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04/11/2021 | FRANCE | N°20BX01209

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2021, 20BX01209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Desmotors a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1801820 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020, et un mémoire, enregist

ré le 22 mars 2021, la société Desmotors, représentée par Me Lopes, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Desmotors a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1801820 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020, et un mémoire, enregistré le 22 mars 2021, la société Desmotors, représentée par Me Lopes, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2020 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'acquisition de deux motos en Allemagne, en vue de leur revente, est soumise au régime de TVA applicable aux véhicules d'occasion et non pas à celui applicable aux véhicules neufs, en dépit de l'indication sur leurs compteurs d'un kilométrage inférieur à 6 000 km, et elle ne peut être regardée comme supportant la charge de la preuve ;

- concernant les rappels relatifs à la rectification des modalités de calcul de la marge, le service a estimé à tort que les dépenses auprès des partenaires commerciaux ne constituaient pas des services financiers déductibles du montant de la marge soumise à la TVA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, et un mémoire non communiqué enregistré le 6 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Desmotors, qui a pour activité la vente de motos et de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service lui a notifié, par une proposition de rectification du 12 avril 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. La société Desmotors relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de cette période et qui trouve son origine dans le contrôle précité.

Sur le régime applicable à la cession des véhicules MV Agusta F 4 et Ducati 900 :

2. Aux termes de l'article 256 bis du code général des impôts : " I. (...) 2° bis : Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'État membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet État prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. ". Aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Aux termes de l'article 298 sexies du même code : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs effectuées par des personnes mentionnées au 2° du I de l'article 256 bis ou par toute autre personne non assujettie. / III. (...) 2. Sont considérés comme moyens de transport neufs : (...) b. les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres. (...) VI. Les dispositions de l'article 297 A ne sont pas applicables aux livraisons de moyens de transport neufs visés au II (...) ".

3. La société Desmotors a acquis en Allemagne deux motocyclettes, l'une de modèle MV Agusta F 4, mise en circulation le 10 mars 2005, et l'autre de modèle Ducati 900, mise en circulation le 21 juillet 1992. En 2015, elle a procédé à la revente de ces véhicules, et soumis ces reventes au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, au motif qu'il s'agissait de véhicules d'occasion. Toutefois, lors de la vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté que la société avait indiqué sur les certificats d'immatriculation qu'à la date de leur acquisition, les véhicules avaient parcouru respectivement 500 et 2 500 kilomètres. Il a, dès lors, estimé que les motocyclettes devaient être regardées comme des véhicules neufs au sens du 2 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts et que leur revente ne pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

4. La société requérante fait valoir que ces véhicules ne peuvent être qualifiés de véhicules neufs, dès lors que les kilométrages inférieurs à 6 000 kilomètres inscrits sur les compteurs et dans les certificats de cession, qu'elle s'est estimée tenue de reporter sur les certificats d'acquisition adressés à l'administration fiscale, étaient manifestement erronés au vu de la date de mise en circulation des véhicules et des falsifications courantes constatées dans ce domaine. Toutefois, si la société produit un article de presse relatif à la manipulation frauduleuse des compteurs, ce seul élément est insuffisant pour remettre en cause le kilométrage mentionné sur les compteurs et les certificats de cession. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté des véhicules, c'est à bon droit que le service les a regardés comme des véhicules neufs pour l'application des dispositions rappelées au point 2.

Sur le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge :

5. Il résulte des dispositions, rappelées au point 2, du 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts que pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée dite " sur la marge ", la base d'imposition est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. Aux termes du II de ce même article, " La base d'imposition définie au I peut être déterminée globalement, pour chacune des périodes couvertes par les déclarations mentionnées à l'article 287, par la différence entre le montant total des livraisons et le montant total des achats de biens d'occasion (...) effectués au cours de chacune des périodes considérées (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 12 avril 2017, qu'au cours de la vérification de comptabilité dont la société Desmotors a fait l'objet, le service a constaté que la société avait mis en place un système lui permettant de procéder à l'acquisition de véhicules alors même qu'elle ne disposait pas des liquidités nécessaires à ces acquisitions. Pour cela, elle faisait appel à des tiers qui lui faisaient l'avance des fonds, et qui, au moment de la revente, établissait une facture correspondant au prix de l'avance, augmenté de la moitié de la marge résultant de la différence entre le prix de revente et le coût initial rehaussé des frais de révision. L'administration a estimé que ce mode de calcul était erroné et que l'EURL Desmotors était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité de la marge, calculée uniquement par différence entre le prix de revente et le prix d'achat initial.

7. La société Desmotors soutient que l'administration s'est méprise sur le système mis en place. Elle fait ainsi valoir qu'elle procède à l'acquisition d'un véhicule, avant de le revendre sans marge à son " partenaire commercial ", qui le lui revend avec une marge soumise à taxe, avant qu'elle-même ne le revende avec une marge soumise à la taxe. Toutefois, si la société soutient que les " partenaires commerciaux " lui apporteraient ainsi une aide matérielle, sur laquelle elle ne donne aucune précision, il est constant que ces " partenaires commerciaux ", dont l'activité professionnelle était très éloignée de l'acquisition ou l'entretien de véhicules, ne disposaient pas de locaux permettant le stockage des véhicules, qui restaient en la possession de la société requérante. La circonstance que les " partenaires " auraient déclaré et acquitté la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lors de la revente des véhicules à la société Desmotors est sans incidence sur la taxe due par cette dernière. Ainsi, à défaut d'expliquer à la cour en quoi consisterait l'intérêt commercial du système ainsi mis en place, et d'apporter le moindre élément à l'appui de ces allégations, la société Desmotors ne remet pas en cause l'appréciation de l'administration, et c'est à bon droit que cette dernière a estimé que la marge soumise à la taxe ne pouvait résulter que de la différence entre le prix de revente et le prix d'achat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Desmotors n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Desmotors est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Desmotors et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01209
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL P. BENDJEBBAR - O. LOPES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-04;20bx01209 ?
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