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21/10/2021 | FRANCE | N°21BX01007

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 21 octobre 2021, 21BX01007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n°2000631 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 9 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Moura, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n°2000631 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Moura, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente dès lors qu'elle ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 20-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation personnelle et professionnelle nécessite un délai plus long ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour une décision du 11 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Gay a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante malgache, née le 14 décembre 1974, est entrée en France le 17 juin 2019, sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de ses deux enfants, dont l'un est mineur. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 23 janvier 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 29 novembre 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes de la préfecture, le préfet des Hautes-Pyrénées a donné délégation à Mme Penela, secrétaire générale de la préfecture par intérim, à l'effet de signer notamment les décisions prévues par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si Mme A... allègue que le préfet n'apporte pas la preuve de son empêchement, il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire pour signer l'arrêté contesté d'établir que le préfet n'était ni absent ni empêché. Or l'intéressée n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations et cette circonstance ne ressort pas non plus des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant refus de séjour :

3. La décision attaquée vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de Mme A... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ces indications, qui ont permis à l'intéressée de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes, dès lors que le préfet n'est pas tenu de reprendre dans les motifs l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme A.... Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision portant refus de séjour doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des termes mêmes de la décision en litige que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A....

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le père français de la fille de Mme A..., née le 29 décembre 2007, qui l'a reconnue le 7 juillet 2008, ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de cette enfant. Si l'intéressée se prévaut, en appel, d'un jugement du juge aux affaires familiales du 12 février 2021, qui fixe la résidence de l'enfant au domicile de la mère avec un droit de visite et d'hébergement pour le père et qui fixe à cent euros par mois la contribution du père par enfant, cet élément, postérieur à l'arrêté attaqué, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée très récemment en France, avec son fils majeur et sa fille mineure et n'apporte aucun élément susceptible de justifier d'une insertion particulière dans la société française. Ni la présence sur le territoire national de deux sœurs, ni le fait qu'elle justifie d'une promesse d'embauche ne sont de nature à lui conférer un quelconque droit au séjour. Enfin, il n'est ni établi ni même allégué que sa fille ne pourra pas poursuivre une scolarité normale à Madagascar, pays d'origine de sa mère. Dès lors, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Si Mme A... fait valoir que la décision en litige aura pour effet de séparer sa fille de son frère majeur, qui a vocation à rester en France, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la fille de Mme A... de sa mère. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme A.... Par suite, leurs moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de son article 20-1 doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la fixation du délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire.

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation (...) ".

13. Dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions de l'article 7, une telle prolongation.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation dudit délai. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet des Hautes-Pyrénées ne lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas suffisamment motivée.

14. Mme A... soutient que le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas tenu compte des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale pour fixer le délai de départ volontaire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la durée du séjour de Mme A... en France, qu'en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, soit le délai de droit commun prévu par le II de l'article L. 511-1, le préfet aurait fait une appréciation manifestement erronée de la situation de l'intéressée.

Sur la fixation du pays de renvoi :

15. Il résulte de ce qui précède que A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Eric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 21BX01007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX01007
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-21;21bx01007 ?
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