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11/10/2021 | FRANCE | N°20BX03615

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 octobre 2021, 20BX03615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904077 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2020, Mme A..., représ

entée par Me Hachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904077 du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904077 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Hachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904077 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision en litige a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; elle souffre en effet d'une pathologie psychiatrique nécessitant un lourd traitement médicamenteux à base de neuroleptiques ; l'interruption de ce traitement aurait des conséquences exceptionnellement gaves pour son état de santé ; les médicaments dont elle a besoin ne lui sont pas effectivement accessibles dans son pays d'origine ;

- la décision en litige a méconnu son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des attaches qu'elle a nouées en France où est né son enfant et du fait que sa famille est décédée dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est une ressortissante nigériane née le 26 février 1998 qui est entrée sur le territoire français en décembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 17 juin 2016, elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 décembre 2016 confirmée le 14 juin 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Mme A... a ensuite déposé en préfecture de Gironde, le 11 septembre 2017, une demande de titre de séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais par un arrêté du 3 mai 2019 le préfet a rejeté cette demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté préfectoral du 3 mai 2019 et relève appel du jugement rendu le 4 décembre 2019 rejetant sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. Dans son avis du 20 août 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait cependant pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

6. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est suivie en France pour une pathologie psychique nécessitant l'administration de médicaments neuroleptiques, les pièces versées au dossier et notamment les certificats médicaux qui y ont été produits ne permettent pas d'estimer, eu égard à leur teneur, que l'interruption de ce traitement entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité contrairement à ce qu'a estimé le préfet dans la décision en litige à la suite de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Dans ces conditions, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'elle serait dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine. Ainsi, l'arrêté en litige n'a méconnu ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, en tant qu'il comporte une mesure d'éloignement, celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Mme A... est entrée sur le territoire français en décembre 2015 munie d'un visa de court séjour et s'y est maintenue après l'expiration du délai de validité de ce visa. Elle a attendu le mois de juin 2016 pour déposer en France une demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la CNDA le 14 juin 2017. Sa présence sur le territoire français jusqu'à la date de l'arrêté en litige a été rendue possible par l'instruction de sa demande d'asile puis par celle de sa demande de titre de séjour déposée en septembre 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait, pendant son séjour en France, tissé des liens privés et familiaux anciens, durables et suffisamment intenses au point que l'arrêté en litige devrait être regardé comme ayant porté à son droit à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. A cet égard, les circonstances que Mme A... était enceinte à la date de la décision attaquée et que ses parents et sa fratrie seraient décédés dans son pays d'origine, ce qui n'est pas établi au dossier, ne suffisent pas à révéler une telle atteinte comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 20BX03615 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03615 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03615
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : HACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-11;20bx03615 ?
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