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05/10/2021 | FRANCE | N°20BX03015

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 20BX03015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Bleu Citron Productions a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer l'annulation de la décision du

20 décembre 2018 par laquelle le ministre de la culture lui a refusé un agrément provisoire visant à l'obtention d'un crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts, d'enjoindre au ministre de lui délivrer cet agrément ou de procéder au réexamen de sa demand

e dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de condamner l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Bleu Citron Productions a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer l'annulation de la décision du

20 décembre 2018 par laquelle le ministre de la culture lui a refusé un agrément provisoire visant à l'obtention d'un crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts, d'enjoindre au ministre de lui délivrer cet agrément ou de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi, majorée des intérêts de droit à compter de sa demande du 19 février 2019, avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1900927, 1904471 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 décembre 2018 par laquelle le ministre de la culture a refusé à la SAS Bleu Citron Productions l'agrément provisoire prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts, enjoint au ministre de la culture de délivrer à la

SAS Bleu Citron Productions cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Bleu Citron Productions et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, le ministre de la culture, représenté par la SCP Seban et Associés et agissant par Me Gauch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 en ce qu'il annule la décision en date du 20 décembre 2018 par laquelle le ministre de la Culture a refusé à la SAS Bleu Citron Productions l'agrément provisoire prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts, lui enjoint de délivrer à la société Bleu Citron productions cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et condamne l'Etat à lui verser une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

2°) de rejeter, par l'effet dévolutif de l'appel, les demandes formulées par la

SAS Bleu Citron Productions ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Bleu Citron Productions une somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché de plusieurs irrégularités : d'une contradiction de motifs, d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit ;

- les demandes formées par la société sont infondées.

Par mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2020, la SAS Bleu Citron Productions, représentée par Me Bois et Me Dotseva, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la circulaire du 13 juillet 2000 relative à la licence d'entrepreneur de spectacles, publiée au JO du 4 novembre 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Ferrari,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Jacquier, de la SCP Seban Nouvelle Aquitaine, représentant le ministère de la culture et les observations de Me Dotseva, représentant la SAS Bleu Citron Productions.

Une note en délibéré présentée par la SAS Bleu Citron Productions a été enregistrée le 8 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Bleu Citron Productions, qui exerce l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants et qui a produit la tournée du groupe de musique " Suprême NTM ", a sollicité, le 5 mars 2018, auprès de la direction générale de la création artistique du ministère de la culture, le bénéfice d'un agrément provisoire en vue d'obtenir un crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants, sur le fondement des dispositions de l'article 220 quindecies du code général des impôts. Par une décision en date du 20 décembre 2018, le ministre de la culture a rejeté cette demande. La société Bleu Citron Productions a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer l'annulation de cette décision, d'enjoindre au ministre de lui délivrer cet agrément ou de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi, majorée des intérêts de droit à compter de sa demande du 19 février 2019, avec capitalisation des intérêts. Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 décembre 2018 par laquelle le ministre de la culture a refusé à la SAS Bleu Citron Productions l'agrément provisoire prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts, enjoint au ministre de la culture de délivrer à la SAS Bleu Citron Productions cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat une somme de

1 500 euros à verser à la SAS Bleu Citron Productions et rejeté le surplus de la demande. Le ministre de la culture relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 220 quindecies du code général des impôts, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse : " I. - Les entreprises exerçant l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants, au sens de l'article L. 7122-2 du code du travail, et soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical ou de variétés mentionnées au III du présent article si elles remplissent les conditions cumulatives suivantes : /1° Avoir la responsabilité du spectacle, notamment celle d'employeur à l'égard du plateau artistique. Dans le cas d'une coproduction, cette condition est remplie par l'un des coproducteurs au moins ; / 2° Supporter le coût de la création du spectacle. / II. - Ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses engagées pour la création, l'exploitation et la numérisation d'un spectacle musical ou de variétés remplissant les conditions cumulatives suivantes : / 1° Être réalisées par des entreprises établies en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui y effectuent les prestations liées à la réalisation d'un spectacle musical ou de variétés ; / 2° Porter sur un spectacle dont les coûts de création sont majoritairement engagés sur le territoire français ; / 3° Porter sur des artistes ou groupes d'artistes dont aucun spectacle n'a comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes pendant les trois années précédant la demande d'agrément mentionnée au VI, à l'exception des représentations données dans le cadre de festivals ou de premières parties de spectacles (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 7122-2 du code du travail : " Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités. / Les différentes catégories d'entrepreneurs de spectacles vivants sont déterminées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article D. 7122-1 du même code : " Les entrepreneurs de spectacles vivants soumis aux obligations du présent chapitre sont classés selon les catégories suivantes : / 1° Les exploitants de lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques ; / 2° Les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées qui ont la responsabilité d'un spectacle et notamment celle d'employeur à l'égard du plateau artistique ; / 3° Les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d'un contrat, de l'accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique. ".

4. Enfin, selon les termes de la circulaire du 13 juillet 2000 relative à la licence d'entrepreneur de spectacles, publiée au JO du 4 novembre 2000, (article 2.2) " (...) le producteur et l'entrepreneur de tournées, sauf s'ils sont simplement diffuseurs, ont la responsabilité d'employeurs à l'égard du plateau artistique. Cette notion de plateau artistique désigne les artistes-interprètes et, le cas échéant, le personnel technique attaché directement à la production ".

5. La demande d'agrément provisoire prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts présentée par la SAS Bleu Citron Productions pour le spectacle vivant " Suprême NTM ", a été rejetée par le ministre de la culture, par décision du

20 décembre 2018, au motif que la société Bleu Citron Productions n'était pas l'employeur de l'artiste principal du spectacle. Les premiers juges ont annulé cette décision en estimant qu'en " exigeant que, pour bénéficier du crédit d'impôt, l'entrepreneur de spectacle vivant ait la qualité d'employeur à l'égard de la totalité du plateau artistique y compris les artistes -interprètes, le ministre de la culture a méconnu les dispositions du 1° du I de l'article

220 quindecies du code général des impôts en ajoutant une condition supplémentaire audit article. ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des travaux parlementaires pour l'adoption du 1° du I de l'article 220 quindecies du code général des impôts, que le gouvernement a eu pour objectif de stimuler et aider des structures modestes et de favoriser la diversité et la richesse culturelle en France par le soutien aux entreprises exerçant l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants qui emploient des artistes en développement. Par ailleurs, à supposer que la condition d'employeur, que doit remplir l'entrepreneur de spectacles vivants envers le plateau artistique selon l'article 220 quindecies, n'implique pas nécessairement l'engagement de la totalité du plateau artistique, la responsabilité du spectacle implique, en revanche, que l'entrepreneur de spectacle participe à la création du spectacle aux côtés des auteurs, compositeurs, chorégraphes et metteurs en scène et qu'il soit ainsi responsable du choix, de la préparation et de la mise en œuvre de ce spectacle dont il coordonne les moyens financiers, humains, techniques et artistiques nécessaires. Or, l'entrepreneur de spectacle ne peut être regardé comme étant le responsable dudit spectacle si l'artiste principal du spectacle n'est pas placé dans une situation de subordination à son égard contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. En l'espèce, dès lors qu'il est constant que le producteur n'est pas l'employeur de l'artiste principal du spectacle, le ministre est fondé à soutenir que la décision de refus d'agrément provisoire, en date du 20 décembre 2018, motivée par cette circonstance, n'était pas entachée d'erreur de droit. C'est donc à tort que le tribunal, pour ce motif, a annulé la décision en litige.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Bleu Citron Productions.

8. En premier lieu, la société requérante soutient que la décision du

20 décembre 2018 en litige ne serait pas suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". L'article L. 211-5 du même code précise que " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

10. En l'espèce, la décision en litige fait référence à l'article 220 quindecies du code général des impôts ainsi qu'à l'article 5 du décret n° 2016-1209 du 7 septembre 2016 et mentionne expressément que le motif de refus est " motivé pour la raison suivante : le producteur n'est pas l'employeur de l'artiste principal ". Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit de fait qui en constituent le fondement.

11. En second lieu, la société requérante soutient que l'interprétation de l'article

220 quindecies du code général des impôts retenue par l'administration pour lui refuser l'agrément provisoire pour l'obtention du crédit d'impôt serait de nature à porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et au principe communautaire de liberté des prestations de services. La décision en litige est une mesure fiscale incitative en vue de favoriser certains spectacles vivants qui doivent pour bénéficier de ce crédit d'impôt, répondre à certaines conditions. Cependant, ce dispositif fiscal peut s'appliquer à tous les entrepreneurs de spectacles qui répondent à ces conditions. Dès lors, ce dispositif, qui poursuit un but d'intérêt général, n'est pas contraire au principe d'égalité et ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ni au principe communautaire de liberté des prestations de services.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que le ministre de la culture est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 refusant d'accorder à la SAS Bleu Citron Production l'agrément provisoire prévu par l'article 220 quindecies du code général des impôts.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'Etat, n'est pas la partie perdante à l'instance. Par suite, les conclusions de la SAS Bleu Citron Productions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la SAS Bleu Citron Productions sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la SAS Bleu Citron Productions devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La SAS Bleu Citron Productions versera à l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la culture et à la société par action simplifiée (SAS) Bleu Citron Productions.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

Dominique Ferrari La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de la culture et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03015
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;20bx03015 ?
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