.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de M. B... la somme que demande la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 20BX00236 présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Lacanau présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de Lacanau.

Délibéré après l'audience du 4 mai 20201 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2021.

Le rapporteur,

Frédéric A...La présidente,

Brigitte PhémolantLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX00236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00236
Date de la décision : 30/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Légalité interne - Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste - Classement et délimitation des ones.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CAZAMAJOUR et URBANLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-08-30;20bx00236 ?
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