La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2021 | FRANCE | N°19BX02391

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 18 octobre 2021, 19BX02391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Deux-Sèvres a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 mai 2017 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a approuvé le plan particulier d'intervention pour les établissements de la société industrielle des gaz et pétrole de l'ouest (SIGAP Ouest) et de la société Arizona Chemical en ce qu'il met à sa charge l'installation et l'entretien d'équipements de sécurité, ainsi que la décision du 9 octobre 2017 par laquelle la préfète a refusé d'abroger cet

arrêté.

Par un jugement du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Deux-Sèvres a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 mai 2017 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a approuvé le plan particulier d'intervention pour les établissements de la société industrielle des gaz et pétrole de l'ouest (SIGAP Ouest) et de la société Arizona Chemical en ce qu'il met à sa charge l'installation et l'entretien d'équipements de sécurité, ainsi que la décision du 9 octobre 2017 par laquelle la préfète a refusé d'abroger cet arrêté.

Par un jugement du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 juin 2019, le 11 juin 2020, le 29 septembre 2020 et le 28 décembre 2020, le département des Deux-Sèvres, représenté par Me Vendé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2017 de la préfète des Deux-Sèvres et la décision du 9 octobre 2017 par laquelle ladite préfète a refusé d'abroger cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la préfète des Deux-Sèvres n'a pas édicté d'arrêté portant organisation de la consultation préalable à l'approbation du plan particulier d'intervention ;

- la requête de première instance n'était pas tardive ;

- l'arrêté préfectoral contesté n'a pas été précédé de la consultation préalable du public prévue par l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure ;

- en admettant qu'elle ait eu lieu, cette consultation est irrégulière en ce qu'il n'apparaît pas que le projet de plan était accompagné de la note d'information prévue à l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure ;

- l'avis accompagnant le projet de plan d'urgence était imprécis ;

- les notes d'information des exploitants finalement versées au dossier sont très succinctes et ne répondent pas aux exigences requises, notamment en termes de précisions des risques concrets pour le voisinage, et n'analysent pas les risques en cas de phénomènes concomitants ; il n'est en outre pas établi qu'elles ont été portées à la connaissance du public ;

- la phase de concertation publique s'est déroulée dans des conditions irrégulières dès lors que l'avis publié n'indiquait ni les horaires exacts d'ouverture des lieux de concertation, ni leur adresse ;

- les prescriptions relatives au dispositif de sécurité à mettre en place pour interdire l'accès à la zone ne peuvent figurer dans un plan particulier d'intervention qui a uniquement vocation à organiser l'action des divers acteurs lors du déclenchement d'une alerte ;

- à supposer même que de telles prescriptions puissent figurer dans un plan particulier d'intervention, la préfète ne pouvait légalement mettre à sa charge l'installation et l'entretien des équipements de sécurité nécessaires à l'interruption de la circulation sur la voirie qui, en application des articles L. 741-6 et R. 741-22 du code de la sécurité intérieure, relèvent de l'exploitant et, lorsque le plan Orsec est déclenché, relèvent de l'autorité préfectorale ;

- l'exploitant peut se voir imposer par le plan particulier d'intervention la mise en oeuvre de mesures à l'extérieur de son établissement qui, bien que destinées à assurer la sécurité des populations, ne sont pas des mesures de police administrative générale ;

- l'article L. 411-6 du code de la route ne s'oppose pas à ce que l'autorité gestionnaire de la voirie autorise un tiers à réaliser les équipements de signalisation et implique seulement qu'aucune autre autorité que celle chargée des services de la voirie ne place de son propre chef des signaux routiers ;

- en admettant qu'il soit considéré comme responsable de l'installation et de l'entretien des équipements, leur prise en charge financière incombe aux exploitants en vertu de l'instruction n° 81-85 du 23 septembre 1981 relative à la répartition des charges financières afférentes à la fourniture, la pose, l´entretien, l´exploitation, le remplacement et éventuellement la suppression des dispositifs de signalisation routière et du guide Orsec -Etablissements " Seveso seuil haut " ;

- l'arrêté litigieux ne pouvait se borner à renvoyer la participation des exploitants au financement de ces équipements à une convention à conclure avec les gestionnaires de la voirie.

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 janvier 2020, le 6 juillet 2020, le 5 novembre 2020 et le 12 janvier 2021, la société Antargaz, qui vient aux droits de la société SIGAP Ouest, représentée par la SCP Boivin et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département des Deux-Sèvres d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens soulevés par le département des Deux-Sèvres n'est fondé ;

- la demande de première instance était irrecevable comme tardive.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le département des Deux-Sèvres n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté du 5 janvier 2006 relatif à la consultation du public sur le projet de plan particulier d'intervention de certaines installations, pris en application de l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Vendé représentant de Département des Deux-Sèvres et de Me Hercé représentant la société Antargaz.

Considérant ce qui suit :

1. La présence, rue Jean Jaurès, au sein de la zone industrielle de Saint-Florent à Niort (Deux-Sèvres), des établissements de la société industrielle des gaz et pétrole de l'ouest (SIGAP Ouest), aux droits de laquelle vient la société Antargaz, et de la société Arizona Chemical, aux droits de laquelle vient la société Kraton Chemical, a conduit la préfète des Deux-Sèvres à prescrire, le 11 juillet 2014, l'élaboration d'un plan particulier d'intervention (PPI) pour ces deux établissements qui exploitent chacun une installation classée pour la protection de l'environnement à raison de leur activité respective d'approvisionnement en gaz et de production de résines synthétiques. Ce plan a été approuvé par un arrêté préfectoral du 10 mai 2017. Par un recours gracieux en date du 11 juillet 2017, le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a demandé à la préfète des Deux-Sèvres de retirer les dispositions dudit plan mettant à sa charge, en sa qualité de gestionnaire de voirie, l'installation et l'entretien d'un dispositif de signalisation destiné à interdire l'accès à la zone en cas d'évènement accidentel majeur au sein de l'un ou l'autre établissement. Ce recours a été explicitement rejeté par une décision de la préfète des Deux-Sèvres en date du 9 octobre 2017. Par un jugement du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande du département des Deux-Sèvres tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2017 et de la décision du 9 octobre 2017 en tant qu'ils mettent à sa charge l'installation et l'entretien de ce dispositif. Le département des Deux-Sèvres relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont suffisamment répondu, au point 2 de leur jugement, au moyen tiré de ce que l'arrêté du 10 mai 2017 portant approbation du PPI pour les établissements de la SIGAP Ouest et de la société Arizona Chemical n'a pas été précédé de la consultation préalable du public prévue par les dispositions applicables du code de la sécurité intérieure. Par suite, contrairement à ce que soutient le département des Deux-Sèvres, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité à raison d'un défaut de réponse à ce moyen.

3. D'autre part, en admettant que le département des Deux-Sèvres ait entendu soulever devant le tribunal administratif le moyen tiré de ce que la procédure de consultation préalable du public était irrégulière faute d'édiction d'un arrêté portant organisation de cette consultation, un tel moyen était inopérant, de sorte que le tribunal administratif n'était pas tenu d'y répondre.

Sur la légalité de l'arrêté de la préfète des Deux-Sèvres portant approbation du PPI :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes de l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure : " Le projet de plan particulier d'intervention est mis à la disposition du public pendant un mois au siège de la sous-préfecture ou pour l'arrondissement chef-lieu à la préfecture, et à la mairie de chaque commune où s'appliquera le plan (...) / Un avis faisant connaître l'objet, la date d'ouverture, les lieux et la durée de la consultation est publié par le préfet, quinze jours au moins avant le début de la consultation, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département où s'appliquera le plan. / Les observations du public sur le projet de plan sont consignées sur des registres ouverts à cet effet. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2006 relatif à la consultation du public sur le projet de plan particulier d'intervention de certaines installations, pris en application de l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure : " Le projet de plan particulier d'intervention pour une installation visée à l'article 1er est adressé par le préfet au maire en vue de la mise à la disposition du public, pendant un mois, dans la mairie de chaque commune où s'appliquera ce plan. Le projet de plan d'urgence est accompagné d'un avis pour affichage par le maire dès réception, sur le lieu de consultation. Cet avis affiché reprend les mêmes informations que l'avis publié. / Le projet de plan d'urgence est encore accompagné d'un registre mentionnant l'objet de la consultation, le nom de la commune et celui de l'établissement industriel pour lequel est préparé le plan d'urgence, aux fins de recueillir les observations du public sur le projet de plan particulier d'intervention. / Une note d'information est jointe au projet de plan d'urgence, préparée par l'exploitant et présentant son activité industrielle, les risques susceptibles d'en résulter pour la population et le voisinage lors d'un accident majeur. Cette note peut être accompagnée de la brochure d'information préparée par l'exploitant à l'intention des populations en application de l'article R. 741-30 du code de la sécurité intérieure ".

5. D'abord, contrairement à ce que soutient le département des Deux-Sèvres, il ne résulte ni des dispositions de l'article R. 741-26 du code de la sécurité intérieure citées au point précédent ni d'aucun autre texte législatif ou règlementaire que l'autorité administrative aurait été tenue d'édicter un arrêté portant organisation de la consultation préalable du public.

6. Ensuite, ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis de consultation du public publié le 13 mai 2016 dans des éditions du Courrier de l'ouest et de La Nouvelle République ainsi que des attestations établies par le maire de Niort le 12 juillet 2016 et par le chef du service interministériel de défense et de protection civile le 7 juillet 2016, que le projet de PPI a été mis à la disposition du public du 6 juin au 6 juillet 2016 inclus et que des registres pour consigner les observations recueillies ont été ouverts à cet effet. Conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2006 citées au point 4, l'avis accompagnant le projet de plan d'urgence précise l'objet, la date d'ouverture, les lieux et la durée de la consultation. Si, ainsi que le fait valoir le département des Deux-Sèvres en appel, l'avis indique d'une part que le PPI est consultable aux " heures habituelles de consultation du public " sans mentionner les heures d'ouverture exactes des lieux de consultation et d'autre part que ces derniers se trouvent " à la préfecture des Deux-Sèvres à Niort et à la mairie de Niort " sans en donner l'adresse précise, il ne ressort pas des pièces du dossier que la consultation se serait déroulée selon des modalités qui n'auraient pas permis l'information du public dans de bonnes conditions.

7. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courrier en date du 10 mai 2016 adressé par la préfète des Deux-Sèvres au maire de Niort, que, conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2006 citées au point 4, une note d'information de chacun des exploitants des établissements concernés par le PPI a été jointe au projet de plan d'urgence et mise à la disposition du public. Contrairement à ce que soutient en appel le département des Deux-Sèvres, ces deux notes d'information présentent de manière suffisamment précise et détaillée l'activité industrielle des établissements en cause ainsi que, même si elles ne comportent pas d'analyse en cas de phénomènes concomitants aux deux exploitants, les risques susceptibles d'en résulter pour la population et le voisinage lors d'un accident majeur. La note d'information préparée par la SIGAP Ouest indique notamment à cet égard que les risques principaux pour l'environnement et la population constitués par le stockage et le transfert de propane et de butane sont les risques d'explosion et d'incendie tandis que la note d'information de la société Arizona Chemical expose les risques associés à l'utilisation des différents produits chimiques pour la fabrication de ses résines, y compris dans l'hypothèse d'un " scénario majorant ".

8. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017 portant approbation du PPI pour les établissements de la SIGAP Ouest et de la société Arizona Chemical a été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Le PPI pour les établissements de la SIGAP Ouest et de la société Arizona Chemical approuvé par l'arrêté de la préfète des Deux-Sèvres du 10 mai 2017 prévoit au point 1.3 de l'annexe à laquelle il renvoie la réalisation d'un dispositif destiné à interdire de façon immédiate l'accès à la zone PPI en cas d'évènement accidentel majeur au sein de l'un ou l'autre de ces deux établissements entrant dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement. Ce dispositif est constitué, d'une part, d'un ensemble de panneaux " sens interdit " dynamiques asservis au signal d'alerte sur les voies d'accès aux abords de la zone au niveau de huit points de bouclage identifiés et, d'autre part, de demi-barrières actionnables manuellement portant la mention " Zone de risque industriel ". L'annexe au PPI prévoit également qu' " il appartient à la ville de Niort et au département des Deux-Sèvres, en leur qualité de gestionnaire de voirie, d'installer et d'entretenir l'ensemble de ce dispositif (...) " et que " dans la mesure où le danger est imputable aux établissements SIGAP Ouest et Arizona Chemical, les deux gestionnaires de voirie pourront rechercher la participation financière des deux exploitants par le biais d'une convention (...) ".

S'agissant de l'installation et de l'entretien du dispositif par les gestionnaires de voirie :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure : " Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l'organisation générale des secours et recense l'ensemble des moyens publics et privés susceptibles d'être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l'autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec est arrêté par le représentant de l'Etat dans le département (...) ". Selon l'article L. 741-6 du même code : " Les dispositions spécifiques des plans Orsec prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l'existence et au fonctionnement d'installations ou d'ouvrages déterminés. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les caractéristiques des installations et ouvrages pour lesquels le plan Orsec doit définir (...) un plan particulier d'intervention en précisant les mesures qui incombent à l'exploitant sous le contrôle de l'autorité de police (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 741-18 de ce code : " Les plans particuliers d'intervention sont établis, en vue de la protection des populations, des biens et de l'environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l'existence ou au fonctionnement d'ouvrages ou d'installations dont l'emprise est localisée et fixe. Ils mettent en oeuvre les orientations de la politique de sécurité civile en matière de mobilisation de moyens, d'information et d'alerte, d'exercice et d'entraînement. / Le plan particulier d'intervention constitue un volet des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental (...) ". L'article R. 741-22 dudit code prévoit que : " Le plan particulier d'intervention (...) décrit les dispositions particulières, les mesures à prendre et les moyens de secours pour faire face aux risques particuliers considérés. Il comprend : (...) / 3° Les mesures d'information et de protection prévues au profit des populations (...) / 5° Les mesures incombant à l'exploitant à l'égard des populations voisines et notamment, en cas de danger immédiat, les mesures d'urgence qu'il est appelé à prendre avant l'intervention de l'autorité de police et pour le compte de celle-ci, en particulier : / a) La diffusion de l'alerte auprès des populations voisines ; / b) L'interruption de la circulation sur les infrastructures de transport et l'éloignement des personnes au voisinage du site ; (...) / 6° Les missions particulières, dans le plan, des services de l'Etat, de ses établissements publics, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et les modalités de concours des organismes privés appelés à intervenir (...) ".

11. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le PPI constitue un volet des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental qui prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l'existence et au fonctionnement d'installations ou d'ouvrages déterminés. Le PPI, qui décrit à cet égard les dispositions particulières, les mesures à prendre et les moyens de secours pour faire face aux risques particuliers considérés, comprend notamment les missions particulières des collectivités territoriales. Ainsi qu'il a été dit au point 9, le point 1.3 de l'annexe du PPI élaboré pour les établissements de la SIGAP Ouest et de la société Arizona Chemical, approuvé par l'arrêté de la préfète des Deux-Sèvres du 10 mai 2017, prévoit la réalisation d'un dispositif de signalisation destiné à interdire de façon immédiate l'accès à la zone en cas d'évènement accidentel majeur au sein de l'un ou l'autre établissement. La réalisation d'un tel dispositif relevant des missions particulières des collectivités territoriales, elle pouvait, contrairement à ce que soutient pour la première fois en appel le département des Deux-Sèvres, être prévue par le PPI alors même que le danger est imputable à des établissements qui relèvent de la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.

12. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article R. 741-22 du code de la sécurité intérieure citées au point 10 prévoient qu'en cas de danger immédiat il incombe à l'exploitant d'une installation ou d'un ouvrage déterminé de prendre, avant l'intervention de l'autorité de police et pour le compte de celle-ci, des mesures d'urgence parmi lesquelles celle consistant à interrompre la circulation sur les infrastructures de transport, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer à cet exploitant la réalisation du dispositif matériel actionné à l'effet de permettre une telle interruption. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la préfète des Deux-Sèvres n'avait pas méconnu les dispositions du code de la sécurité intérieure en mettant à la charge notamment du département des Deux-Sèvres l'installation et l'entretien de l'ensemble du dispositif nécessaire à l'interruption de la circulation sur la voirie comprise dans le périmètre du PPI.

13. En troisième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L.3221-4 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. À ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'État dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'État dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2213-1 du même code applicable à la date des décisions attaquées : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. A l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation ". D'autre part, l'article L.411-6 du code de la route dispose que : " le droit de placer en vue du public, par tous les moyens appropriés, des indications ou signaux concernant, à un titre quelconque, la circulation n'appartient qu'aux autorités chargées des services de la voirie ".

14. Ainsi qu'il a été dit au point 9, le dispositif destiné à interdire de façon immédiate l'accès à la zone en cas d'évènement accidentel majeur, dont la réalisation est prévue par le point 1.3 de l'annexe du PPI approuvé par l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017, est constitué, d'une part, d'un ensemble de panneaux " sens interdit " dynamiques asservis au signal d'alerte sur les voies d'accès aux abords de la zone et, d'autre part, de demi-barrières actionnables manuellement portant la mention " Zone de risque industriel ". Le pouvoir de police de la circulation, qui comprend notamment le droit de placer en vue du public des indications ou signaux concernant la circulation, incombe exclusivement au gestionnaire du domaine public routier même si la signalétique est rendue nécessaire par l'existence d'un danger imputable à l'exploitant d'une installation classée en raison du risque que génère son activité. Conformément aux dispositions citées au point précédent, et ainsi que l'a pertinemment jugé le tribunal administratif, en mettant à la charge du département des Deux-Sèvres, en sa qualité de gestionnaire de voirie, l'installation et l'entretien du dispositif de signalisation implanté sur la voirie départementale comprise dans le périmètre du PPI, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas commis d'erreur de droit.

S'agissant de la participation financière des exploitants :

15. L'installation et l'entretien du dispositif nécessaire pour interdire de façon immédiate l'accès à la zone de danger en cas d'évènement accidentel majeur ne sont pas prévus dans le seul intérêt des exploitants d'installations dont l'activité génère un risque mais ont pour objet essentiel l'intérêt général de la protection de l'environnement et celui de la sécurité des populations. La charge financière de ces mesures ne peut donc être supportée par les exploitants qu'en vertu de la loi. Ni l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure cité au point 10 ni aucun autre texte législatif n'impose auxdits exploitants la prise en charge financière du dispositif de signalisation routière destiné à interdire de façon immédiate l'accès à la zone de danger en cas d'évènement accidentel majeur. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la préfète des Deux-Sèvres avait pu légalement ne pas imposer aux exploitants de supporter les frais d'installation et d'entretien du dispositif en cause et seulement prévoir que les deux gestionnaires de voirie pourraient rechercher leur participation financière par le biais d'une convention.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que le département des Deux-Sèvres n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2017 et de la décision du 9 octobre 2017 de la préfète des Deux-Sèvres. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Deux-Sèvres au titre de ces mêmes dispositions, le versement à la société Antargaz, qui vient aux droits de la SIGAP Ouest, de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du département des Deux-Sèvres est rejetée.

Article 2 : Le département des Deux-Sèvres versera la somme de 1 500 euros à la société Antargaz, qui vient aux droits de la société Industrielle des Gaz de Pétrole de l'Ouest (SIGAP Ouest), au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département des Deux-Sèvres, à la société Antargaz, à la société Kraton Chemical et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2021.

La rapporteure,

Karine A...

Le président,

Dominique Naves

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02391
Date de la décision : 18/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-18;19bx02391 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award