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25/11/2021 | FRANCE | N°21BX02597

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 21BX02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2102616 du 10 mai 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. A..., représenté par Me Rasoaveloson, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice d

e l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2102616 du 10 mai 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. A..., représenté par Me Rasoaveloson, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 mai 2021 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 4 mai 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la neutralisation de motif opérée par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse l'a privé d'une garantie procédurale, dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ;

- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il vise des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables et se borne à indiquer qu'il a été procédé un examen de sa situation personnelle sans précisions ;

- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations, en méconnaissance du droit à être entendu ;

- la décision d'assignation à résidence se fonde sur un arrêté d'expulsion illégal ; en effet, cet arrêté est insuffisamment motivé, dès lors qu'il comporte une erreur de fait quant à sa demande de titre de séjour et que son article 4 est manquant ; qu'il est entaché d'erreurs de faits, dès lors qu'il a demandé le renouvellement de son titre de séjour au mois de décembre 2013, et a ensuite sollicité un titre de séjour avant le 16 janvier 2016 ; que le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ; que cet arrêté d'expulsion méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside en France depuis 19 ans, qu'il présente des garanties de réinsertion professionnelle, que sa mère et sa sœur, seuls membres de sa famille, résident sur le territoire français et qu'il entretient une relation avec une ressortissante française qui est actuellement enceinte ;

- au regard des conditions de son assignation à résidence, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2021 le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 30 décembre 1985, entré en France le 28 février 2002 à l'âge de 16 ans au bénéfice du regroupement familial, a fait l'objet, le 31 mars 2021, d'un arrêté d'expulsion du préfet de la Haute-Garonne. Par un arrêté du 4 mai 2021, le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence pour une durée de

quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 10 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. A... ne justifiant pas avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle malgré la demande qui lui a été adressée le 23 juin 2021, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du point 3 du jugement attaqué que le premier juge n'a pas entendu effectuer une neutralisation de motifs, mais a considéré que l'erreur de fait commise par le préfet dans la décision d'expulsion n'a pas eu d'incidence sur le sens de cette décision, qui était fondée sur un autre motif. En s'abstenant de demander à M. A... de présenter ses observations sur ce point, le tribunal administratif n'a ainsi méconnu aucune garantie procédurale. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 mai 2021 :

4. En premier lieu, l'arrêté du 4 mai 2021 vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'elles sont issues de la nouvelle numérotation de ce code, entrée en vigueur le 1er mai 2021, et applicables à la situation de M. A.... Il fait par ailleurs état de l'arrêté d'expulsion du 31 mars 2021 pris à l'encontre de l'intéressé, des circonstances expliquant l'impossibilité d'exécuter immédiatement cet arrêté et de ce qu'il a été procédé à un examen de sa situation personnelle, sans qu'il soit nécessaire à cet égard qu'il soit fait référence à un document afin de justifier de cet examen. Ainsi, l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter utilement ses observations, notamment au regard du court délai qui lui aurait été accordé avant que l'arrêté d'assignation à résidence ne lui ait été notifié, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. A... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté d'expulsion du 31 mars 2021 pris à son encontre, sur lequel se fonde l'arrêté litigieux.

7. La circonstance que certaines indications retenues par le préfet de la Haute-Garonne dans l'arrêté du 31 mars 2021 sont erronées n'a pas pour effet de priver de motivation cet arrêté, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant ainsi à M. A... de comprendre utilement les motifs de cette décision. Par ailleurs, l'erreur de numérotation dans le dispositif de l'arrêté, qui relève d'une erreur matérielle, ne saurait être regardée comme ayant affecté sa légalité.

8. Si l'arrêté du 31 mars 2021 indique que M. A... n'a pas sollicité le renouvellement de sa carte de résident valable du 30 décembre 2003 au 29 décembre 2013, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a déposé une demande de renouvellement de cette carte le 23 décembre 2013, et qu'il n'a sollicité un nouveau titre de séjour que le 16 janvier 2019 après l'expiration de son dernier titre au mois de septembre 2018, alors qu'il a entrepris des démarches à cette fin dès le mois d'octobre 2018, ces mentions erronées n'ont pas fondé l'arrêté d'expulsion édicté par le préfet à l'encontre de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré des erreurs de faits entachant l'arrêté du 31 mars 2013 doit être écarté.

9. L'arrêté du 31 mars 2021 fait état de la situation familiale et administrative de M. A..., de ses condamnations judiciaires, mais également de la volonté de ce dernier de s'amender et de ses démarches professionnelles en vue de sa réinsertion. La circonstance qu'il ne soit pas fait mention de l'intégralité des pièces communiquées à la commission d'expulsion ne saurait révéler un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé, contrairement à ce qu'il soutient.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

11. M. A... est entré en France en 2002, à l'âge de seize ans, et y a vécu auprès de sa mère et de sa sœur, toutes deux de nationalité française. S'il fait valoir qu'il est parfaitement intégré sur le territoire national, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été condamné par la cour d'assises de Carcassonne à une peine de treize ans de réclusion criminelle, avec suivi socio-judiciaire pendant dix ans, pour viol en réunion, sous la menace d'une arme, en raison de l'orientation ou l'identité sexuelle de la victime, et a été incarcéré du 5 mars 2010 au 1er juin 2019. Ni le comportement de M. A... en détention ni ses démarches depuis son élargissement, bien qu'attestant d'une volonté de réinsertion professionnelle, ne peuvent être regardés comme révélant une véritable intégration dans la société française, eu égard à la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, et aux conditions de sa présence sur le territoire français, dont neuf années se sont déroulées en détention. Si M. A... se prévaut d'une relation avec une ressortissante française, qui est enceinte depuis le mois d'avril 2021, soit postérieurement à l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, il ne verse aucun élément au dossier attestant d'une communauté de vie avec celle-ci. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, alors même que son père et sa grand-mère sont décédés. Ainsi, l'arrêté du 31 mars 2021 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts qu'il poursuit. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 11 que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté d'expulsion du 31 mars 2021 pris à son encontre à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 4 mai 2021 portant assignation à résidence.

13. Enfin, l'arrêté litigieux assigne M. A... à résidence dans le département de la Haute-Garonne et l'oblige à se rendre deux fois par semaine à la gendarmerie de Seysses entre 16h et 18h. Si le requérant soutient qu'il est pénalisé par ces restrictions de déplacement alors qu'il se rend régulièrement chez sa mère et sa sœur qui vivent toutes deux à Béziers, rien ne fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier d'une autorisation de déplacement, ainsi que le prévoit l'article 3 de l'arrêté attaqué, pour leur rendre visite. Dans ces circonstances, en édictant de telles modalités d'assignation, qui ne sont pas disproportionnées par rapport aux buts poursuivis, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ni commis une erreur de droit.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02597 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02597
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Restrictions apportées au séjour. - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : RASOAVELOSON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-25;21bx02597 ?
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