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12/10/2021 | FRANCE | N°19BX04272

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 19BX04272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, le certificat d'urbanisme n° CUb 019 117 17 B2001 du 29 mars 2017 délivré par le maire de la commune de Lissac-sur-Couze au nom de l'Etat déclarant non réalisable son projet de construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AN n° 30, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formulé le 16 mai 2017, et d'autre part, le certificat d'urbanisme négatif n° CUb 019 117 17 B2002

du 29 mars 2017 déclarant non réalisable la construction de deux maisons d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, le certificat d'urbanisme n° CUb 019 117 17 B2001 du 29 mars 2017 délivré par le maire de la commune de Lissac-sur-Couze au nom de l'Etat déclarant non réalisable son projet de construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AN n° 30, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formulé le 16 mai 2017, et d'autre part, le certificat d'urbanisme négatif n° CUb 019 117 17 B2002 du 29 mars 2017 déclarant non réalisable la construction de deux maisons d'habitation sur la même parcelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formulé le 16 mai 2017.

Par deux jugements n° 1701280 et 1701281 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2019 sous le n° 19BX04272 et des mémoires enregistrés les 4 janvier 2021 et 26 février 2021, Mme A..., représentée par Me Dias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme n° CUb 019 117 17 B2001 du 29 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de la décision attaquée est stéréotypée et insuffisante ; elle repose sur des considérations juridiques générales sans rapport avec les circonstances de l'espèce ;

- l'autorité compétente a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit en considérant à tort que la parcelle litigeuse se situait en dehors de la partie urbanisée de la commune, laquelle se caractérise par un habitat diffus ;

- le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ; il ne favorise aucune rupture d'urbanisation dès lors que des constructions existent des deux côtés de la voie communale ;

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation quant à l'atteinte portée au château de Mauriolles ; le principe d'égalité des administrés devant les charges publiques s'oppose à un refus fondé sur l'existence d'une servitude de protection dès lors que des permis ont été délivrés pour la construction de trois immeubles d'habitation à des distances beaucoup plus proches du château ; un tel refus serait, au-delà d'une erreur manifeste d'appréciation, révélateur d'un véritable détournement de pouvoir ; au surplus, il existe plusieurs rideaux de végétation particulièrement importants et denses qui interdisent toute visibilité entre le projet en litige et le château de Mauriolles ainsi que l'a jugé le même tribunal en octobre 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2019 sous le n° 19BX04273 et des mémoires enregistrés les 4 janvier 2021 et 26 février 2021, Mme A..., représentée par Me Dias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme n° CUb 019 117 17 B2002 du 29 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient les mêmes moyens que dans la requête n° 19BX04272.

Par un mémoire en défense, enregistré, le 10 février 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Courtet-Gout, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est propriétaire de la parcelle cadastrée section AN 30, située au lieu-dit Mauriolles-Bas sur le territoire de la commune de Lissac-sur-Couze (Corrèze). La requérante a déposé le 1er février 2017, sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, une première demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la construction d'une maison d'habitation individuelle avec assainissement autonome. Le même jour, elle a déposé une seconde demande de certificat opérationnel portant sur la même parcelle en vue de la construction de deux maisons d'habitations sur deux lots distincts. Par deux certificats d'urbanisme du 29 mars 2017, le maire de la commune de Lissac-sur-Couze a indiqué que les opérations n'étaient pas réalisables au motif qu'ils portent sur un terrain situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune en application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Par courriers du 16 mai 2017, reçus le 18 mai 2017, Mme A... a adressé deux recours gracieux tendant au retrait des deux certificats d'urbanisme du 29 mars 2017 qui, en l'absence de réponse, ont fait l'objet de décisions de rejet implicite. Mme A... relève appel des jugements n° 1701280 et 1701281 du 19 septembre 2019 par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Les requêtes de Mme A..., enregistrées sous les numéros 19BX04272 et 19BX04273, portent sur des projets ayant pour assiette la même parcelle et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

3. Aux termes L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ". Aux termes de l'article R. 410-14 du même code : " Dans les cas prévus au b de l'article L. 410-1, lorsque la décision indique que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, (...) elle doit être motivée ". L'article A. 410-5 du même code dispose que : " Lorsque la demande porte sur un certificat délivré en application du b de l'article L. 410-1, le certificat d'urbanisme indique : / a) Si le terrain peut ou non être utilisé pour la réalisation de l'opération précisée dans la demande ; / b) L'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'il indique que le terrain ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération, le certificat précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".

4. Il ressort de la motivation des certificats d'urbanisme attaqués que le maire de la commune de Lissac-sur-Couzon, après avoir visé les textes dont il a fait application, a mentionné les éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer que la parcelle en litige ne pouvait être utilisée pour les opérations envisagées. En particulier, il a indiqué que le terrain objet de la demande était situé dans une zone naturelle et dans un espace agricole vierge au sud de la route, que le projet serait de nature à compromettre la vocation naturelle de ce secteur et favoriserait une urbanisation dispersée. Il a rajouté que les constructions existantes appartenant à un noyau bâti étaient situées de l'autre côté de la route, qu'il y avait de ce fait une rupture physique de l'urbanisation et que cette parcelle était située en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. La circonstance que l'article 2 des décisions contestées indiquent les servitudes publiques grevant le terrain et énumère les dispositions du code de l'urbanisme, comme l'imposent les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme précité, ne sauraient constituer un défaut ou une insuffisance de motivation, alors même que ces textes et servitudes sont sans rapport direct avec les motifs pour lesquels les projets ont été estimés non réalisables. Dans ces conditions, les décisions en litige comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et le moyen tiré de ce que ces décisions seraient insuffisamment motivées doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". L'article L. 111-4 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application ".

6. Ces dispositions interdisent, en principe, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre une partie actuellement urbanisée de la commune, il est tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.

7. A la date de la décision attaquée, la commune de Lissac-sur-Couze n'était pas couverte par un document d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier et notamment des vues aériennes produites par la ministre, que le terrain d'assiette du projet de Mme A... se situe dans la partie est de la commune au lieu-dit Mauriolles-Bas dans une zone restée largement à l'état naturel et distant de près d'un kilomètre du centre bourg. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le terrain, d'une superficie de 3 685 m2, s'ouvre sur les côtés est et ouest et au sud sur un vaste espace naturel de bois et prairies, vierge de toutes constructions. Si des constructions éparses se trouvent à proximité immédiate du projet et notamment au nord de la parcelle, ces dernières en sont séparées par un chemin communal et ne sont pas d'un nombre et d'une densité suffisante pour regarder le secteur considéré comme une partie déjà urbanisée de la commune. Le constat établi par un huissier de justice produit par la requérante ne comporte aucune constatation de nature à infirmer cette appréciation. Par suite, ainsi qu'en a jugé le tribunal, le terrain concerné, alors même qu'il est desservi par le réseau d'eau potable, le réseau d'électricité, de télécommunication et la voirie, n'est pas situé dans une partie urbanisée de la commune.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les opérations envisagées par Mme A... sur le terrain en litige, seraient susceptibles d'entrer dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme qui permettent dans certains cas l'édification de constructions en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

9. Le moyen tiré de ce que le projet ne porterait pas atteinte au château de Mauriolles est inopérant dès lors que le maire ne s'est pas fondé sur ce motif pour déclarer le projet non réalisable mais n'a mentionné la servitude liée à ce monument qu'au titre du contenu informatif du certificat négatif.

10. Mme A... ne peut utilement se prévaloir du principe d'égalité devant la loi pour demander à bénéficier d'une décision qui serait contraire aux dispositions du code de l'urbanisme au motif que des autorisations auraient été délivrées pour des projets situés à proximité des terrains concernés. Cette seule circonstance, ne saurait par ailleurs suffire à établir le détournement de pouvoir allégué.

11. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, le maire de Lissac-sur-Couze a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit, délivrer sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, des certificats d'urbanisme négatifs. Il résulte de l'instruction que le maire de Lissac-sur-Couze, aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif. Par suite, la contestation par Mme A... des autres motifs fondant les décisions contestées, tirés de la méconnaissance des articles R. 111-14 du code de l'urbanisme et de la circonstance que le projet favoriserait une dispersion et une rupture de l'urbanisation, doit être écartée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requêté de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... A... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2021.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04272, 19BX04273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04272
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET GOUT DIAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-12;19bx04272 ?
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