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25/11/2021 | FRANCE | N°20BX00168

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 20BX00168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie financière d'Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel la maire de Bruges a refusé de lui délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel portant sur la réalisation de logements collectifs et de commerces sur les parcelles cadastrées section AZ n° 0007, 0008, 0009, 0010 et 0025 situées 423 route du Médoc, ainsi que la décision du 12 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900129 du

12 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie financière d'Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel la maire de Bruges a refusé de lui délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel portant sur la réalisation de logements collectifs et de commerces sur les parcelles cadastrées section AZ n° 0007, 0008, 0009, 0010 et 0025 situées 423 route du Médoc, ainsi que la décision du 12 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900129 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 janvier 2020, le 22 juin 2020 et le 7 juillet 2021, la société Compagnie financière d'Aquitaine, représentée par Me Baltazar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Bruges du 25 juillet 2018, ainsi que la décision du 12 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à la maire de Bruges de lui délivrer le certificat d'urbanisme sollicité, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bruges la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que ses points 4 et 10 sont contradictoires ;

- l'arrêté du 25 juillet 2018, qui se contente de recopier la délibération du 28 juin 2018 et l'avis défavorable de Bordeaux Métropole, n'est pas suffisamment motivé ;

- cet arrêté se fonde sur la délibération du 28 juin 2018, qui est illégale, dès lors qu'il n'appartient pas au conseil municipal d'instaurer un " périmètre de gel des droits à construire ", qui est contraire au PLU ;

- l'administration ne pouvait refuser de délivrer un certificat d'urbanisme au regard des travaux temporaires effectués sur la voie de desserte ;

- cet arrêté n'a pas de fondement légal, alors que le PLU autorise que cette parcelle soit construite et que les conditions d'accès ne peuvent pas être opposées lors de la délivrance d'un certificat d'urbanisme ;

- la maire de Bruges a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les règles d'accès à la voie publique du PLU sont respectées par son projet qui prévoit deux accès permettant de répartir harmonieusement le trafic routier ; par ailleurs, ce projet est compatible avec celui porté par Bordeaux Métropole ; ainsi, son projet est compatible avec les travaux liés à la mise en œuvre du tramway et tient compte des aménagements techniques et de sécurité programmés.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, la commune de Bruges, représentée par le cabinet Noyer-Cazcarra Avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Compagnie financière d'Aquitaine la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la société Compagnie financière d'Aquitaine ne sont pas fondés ;

- elle aurait pu fonder sa décision sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet aurait pour effet de créer un risque pour la sécurité publique compte tenu de la position des accès aux parcelles concernées, du caractère saturé de la circulation sur la route du Médoc et de l'accroissement substantiel du trafic automobile qui résulterait de la réalisation de commerces et des 190 logements projetés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Baltazar, représentant la société Compagnie financière d'Aquitaine, et de Me Cazcarra, représentant la commune de Bruges.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie Financière d'Aquitaine a sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme en vue de la construction de six bâtiments comprenant 190 logements et des commerces sur les parcelles cadastrées section AZ n° 7, 8, 9, 10 et 25 situées 423 route du Médoc à Bruges. Par un arrêté du 25 juillet 2018, la maire de Bruges a déclaré cette opération non réalisable. La société Compagnie Financière d'Aquitaine relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme négatif.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2018 :

2. En premier lieu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ressort des termes du certificat d'urbanisme négatif en litige qu'il est notamment fondé sur la délibération du 28 juin 2018 du conseil municipal de Bruges. Cette délibération a pour objet d'étendre le " périmètre de maîtrise du développement urbain ", défini par la délibération du 29 juin 2016, au secteur de la route du Médoc. Or, la délibération du 29 juin 2016 se borne à faire état du souhait de la commune de mettre en place une politique de maîtrise de l'urbanisation dans certaines zones dans la perspective de la révision du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole. Ce souhait ne s'est toutefois pas traduit par l'instauration d'un " périmètre de gel des constructions " dans le plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole, dont les auteurs ont seuls compétence pour imposer une telle servitude d'urbanisme. Ainsi, la délibération du 28 juin 2018 a seulement eu pour objet d'intégrer le secteur de la route du Médoc à ce " périmètre de maîtrise du développement urbain ", qui ne reflète qu'un souhait de la commune de voir les droits à construire restreints sur cette zone. Par suite, la maire de Bruges ne pouvait légalement se fonder sur cette délibération, qui ne pouvait être opposée à la demande de la société requérante, pour refuser de lui délivrer le certificat d'urbanisme demandé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ". Aux termes de l'article R. 410-1 de ce code : " La demande de certificat d'urbanisme précise l'identité du demandeur, la localisation, la superficie et les références cadastrales du terrain ainsi que l'objet de la demande. Un plan de situation permettant de localiser le terrain dans la commune est joint à la demande. / Dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, la demande est accompagnée d'une note descriptive succincte de l'opération indiquant, lorsque le projet concerne un ou plusieurs bâtiments, leur destination et leur sous-destination définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 et leur localisation approximative dans l'unité foncière ainsi que, lorsque des constructions existent sur le terrain, un plan du terrain indiquant l'emplacement de ces constructions ". Enfin, aux termes de l'article R. 410-13 du même code : " Lorsque le certificat d'urbanisme exprès indique, dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, que le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, cette décision porte exclusivement sur la localisation approximative du ou des bâtiments dans l'unité foncière, leur destination et leur sous-destination et sur les modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus ".

4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'il appartient à l'autorité compétente, saisie d'une demande présentée sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, de délivrer un certificat d'urbanisme négatif lorsque le terrain ne peut être utilisé pour l'opération envisagée compte tenu de la localisation et de la destination du ou des bâtiments projetés et des modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus. Lorsqu'en revanche, le certificat d'urbanisme est délivré, il porte exclusivement sur la localisation approximative des bâtiments dans l'unité foncière.

5. En l'espèce, la maire de Bruges s'est également fondée, pour rejeter la demande de la société Compagnie Financière d'Aquitaine, sur la méconnaissance de l'article 3.2.2 du règlement de la zone UM14 du plan local d'urbanisme, relatif aux conditions d'accès, selon lequel " Tout accès doit permettre d'assurer la sécurité de ses utilisateurs ainsi que celle des usagers des voies, quel que soit le mode de déplacement. Cette sécurité est appréciée compte tenu, notamment, de la position de l'accès, de sa configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic (...) ". Toutefois, si le projet de la société Compagnie financière d'Aquitaine indiquait qu'un accès étaient prévu en rez-de-chaussée et en R-1 sur la route du Médoc à l'extrémité ouest du terrain d'assiette, et qu'un autre accès était prévu en R-1 sur l'avenue Charles de Gaulle, ces mentions n'étaient aucunement exigées par l'article R. 410-1 du code de l'urbanisme. Ainsi, la maire a fondé le certificat d'urbanisme négatif en litige sur la méconnaissance d'une règlementation sur laquelle la société n'était pas tenue, à ce stade, d'apporter de précisions. Dès lors, la seule circonstance que les accès, tels que figurant dans le projet de la requérante, n'auraient pas respecté l'article 3.2.2 du règlement de la zone UM14 du plan local d'urbanisme n'était pas de nature à justifier la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif. Par suite, l'arrêté du 25 juillet 2018 en litige est entaché d'une erreur de droit.

6. Enfin, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

7. D'une part, ainsi qu'il a été dit, la commune ne saurait, au stade de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, se prévaloir, pour caractériser une atteinte à la sécurité publique, de la localisation des accès prévus par le projet de la société Compagnie financière d'Aquitaine, qui ne peuvent être regardés comme étant définitifs et qui n'ont été indiqués qu'à titre superfétatoire par la requérante dans la notice descriptive du projet. D'autre part, les seules circonstances que le projet d'assiette est desservi par deux axes de circulation qui connaissent une fréquentation importante, à savoir l'avenue Charles de Gaulle et la route du Médoc, et que le projet prévoit la réalisation de 190 logements et des commerces ne suffisent pas, à elles seules, en l'état du projet et compte tenu de sa localisation en pleine agglomération, à caractériser l'existence d'une atteinte à la sécurité publique au sens des dispositions R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la substitution de motifs demandée par la commune doit être écartée.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparait susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté en litige.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que la société Compagnie financière d'Aquitaine est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2019.

Sur l'injonction :

10. Au regard de ses motifs, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint à la maire de Bruges de procéder au réexamen de la demande de la société Compagnie financière d'Aquitaine, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Compagnie foncière d'Aquitaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Bruges à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bruges une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2019 et l'arrêté de la maire de Bruges du 25 juillet 2018 ainsi que sa décision du 12 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la maire de Bruges de procéder au réexamen de la demande de la société Compagnie financière d'Aquitaine dans un délai de deux mois.

Article 3 : La commune de Bruges versera à la société Compagnie financière d'Aquitaine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bruges présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie financière d'Aquitaine et à la commune de Bruges.

Délibéré après l'audience du 28 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00168 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00168
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SERHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-25;20bx00168 ?
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